Homélie du 4e dimanche de Pâques

18 avril 2016

« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Il est intéressant de voir ce passage de l’Évangile dans lequel Jésus déclare :

« Mes brebis écoutent ma voix ; je les connais et elles me suivent. »

Parmi les passages les plus touchants de l’Évangile, il y a ceux dans lesquels Jésus appelle. Vous le savez, en ce quatrième dimanche de Pâques, nous sommes invités à prier pour les vocations.
Jésus appelle. Dieu appelle à travers le Christ. Il appelle à Le suivre, à collaborer avec Lui au mystère du Salut, au mystère de l’amour de Dieu qui se répand.

Il est important de savoir que, pour répondre à l’appel de Dieu, il faut d’abord écouter Sa Parole.

« Mes brebis écoutent ma voix. »

Il y a plusieurs formes d’appel qu’un baptisé peut entendre. Il y a le tout premier : l’appel à vivre, l’appel à donner la vie. Par grâce, nous avons été appelés à vivre sur cette terre. Et c’est une des raisons pour lesquelles l’Église bataille pour défendre la dignité de la vie humaine de la conception jusqu’à la mort naturelle. Mais, il y a aussi d’autres appels lancés au cours de la vie.

Plus particulièrement, il y a l’appel à faire le bien, avec la notion de collaborer avec le Christ à ce grand désir d’amour et de salut pour tous les hommes.
Au commencement de la célébration de la messe, on demande pardon parce que l’on pèche « en pensée, par action, et par omission ». Omission ne signifie pas que l’on a oublié quelque chose, mais parce que l’on a vu un bien à faire, et que l’on y a renoncé par fatigue, par manque d’intérêt. Et l’on a laissé l’autre avec le bien qu’elle demandait – peut-être une personne âgée – et on est passé à côté sans écouter l’appel à faire le bien.

Écouter l’appel de Dieu demande une vie intérieure. Il est important de savoir que Dieu frappe à la porte de mon cœur comme il frappe à la porte du cœur d’hommes et de femmes dans l’Évangile.
Mais, sans vie intérieure, comment écouter l’appel de Dieu ? Ce n’est pas possible !
Sans vie de prière, sans silence…

On le voit bien, le monde agit par distraction, tandis que Dieu agit par attraction : Il nous attire ! et pour se laisser attirer, il faut faire un peu silence dans son cœur.
D’où l’importance de la messe dominicale qui est, pour beaucoup, le temps de silence qui vous est offert dans votre semaine pour écouter l’appel de Dieu.

Cet appel là est très important. Et l’on peut prier pour que des personnes se lèvent, des hommes et des femmes, c’est une vraie vocation, pour rayonner de la communion de Dieu autour d’eux. Et cet appel à faire le bien peut engager toute leur vie.

Et c’est vrai que pour nous, comme religieux, comme prêtre, c’est ce qui nous a touchés au départ, dans notre propre désir.

Quelle est la différence entre l’appel à la vie matrimoniale – qui concerne le plus grand nombre, et celui à la vie consacrée ? Dans les deux cas, on est appelé à servir. Mais, dans le cas de la vie consacrée, et sacerdotale, c’est un bien universel dont il s’agit. On renonce à un grand bien – qui est celui du mariage, fonder une famille - pour l’amour de tous.
Les deux dont des vocations à l’amour, vous le savez, mais c’est un amour universel. Alors que dans la vie matrimoniale et familiale, c’est un amour privilégié. Ce n’est pas non plus exclusif – que ma famille, sans voir l’extérieur – mais c’est le lieu où l’on se doit de façon particulière auprès de mon époux, de mon épouse, de mes enfants, mes petits enfants (selon votre âge), je me dois de façon particulière. Et c’est ma manière de suivre le Christ, alors que, dans une vie offerte au Seigneur dans le célibat consacré ou la vie sacerdotale, il y a cet appel à faire le bien pour tous, comme une humanité de surcroît.
Une humanité gratuite, offerte aux autres, disponible aux autres, donnée aux autres.

Il est vrai qu’aujourd’hui, que ce soit pour l’appel à fonder une famille selon l’Évangile, ou que ce soit pour répondre à l’appel du Seigneur dans la consécration, on voit bien que ce n’est pas si simple. C’est même compliqué pour un certain nombre de jeunes pour la raison que j’ai exposée au début : le manque de disponibilité du cœur…
Il y a aussi le fait que l’on a peut-être pas assez intégré la culture de l’appel, sans réaliser qu’il est possible que Dieu ait besoin de moi. Dieu « veut avoir besoin de moi »…
Et l’on relâche on délègue à d’autres, on ne se sent pas concerné. C’est une forme d’égoïsme qui fait que l’on ne se sent pas concerné par le bien à faire.
Savez-vous comment Jean-Paul II a été appelé à la vie sacerdotale ? Il a été amené à se poser la question suite à la mort d’un vieux prêtre de sa paroisse : « Qui va le remplacer ? Qui ? » Et intérieurement, comme dans Isaïe, il a senti ce mouvement intérieur naître : « Envoie-moi, Seigneur ! » Voici une belle illustration de l’appel. En quelque sorte, il s’est senti appelé par le manque d’appel.

