Le mariage, ou le primat de la confiance

17 septembre 2015

« Le chrétien, c’est celui qui porte en lui-même plus grand que lui-même. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie de mariage :

On peut se demander s’il est bien raisonnable cet engagement pour la vie que vous voulez avoir l’un pour l’autre au regard du monde… La logique du monde, la logique de la société ambiante, logique individualiste, égoïste, logique de contrôle où rien ne doit nous échapper, de risque zéro, de principe de précaution… Voilà cette peur qui habite nos sociétés européennes… Mais pourquoi ont-elles peur ? Parce qu’elles n’ont plus confiance, parce qu’elles se sentent seules, et que seules, elles doivent tout gérer…
Le croyant n’est jamais seul.

Le Seigneur vous accompagnera, et donc c’est dans la confiance que vous vous donnez ce ‘oui’. C’est dans la confiance que, quelles que soient les circonstances de vos vies, le Seigneur viendra habiter votre amour. Alors il faudra aussi votre part, parce que si nous croyons en la grâce de Dieu et que le sacrement c’est le sacrement de la foi en un Dieu qui agit, on croit en ce « primat de la grâce », en la grâce de Dieu qui est première, car ce ne sont pas d’abord nos efforts qui comptent, le Ciel n’est pas au bout de nos efforts, on ne mérite pas son Ciel, non.
C’est par grâce que vous êtes sauvés ! Mais si c’est par grâce que Dieu habite votre couple, alors quel est votre travail ? C’est de vous disposer.

Notre travail, chers amis, c’est juste nous disposer à accueillir la grâce, et ce n’est pas si simple parce que ça demande un lâcher-prise. Ça demande de s’en remettre. Ça demande d’accueillir à travers ombre et lumière cette vie matrimoniale et familiale que sera la vôtre, et de l’accueillir dans la confiance, sachant que le Seigneur viendra habiter chaque situation.
Il les connaît déjà et il les aime.

Alors oui, nous croyons en un Dieu qui vient fonder notre maison sur le roc précisément parce que nous croyons en un Dieu qui, dans les circonstances de nos vies, quelles qu’elles soient, vient habiter nos existences. J’allais dire : même le péché, Dieu vient l’habiter. Au cours de la Vigile de Pâques, nous chantons :

« Bienheureuse faute qui nous valu un tel Rédempteur ! »

Cette espérance chrétienne permet la confiance, et le manque d’espérance chrétienne de nos sociétés, et parfois le manque d’espérance chrétienne de certains couples font qu’ils désespèrent d’eux-mêmes, parce qu’ils pensent que c’est seulement avec leurs forces qu’ils avanceront.
Mais, mes amis, avec nos forces, où est-ce qu’on va ? Avec nos psychologies blessées, où est-ce qu’on va ? Si cela ne tenait qu’à nous, bien sûr qu’on pourrait être pleins d’angoisse et de stress et nous dire que ce n’est vraiment que folie ! Mais nous, nous croyons que ce qu’il y a de fou dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages.

« Ce qu’il y a de faible, Dieu l’a choisi pour confondre les forts. »

Alors oui, il y a des moments où vous sentirez les difficultés. Et vous l’avez déjà senti au cours de cette préparation qui n’a pas été sans moments difficiles, comme souvent c’est le cas dans les fiançailles. Le fait de franchir tout un océan pour rejoindre notre cher Mathieu, quitter ton travail, pour toi Julie, c’est beaucoup, et c’est vrai que ça a été un moment fort, et compliqué, il ne faut pas avoir peur des mots. Mais tu as fait confiance, et ça c’est énorme…

C’est énorme…

Parce que ça veut dire que votre couple prend déjà un style, a déjà une manière d’être. En même temps, et aujourd’hui de façon particulière, vous redites au Seigneur que c’est la confiance qui est première dans votre vie.

Dans mon ministère, vous le savez peut-être je célèbre peu de mariages, mais je fais beaucoup de préparations au mariage. Et dans ces préparations au mariage, il est une question qui est pour moi très importante et que je pose au début, comme je vous l’ai posée :
« Chère Julie, cher Mathieu, est-ce que vous voyez l’autre comme un don de Dieu ? »
Ou est-ce que tu le vois simplement avec un regard humain ? avec un regard qu’on pourrait dire psychologique ? bon juste à se dire : il a tel défaut, tel machin… Nous sommes faits de creux et de bosses, mes amis ! Il n’est pas difficile de nous transformer les uns les autres en une liste de défauts… Pas besoin d’être intelligent, il suffit d’être observateur !
Mais nous, au contraire, nous croyons que, dans cette humanité, dans vos humanités, il y a quelque chose de plus grand qui se vit. C’est ça la confiance : je crois que dans mon humanité je porte quelque chose de plus grand que moi-même. Le chrétien, c’est celui qui porte en lui-même plus grand que lui-même. Comme le dit le grand saint Augustin :

« Dieu est plus intime à moi-même que moi-même. »

Alors on aborde le temps différemment, on aborde le temps à la manière des saints. Et comment est-ce que ceux-ci abordent le temps ? Ils l’abordent dans l’aujourd’hui. Vous connaissez cette parole de la petite Thérèse de l’Enfant Jésus, lorsqu’on lui pose la question :


— « Est-ce que vous aimerez Dieu jusqu’à la fin de vos jours ?
— « Je ne sais pas. »
— « Est-ce que vous vous engagez quand même ? »
Et elle de répondre : « Pour aimer, je n’ai qu’aujourd’hui. »

Et d’aujourd’hui en aujourd’hui, vous vous retournerez et vous direz 10 ans, 20 ans, 30 ans ! C’est comme ça qu’on voit le temps : d’aujourd’hui en aujourd’hui. Le chrétien donne une densité au temps. On l’appelle le Kairos, le ‘temps de Dieu’. Il sait que chaque temps est un temps de Dieu. Ce temps-là que nous vivons, c’est un temps de Dieu, et c’est pour ça que cela nous fait du bien de vous voir tous les deux.
Parce que justement cela nous rappelle à nous aussi le primat de la confiance. En réponse au fait de vouloir tout prévoir, tout contrôler, on en est malades de ça. On en est malades. C’est une maladie spirituelle.

Alors oui, vous allez fonder votre maison sur le roc, cher Mathieu et chère Julie, parce que vous la fondez sur le Seigneur. Parce que vous avez voulu aussi que ce sacrement du mariage vous puissiez vous le donner au cours d’une messe, ce qui n’est pas une obligation, on peut le recevoir au cours d’une simple bénédiction qui reste sacramentelle.
Et vous avez voulu cela non pas pour sacrifier à quelque tradition familiale, ou pour faire bien… c’est beaucoup plus profond que ça. Parce que vous avez fait dans votre préparation une expérience de Dieu, vraiment, et d’un Dieu qui est présent, là, en nous.

« A qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »

C’est pour ça qu’en communiant au Corps du Christ, c’est aussi la communion entre vous deux que vous fortifiez. Et de communion en communion vous grandirez dans l’amour. C’est ça vivre comme chrétien : de communion en communion. Parce qu’à la fin, que reste-t-il ?
Comme on le dit, « le linceul n’a pas de poches. » Nous serons jugés sur l’amour. Et vous vous présenterez devant le Seigneur en disant : « Avec nos humanités blessées, [comme nous le sommes tous] nous avons voulu, de communion en communion, être signe de ton Amour, Seigneur. »

Que la sainte Vierge, qui elle-même a eu cette confiance dans la parole de l’ange, que la sainte Vierge vous aide, vous qui allez prendre un temps de prière au cours de cette célébration au pied de la Vierge Marie. Marie, personne humaine, Jésus personne divine, et Marie personne humaine, que Marie vous aide, nous aide tous dans ce chemin de foi pour témoigner d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen.