Homélie de l’Ascension du Seigneur

13 mai 2013

Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

La prière d’ouverture de cette célébration nous met déjà dans ce qui est le point fort de cette fête de l’Ascension :

« Le Christ nous a précédés dans la Gloire, et c’est là que nous vivons dans l’Espérance. »

Oui, la fête de l’Ascension, c’est très certainement cette fête de l’Espérance. Le Seigneur Lui-même a franchi, non seulement le seuil de la mort, mais plus encore, Il nous invite à Le rejoindre dans l’au-delà, nous invite à rentrer dans cette communion avec le Père. Et, comme le rappellent les écritures, les textes que nous venons d’entendre, c’est avec Son humanité qu’Il est rentré dans les Cieux.

Rechercher le sens profond de l’Espérance

Maintenant, il pourrait y avoir une fausse manière de voir l’Espérance, au fond comme un désengagement de notre réalité quotidienne, et un désengagement des questions terrestres. Et, on voit bien dans la première lecture, ces hommes en blanc qui s’adressent aux Apôtres : « Galiléens, qu’avez-vous à fixer le Ciel ? » ; comme pour leur dire : « Bien-sûr, n’oubliez pas le Ciel, mais n’oubliez pas surtout la Terre ». Et cette Espérance qui nous habite nous pousse aussi à agir.

Dans le très beau texte que Benoît XVI nous a donné sur l’Espérance, encyclique fondamentale de son enseignement comme pape, il nous dit la chose suivante :

« L’engagement quotidien nous épuise si nous ne sommes pas éclairés par la lumière d’une espérance plus grande, qui ne peut être détruite, ni par des échecs dans les petites choses, ni par les effondrements dans les affaires de portée historique.
Si nous ne pouvons pas espérer plus que ce que l’on peut espérer des autorités politiques et économiques, notre vie se réduit bien vite à être privée d’Espérance. Je peux encore espérer, même si apparemment, pour ma vie et pour le moment historique que je suis en train de vivre, je n’ai plus grand chose à espérer au plan humain.

Oui, cette Espérance me donne le courage d’agir parce que je sais que mon histoire personnelle, ainsi que toute l’histoire, est gardée dans le pouvoir indestructible de l’Amour de Dieu. »

C’est très important, et il insiste là-dessus en disant dans son texte :

« Au fond, l’Espérance me pousse à l’action. »

L’Espérance nous met en mouvement

C’est à dire que l’Espérance me pousse à rendre ce Monde plus lumineux. Et on le voit bien dès le début du Christianisme : ce sont les disciples du Christ qui se sont engagés auprès des personnes les plus pauvres, auprès de personnes qui étaient en difficulté. Et très rapidement, on voit que les Chrétiens ont voulu être sur les seuils de l’humanité, là où elle est le plus en danger, la plus blessée, la plus meurtrie, précisément au nom de cette espérance.

Mais en même temps, il peut y avoir une forme de découragement. Et on le voit chez les personnes qui travaillent dans le domaine social, par exemple, et qui ne sont pas forcément mues par la Foi, qui ont une grande bonne volonté, un grand désir, une grande générosité. Mais, en parlant avec elles, j’ai pu constater combien certaines se laissaient décourager. Comme dit le Saint-Père :

« Si l’on ne peut espérer que ce que proposent les autorités politiques et économiques – c’est à dire ce qui est à portée humaine - on baisse les bras, et c’est le découragement qui prend la place. »

Et c’est important que, lorsque l’on travaille auprès de personnes qui sont en difficulté, en état de pauvreté d’une manière ou d’une autre, que l’on ait cette Espérance. Parce que l’on voit que ce que l’on pose comme acte va rendre le Monde plus lumineux, va aider, bien sur, mais, en même temps, on sait que l’on doit renoncer au paradis terrestre, que cet acte posé ne va pas atteindre une plénitude si ce n’est dans l’Au-delà.

L’Espérance comme antidote au découragement

Ce point est vraiment important, car parfois, nous avons cette tendance à un découragement, parce que l’on pose des actes de bien, des actes d’amour, désintéressé, même, mais on a comme l’impression que les choses n’avancent pas ; parfois même qu’elles reculent ou que le Monde est plus habité par les ténèbres que par l’Amour de Dieu. Et l’Espérance nous fait agir, parce que justement, comme le dit Benoît XVI, nous avons cette grande confiance dans cet Amour de Dieu qui, au fond, aura le dernier mot dans notre vie.

C’est important, frères et sœurs, que nous puissions nous relancer les uns les autres, parce qu’il peut y avoir ces découragements, il peut y avoir ces moments où l’on baisse les bras et où l’on dit : « à quoi bon ! à quoi bon continuer à faire le bien ? » et même : « à quoi bon continuer à suivre Jésus ? voit-on vraiment une amélioration ? ». Dans notre propre vie, parfois, il y a des combats intérieurs qui durent toute une vie. Et d’un point de vue extérieur : « les hommes sont-ils plus justes et plus heureux ? » Il peut y avoir cette petite voix intérieure qui décourage et qui nous emporte ensuite dans une forme de tristesse. Et ce qui est important dans le texte que nous avons lu dans l’Évangile :

« Remplis de joie, ils retournèrent à Jérusalem. »

« Remplis de joie ». Un des signes que l’Espérance est vivante dans notre vie, c’est justement cette joie qui nous habite, cette joie qui nous fait poser des actes tout en sachant la limite de ces actes qui font le bien, mais qui n’atteindront une plénitude que dans l’Au-delà.

Renouvelés dans l’Espérance

Alors, demandons au Seigneur cette grâce d’être relancés aujourd’hui dans l’Espérance, dans ces grandes solennités comme celle d’aujourd’hui - de l’Ascension. Nous pouvons demander des grâces. Certains sont peut-être plus attaqués que d’autres et ont envie de baisser les bras. Nous prions alors pour eux. Qu’ils demandent dans cette célébration des grâces, non pas d’optimisme, mais bien d’Espérance, car l’Espérance et l’optimisme ne sont pas du même ordre -

L’optimisme est d’ordre psychologique : je pense que cela va aller mieux. Pour nous, l’Espérance est du domaine de la Foi : elle est soutenue par la Foi et la Charité, car sans la Foi, on ne peut pas avoir l’Espérance.

C’est avec les mots de Péguy que j’aimerais terminer cette méditation (vous les connaissez certainement : ils sont extraits du porche de la deuxième vertu) :

« La Foi que j’aime, dit Dieu, c’est l’Espérance.
La Foi ne m’étonne pas. Ce n’est pas étonnant : j’éclate tellement dans ma Création.

La Charité, dit Dieu, cela ne m’étonne pas. Ce n’est pas étonnant. Les pauvres créatures sont si malheureuses, qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point de charité les unes des autres ?

Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’Espérance. Et je n’en reviens pas. L’Espérance est une toute petite fille de rien du tout qui est venue au Monde le jour de Noël de l’année dernière. C’est cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, elle traversera les mondes révolus. »

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,1-11.
  • Psaume 47(46),2-3.6-7.8-9.
  • Livre aux Hébreux 9,24-28.10,19-23.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 24,46-53 :

En ce temps-là, Jésus ressuscité, apparaissant à ses disciples, leur dit :
« Il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
À vous d’en être les témoins.
Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis.
Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »

Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie.
Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.