Il y a quinze jours, nous recevions à l’Abbaye une rencontre de jeunes professionnels. Une intervenante de 26 ans s’est adressée à cette centaine de jeunes dans le cadre des plénières. Elle a raconté comme elle s’est sentie appelée. Elle était à l’arrière d’une voiture familiale, au cours de ces interminables trajets que l’on prend pour revenir à la maison après avoir visité une tante et un oncle un peu éloignés. Elle avait alors 12 ans et regardait par la fenêtre ce patrimoine de France et se demandait : « Tout ce qu’est la France, qui va le transmettre ? »
Et après de très brillantes études, elle se lance en politique. Elle s’est sentie appelée.

Voyez, il y a des personnes qui sont touchées par la réalité des choses. D’autres pas ; ce n’est pas forcément par égoïsme – peut-être que oui, si c’est imprégné par le péché – cela ne les touche pas au cœur. Ils ne se sentent pas concernés. Ils ne sentent pas qu’ils peuvent apporter leur pierre pour rendre ce monde plus juste et fraternel.

Donc, si dans ta vie tu as senti à l’importe quel moment, dans ton cœur, un appel à faire le bien à la suite du Christ, prends très au sérieux ce désir, car c’est le Saint Esprit qui frappe à ta porte et qui veut te proposer une fécondité pour ta vie. Car c’est bien de cela dont il s’agit.

« Je leur donne la vie éternelle, jamais elles ne périront. »

Tout appel est pour une fécondité. On le voit bien dans l’Annonciation : la Vierge Marie est appelée par le Seigneur pour être la père du Sauveur. En un même appel l’appel de Dieu et celui à la fécondité.

Parfois, les manques de fécondité dans nos vies viennent du fait de ne pas être assez à l’écoute intérieurement. On est trop sur nos rails, enfermés dans nos affaires, aux prises avec l’activisme, et on écoute plus. Après, on se sent tout vides, et on se demande à quoi sert notre vie…
Parfois, il y a des secousses très fortes que le Seigneur envoie : des événements heureux comme malheureux, qui nous ramènent à l’intériorité.

Alors, frères et sœurs bien-aimés, il serait bon que nous priions de manière particulière tout d’abord pour nous-mêmes, pour que nous puissions être attentifs à ce que Dieu fait naître en nous. C’est ce que l’on appelle les motions du Saint Esprit.
Ayons assez de Foi pour croire qu’Il frappe à notre porte. Ayons assez de confiance pour nous mettre à Sa suite là où il nous appellera, que ce soit dans notre vie professionnelle, dans un engagement politique, selon les grands états de vie – que ce soit la vie matrimoniale ou religieuse – car cette vie est faite pour être donnée à une personne, qu’elle soit humaine ou divine.
Prions pour nous-mêmes. Prions pour avoir le courage, la grandeur d’âme, sans regarder à la dépense. N’oublions pas de demander le courage, car tout appel nous fera rencontrer la croix su Christ.
L’éducation n’est pas une tâche facile – les parents ne le savent que trop bien ! – la vie de couple n’est pas sans difficultés, et dans la vie consacrée aussi, il y a des combats à livrer. Demandons le courage.
Demandons cette grandeur d’âme qui habite le cœur de la Vierge Marie au moment de l’Annonciation. Elle n’a par eu peur, car Elle savait que c’était le Seigneur qui travaillait Son cœur.

Tout en demandant le courage, demandons la force d’aller jusqu’au bout, c’est encore autre chose. Parfois, certains commencent, et ne vont pas jusqu’au bout de l’appel du Seigneur, car ils se découragent, car ils ont peur, car ils ne se sentent pas capables, car cela demande un effort différent de ce qu’ils avaient prévu au départ.
L’amour du Christ est un amour jusqu’au bout. C’est alors que notre vie portera du fruit, car nous sentirons que dans notre appel, tant et tant seront portés. Un appel est personnel, bien sûr, mais n’est pas solitaire. Rien n’est solitaire dans l’Église. On engage, on embarque les autres dans son appel et dans ses réponses, tout comme dans ses manques de réponse.

Ainsi, à l’exemple du Bon Pasteur qui donne Sa vie pour Ses brebis, demandons au Seigneur Jésus qu’Il nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 13,14.43-52.
  • Psaume 100(99),1-2.3.5.
  • Livre de l’Apocalypse 7,9.14b-17.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10,27-30 :

En ce temps-là, Jésus déclara :
« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.

Le Père et moi, nous sommes UN. »