Homélie de la solennité du Christ-Roi

22 novembre 2011

« Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ’Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! ’ »

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Texte de l’homélie :

Parler du Christ sous le titre de roi ne vous est peut-être pas familier. Peut-être dites-vous à Jésus : « mon bien-aimé », « mon Seigneur », « Maître », « Rabbouni », « mon Sauveur », « mon Roi »….
L’Évangile de ce jour nous présente le Christ comme « juge ». Cette appellation de « juge » vous donne peut-être des frissons. Cela vous fait peut-être penser à un Dieu gendarme, avec l’impression de repartir quelques siècles en arrière ?

J’aimerais approfondir avec vous cette notion de juge, de jugement final. D’abord, nous verrons cette notion de jugement. Dans une deuxième partie, nous verrons qu’il y a aussi un enfer. Dans une troisième partie : alors faut-il avoir peur ?

Il y a un jugement ; il y a une justice

L’évangile ne nous renseigne pas sur la manière dont se déroulera le jugement, mais sur le fait qu’il y aura un. Le monde ne vient pas du hasard et ne finira pas au hasard. Au début et à la fin du monde, il y a la décision d’un esprit intelligent et d’une volonté souveraine.
L’existence du mal et de l’injustice dans le monde est certes un mystère et un scandale mais sans la foi et sans un jugement dernier, le mal et l’injustice apparaissent infiniment plus absurdes et plus tragiques encore.

« Par son Fils Jésus-Christ le Père prononcera alors sa parole définitive sur toute l’histoire. Nous connaîtrons le sens ultime de toute l’œuvre de la création et de toute l’économie du salut, et nous comprendrons les chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit toute chose vers sa fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de toutes les injustices commises par ses créatures et que son amour est plus fort que la mort (cf. Ct 8,6). » (Catéchisme de l’Église catholique au sujet du jugement dernier ; CEC 1040)

Ce jugement ne sera pas voulu seulement par Dieu mais, paradoxalement, par les hommes aussi, même par les impies. La fête du Christ Roi, avec l’évangile du jugement dernier, répond à l’espérance humaine la plus universelle. Elle nous assure que l’injustice et le mal n’auront pas le dernier mot.

Il y a un enfer

Le jugement dernier a lieu à la fin des temps. Mais il est précédé d’un jugement particulier. A la fin de notre temps à nous, nous paraîtrons devant Dieu. « Avec la mort, le choix de vie fait par l’homme devient définitif ».
Il y a alors deux possibilités : soit nous prenons la route vers le Ciel, soit nous prenons la route vers l’enfer. La route vers le Ciel n’y aboutit pas forcément immédiatement : nous pouvons avoir besoin d’un temps de purification plus ou moins profonde selon l’état de notre cœur. C’est ce qu’on appelle le Purgatoire.
Mais tous ceux qui sont au Purgatoire sont assurés d’aller au Ciel.

Ce jugement, qui concerne chacun très personnellement, manifeste aussi qu’il y a une justice.
Comme le dit Benoît XVI : « Dieu est justice et crée la justice. C’est cela notre consolation et notre espérance. Mais dans sa justice il y a aussi en même temps la grâce. Nous le savons en tournant notre regard vers le Christ crucifié et ressuscité. Justice et grâce doivent toutes les deux être vues dans leur juste relation intérieure. La grâce n’exclut pas la justice. Elle ne change pas le tort en droit. Ce n’est pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s’est fait sur la terre finisse par avoir toujours la même valeur.(…) À la fin, au banquet éternel, les méchants ne siégeront pas indistinctement à table à côté des victimes, comme si rien ne s’était passé. » (Spe Salvi n° 44)

Je crois que vous conviendrez qu’il ne serait pas juste de considérer que ce que nous faisons en bien ou en mal pendant notre vie est insignifiant. Que l’on ait agi comme Hitler ou comme saint Vincent de Paul, ce serait finalement équivalent. Qui pourrait prétendre cela ? Ce serait à juste titre révoltant.

Sur la terre, on voit beaucoup de personnes qui bénéficient d’une immunité ou qui font casser des jugements uniquement pour des vices de forme. Devant Dieu, tous seront jugés, du plus petit au plus grand. Personne n’échappera au jugement. On voit là toute la différence entre la scène du jugement dernier et celle du Christ face à ses juges lors de sa Passion ! Ils étaient tous assis et lui debout, enchaîné ; à présent, ils sont tous debout et lui est assis sur le trône.

« Il peut y avoir des personnes qui ont détruit totalement en elles le désir de la vérité et la disponibilité à l’amour. Des personnes en qui tout est devenu mensonge ; des personnes qui ont vécu pour la haine et qui en elles-mêmes ont piétiné l’amour. C’est une perspective terrible, mais certains personnages de notre histoire laissent distinguer de façon effroyable des profils de ce genre. Dans de semblables individus, il n’y aurait plus rien de remédiable et la destruction du bien serait irrévocable : c’est cela qu’on indique par le mot « enfer ». » (Spe Salvi n° 45)

Mais il faut espérer qu’il s’agit plutôt d’exceptions. La majeure partie des personnes passeront par un temps de purification.

Faut-il avoir peur ?

Faut-il avoir peur de ce juge et se laisser terroriser par ce jugement ? Non.
Faut-il le prendre un peu à la légère ? Pas davantage.
L’évangile de ce jour nous invite à la responsabilité.

Jésus ne nous invite pas à la peur. Son seul désir, c’est de nous sauver (cf. Jn 3,17). Il a donné sa vie pour nous (cf. Jn 5,26).
L’évangile de ce jour est un appel à la responsabilité (cf. CEC 1036). Il nous exhorte à vivre de telle manière que le jugement ne soit pas pour nous un jugement de condamnation mais de salut et que nous puissions être de ceux à qui le Christ dira : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde ».
L’incarnation de Dieu dans le Christ a tellement lié l’une à l’autre – justice et grâce – que la justice est établie avec fermeté : nous attendons tous notre salut « dans la crainte de Dieu et en tremblant » (Ph 2, 12). Malgré cela, la grâce nous permet à tous d’espérer et d’aller pleins de confiance à la rencontre du Juge que nous connaissons comme notre « avocat » (parakletos) (cf. 1 Jn 2, 1). » (Spe Salvi n° 47)

« Dans le monde on cache le ciel et l’enfer :
le ciel, parce que si on en connaissait la beauté, on voudrait y aller à tout prix ;
l’enfer, parce que si on en connaissait les tourments qu’on y endure, on ferait tout pour ne pas y aller » (Curé d’Ars p 238-239).

Conclusion :

Vous voulez aller au Ciel ? Jésus nous indique le chemin dans l’évangile de ce jour :

« J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mt 25, 35-36)

Par Marie, demandons-la grâce de savoir ouvrir nos cœurs, nos yeux, nos mains à ceux que nous rencontrons. Il n’y a pas besoin d’aller chercher loin pour trouver des personnes qui ont besoin de notre amour et de notre attention,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 34,11-12.15-17.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-26.28.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 25,31-46 :

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ’Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! ’

Alors les justes lui répondront : ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? ’
Et le Roi leur répondra : ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. ’

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ’Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges.
Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. ’

Alors ils répondront, eux aussi : ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ? ’
Il leur répondra : ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait. ’

Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »