Homélie du 23e dimanche du Temps Ordinaire

10 septembre 2013

« Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Peut-être que certains d’entre-vous ont voyagé au Brésil – pour participer aux JMJ, par exemple, ou en d’autres occasions – ou connaissent un peu par ouïe-dire ce pays ? Et, dans le Nord-Ouest du Brésil, mais pas seulement, il est une secte très importante qui s’appelle L’Église du Règne Universel de Dieu. Et cette secte a un thème qu’elle développe qui est : « Arrêtez de souffrir ». Et, dans ce pays qui, même en croissance, connaît encore des grandes « poches de misère », vous imaginez le succès qu’une telle secte peut y rencontrer. De fait, ceux qui participent, ceux qui y rentrent y trouvent du travail, grandissent progressivement, économiquement, en tous cas. Et plus ils avancent dans la hiérarchie, plus ils ont des biens, et selon leur vision, plus ils sont « bénis par Dieu ».

Qu’est-ce qui différencie la foi chrétienne d’une secte ?

Mais, à quoi reconnaît-on une secte ? Vous avez le cas des témoins de Jéhovah qui vous ont peut-être démarchés… Voyez-vous, dans un secte, il n’y a pas la présence de la Croix. Ils vous proposent un bonheur terrestre. Et, au chapitre 14e de Saint Luc, alors que de grandes foules Le suivaient, Il est déjà connu, Il a fait des miracles, Il est celui que les uns et les autres attendaient, Jean-Baptiste l’a déjà désigné, Jésus redit que si l’on veut Le suivre, il y a comme une condition.

Et juste avant ce passage - resituons toujours les passages de l’Évangile à l’intérieur du chapitre ou de l’évangile lui-même - Il nous dit :

« Celui qui veut me suivre, qu’il renonce à lui-même. »

Et Il prend l’exemple d’un repas auquel personne ne voulait aller : il y a avait de nombreuses « bonnes excuses ». Et à la fin de ce 14e chapitre, Il parle aussi du sel de la terre :

« Si le sel perd de sa saveur, avec quoi le salera t-on ? »

Un choix crucial s’impose à nous

Ainsi, frères et sœurs bien-aimés, nous sommes invités à un choix. A travers cet évangile, Jésus affirme Sa divinité, en remettant une certaine priorité dans les relations. Non pas qu’Il méprise les relations humaines avec son père, sa mère, sa femme, ses enfant,s son frère, sa sœur (et on ne parle pas de la belle-mère). Mais au fond, Il dit : « Quelle est ta priorité ». Il y a un choix à faire. Et la force du Oui, c’est aussi la force du Non.

Je me souviens d’un prêtre qui, commençant une retraite, monte sur une chaise et demande aux participants d’écarter les chaises. Vous imaginez un peu cette scène surprenante pour une retraite : on s’attendrait à quelque chose de plus intérieur, quelque chose de plus doux…
Il disait : « Écartez encore les chaises, écartez encore ! ». Mais, jusqu’où pouvait-on le faire ? « Mon père ! vous allez tomber ! ».
Et oui ! si je ne fais pas un choix entre Dieu et le monde, je vais tomber !

Et le Seigneur nous demande cette force du renoncement au Monde, de remettre la priorité sur Dieu. Ce n’est pas si simple.
Ces dernières semaine, je partageais avec des jeunes qui sont dans le monde professionnel, et l’une d’entre-elles disait : « Je dois mentir sur les produit que je vends. Mais, quand le client m’interroge, comme je ne sais pas mentir, je deviens toute rouge ! » ; et son chef lui dit : « Moi, je vais t’apprendre à mentir ». Elle me demande alors ce qu’elle doit faire.

Il y avait aussi dans ce groupe une sage-femme qui, vous l’imaginez, est confrontée à des choix qui interpellent sa conscience.

Oui, frères et sœurs, comme chrétiens, nous avons des choix à faire, et ces choix ne sont pas si simples. Le premier renoncement est celui de plaire au monde. A travers ce passage, le Seigneur sollicite notre liberté. Parce qu’à chaque fois que je suis invité à choisir, c’est mon libre arbitre qui est sollicité aussi, et qui demande à choisir ou non le Christ.

Pas de miséricorde sans exigence, pas d’exigence sans miséricorde

Dans le chapitre 15e, alors que l’exigence est très forte, non pas que le Seigneur nous de pas aimer nos proches, Il nous demande simplement de mettre la priorité en Lui. Ce chapitre-là est le chapitre de la Miséricorde. Il faut tenir les deux. Et c’est là qu’est toute la difficulté : il faut tenir l’exigence et la miséricorde. Car la miséricorde sans l’exigence serait comme de la guimauve : et l’exigence sans la miséricorde, c’est la porte ouverte au découragement.

Oui, frères, nous sommes invités à revisiter chacune de nos relations en particulier, pour voir si celle-ci me rapproche du Seigneur ou m’en éloigne.

Lorsque j’ai l’occasion de préparer des fiancés au mariage, je leur pose cette question : « Est-ce que cette relation amoureuse nous a rapprochés de Dieu ou nous en a éloignés. »
Et de fait, c’est aussi un critère pour toutes nos autres relations : amicales, professionnelles, familiales… nous sommes invités à remette le cap sur le Seigneur. Il faut parfois choisir jusqu’au fait de se sentir rejeté, même dans sa propre famille – il y a des exemples de personnes qui ont choisi le Christ et se trouvent en marge parce qu’elles pratiquent alors que les autres restent à la maison, parce qu’elles prient alors que les autres ne parlent que d’argent, et se sentent mises à l’écart dans leur propre famille. Oui, le fait de choisir la Croix du Christ va être le lieu où je vais pouvoir vérifier si je suis Chrétien ou non.
Saint Jean-Paul II disait :

« Il y a beaucoup de choses qui nous font connaître Jésus. Il y a la prière, la méditation des écritures, il y a la théologie, il y a la vie de charité auprès du prochain, en particulier le plus démuni.
Mais, il y a une chose qui, de façon certaine, nous donne d’expérimenter qui est le Christ, c’est de partager Sa Croix. C’est là où est le lieu de vérification de notre adhésion. »

La grande foule qui suit Jésus ne suit-elle pas un thaumaturge, un homme qui fait des miracles ? Je pourrais être intéressé dans ce lien avec le Christ car il m’apporte quelque chose, un peu comme la secte dont je parlais au début : cela m’apporte un bienfait matériel, un bienfait pour ma santé, un bien-être intérieur.

C’est la grande mystique Thérèse d’Avila qui nous dit :

« Qu’est-ce que tu préfères : les cadeaux de Dieu ou le Dieu des cadeaux ? »

A un moment donné, il y a dans notre vie ce que l’on appelle l’acédie, ce manque de goût, ce manque d’entrain pour ce que l’on avait pourtant choisi dans une grande déclaration d’amour. Il faut alors refaire ce choix de Jésus dans notre vie, bien au-delà de ce que l’on peut voir comme fécondité immédiate.

Oui, frères et sœurs, demandons au Seigneur d’être des Chrétiens non pas tièdes – et le Pape François nous y invite régulièrement – mais des Chrétiens profondément convaincus que c’est dans ce choix de Jésus que je retrouve au contraire la vraie mesure de toutes mes relations : relations familiales, relations amicales et professionnelles. Demandons même si, parfois, par moments, cela peut entraîner une incompréhension des proches ou en moi-même, lorsque je ne vois pas le chemin que me trace le Seigneur.
Demandons d’avoir cette confiance de la Vierge Marie :

« Faites tout ce qu’Il vous dira. »

Oui, nous croyons que les évangiles nous tracent un chemin de vie, un chemin d’exigence et de miséricorde, et nous tracent aussi un chemin de fécondité dans l’obéissance à la Parole de Dieu.

Demandons au Seigneur d’être renouvelés dans cette Eucharistie où Dieu lui-même se donne en nourriture, se livre entre nos mains, nous fait confiance jusqu’à ce point de rentrer même dans cette fragilité de l’hostie. Demandons au Seigneur qu’Il nous donne de choisir et de répondre à l’appel d’un Dieu qui nous illumine et qui donne à notre vie une véritable saveur,

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 9,13-18.
  • Psaume 90(89),3-4.5-6.12-13.14.17ab.
  • Lettre de saint Paul Apôtre à Philémon 1,9b-10.12-17.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 14,25-33 :

En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple.
Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.

Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !”

Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ?
S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.

Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »