Parce que c’était lui (archivé)

Alors que la décision du pape nous a surpris et secoue le monde catholique, le père Pierre-Marie fait une relecture de cet événement qui illustre et éclaire le pontificat d’une lumière nouvelle.


Comme beaucoup j’ai été effaré de la décision de Benoît XVI de renoncer à sa charge. Le temps de la stupeur passé, je relis son pontificat à l’aune de cet acte novateur qui éclaire et résume ces 8 années pleines de richesses et d’enseignements. Voici quelques perles que je retiens du pontificat d’un grand pape.

L’éducateur de la foi

Jean Paul II on le regarde, Benoît XVI on l’écoute.

Vous avez sans doute souvent entendu cette comparaison entre les deux hommes.

Alors que les médias l’ont accueilli comme dogmatique, Benoît XVI s’est révélé un pédagogue exceptionnel et un intellectuel de haut vol. Je retiens ses encycliques en particulier son encyclique programmatique sur l’amour qui éclaire son pontificat.

C’est sans nul doute c’est un acte d’amour que le pape a posé en remettant sa charge. Ce n’est pas le capitaine qui abandonne le navire, c’est le coureur de fond qui passe le relais. L’amour de l’Église a été au cœur de ses pensées et de ses prières durant ses années. Ce geste est en quelque sorte une dernière façon de nous éduquer à la confiance en Dieu. C’est un geste pédagogique.

L’invité de la Reine

Première fois qu’un pape réalise une visite d’état en Grande Bretagne à l’invitation de la Reine, chef de l’Église Anglicane, pour adresser au peuple britannique un message spirituel. Grand succès, ce voyage a connu son apogée avec le discours de Benoît XVI à Westminster Hall sur la question du droit :

« Chaque génération doit poser de nouveau quelles exigences les gouvernements peuvent imposer aux citoyens de manière raisonnable et au nom de quelle autorité peuvent se résoudre les dilemmes moraux. Si les principes éthiques qui soutiennent le processus démocratique ne se régissent par rien de plus solide que le simple consensus social, alors ce processus se présente évidemment fragile ».

Le droit s’appuie sur quelque chose qui lui est antérieur et dont il doit rendre compte : la loi naturelle qui se traduit dans l’expression d’un jugement en conscience qui nous fait choisir le bien et éviter le mal. La remise de sa charge s’est faite en conscience et librement. C’est l’hommage rendu à une conscience droite.

L’écologue

Le deuxième voyage officiel qui a retenu mon attention c’est celui qu’il a réalisé en Allemagne et qui a donné lieu au très beau discours de Benoît XVI devant le Bundestag le 22 septembre 2011. Il y parle entre-autres de l’écologie humaine :

« Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est - me semble-t-il - largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même.
Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi.

C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine »

Pour ce pape, l’écologie n’est pas simplement une passade, le sacrifice à la mode du temps. Non. C’est une attitude spirituelle de respect face à un Dieu dont on peut déchiffrer la présence dans la nature. La reconnaissance de Sainte Hildegarde von Bingen comme docteur de l’Église va dans ce sens ainsi que le désir que la cité du Vatican soit une cité neutre en termes d’émission de Co2 avec la création d’un puits à carbone dans la cité papale.

En démissionnant, Benoît XVI a voulu respecter sa propre nature d’homme âgé.

Le courageux

Alors que l’Église a été souillée par des actes de la pédophilie de la part de certains prêtres ou religieux, Benoît XVI a eu le courage de « nettoyer les écuries d’Augias » en refusant de couvrir quoique ce soit et en sanctionnant les évêques qui avaient mal géré cette crise dans leur diocèse. Il a eu le courage et l’honnêteté intellectuelle de choisir la transparence.

Déjà en 2002 il a demandé que délits relatifs aux mœurs soient traités par Rome et non par les diocèses. En Irlande il a demandé que tout soit confié à la police et à la justice même s’il savait que cela allait faire entrer l’Église dans une grande crise de confiance dans son rapport aux Irlandais.

Cette même honnêteté intellectuelle l’a poussé à rompre un tabou en remettant sa charge. Il n’a pas eu peur des critiques ou du regard des autres même si sa décision marque un avant et un après dans la manière d’exercer la charge de successeur de Pierre.

L’intellectuel et le croyant

Son pontificat a été traversé par une idée force : unir foi et raison non seulement pour mieux comprendre la révélation chrétienne mais aussi pour dialoguer avec le monde et faciliter le dialogue inter-religieux.

Bien des fois il a répété que les intégrismes religieux de toute sorte, sont le fruit d’ignorance. Réconcilier la foi et la raison permet à l’homme de respirer à pleins poumons. La coupure entre les deux renvoie à un rejet de Dieu par l’intelligence ou à un rejet d’une démarche rationnelle par le croyant.

Au fond sa démission est un acte qui illustre bien ce que veut dire la réconciliation de la foi et de la raison. C’est un acte raisonnable compte tenu de ses forces. C’est un acte de foi car il fait confiance à l’Esprit Saint pour la suite et la manière dont sa décision va être accueillie.

L’artisan d’unité

Le dernier axe que je retiens de ce pontificat c’est une détermination sans faille pour l’unité de l’Église et l’unité des chrétiens. Au risque d’être impopulaire il tend la main aux intégristes car l’histoire le prouve, plus un schisme dure plus il est impossible de revenir en arrière.

Mais aussi :

  • C’est le premier pape a être invité dans un pays orthodoxe : Chypre.
  • Le rapprochement avec le patriarcat de Moscou a permis que le Saint-Siège tisse avec la Russie des relations diplomatiques plénières passant du statut de simple représentation diplomatique à ambassade.
  • La visite en Angleterre représente une main tendue aux Anglicans.

Au fond sa décision est aussi un signe d’unité. Pour avoir vécu douloureusement les dernières années de Jean-Paul II, il connaît trop bien la nature humaine pour savoir qu’un pape affaiblit peut laisser des personnes peu scrupuleuses s’emparer de certains pouvoirs au détriment de l’unité du corps du Christ.

Par ailleurs sa décision humanise la fonction de pape ce qui le rend plus abordable pour les autres confessions chrétiennes.

Tant pour l’unité de l’Église que pour l’unité des chrétiens le geste de Benoît XVI est éloquent.

C’est comme homme de foi que j’accueille cette décision même si je me sens aujourd’hui orphelin. Mais je reprends cœur quand je lis le très beau texte de Benoît XVI sur l’Espérance :

« La foi n’est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, mais qui sont encore absents ; elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore.
Elle attire l’avenir dans le présent, au point que le premier n’est plus le pur « pas-encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent ; le présent est touché par la réalité future, et ainsi les biens à venir se déversent sur les biens présents et les biens présents sur les biens à venir » Benoît XVI, Spe Salvi, 7