Homélie de la solennité de la Pentecôte

29 mai 2012

« Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, Il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu’Il dira ne viendra pas de lui-même : Il redira tout ce qu’Il aura entendu ; et ce qui va venir, Il vous le fera connaître. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

c’est une grande joie que de pouvoir célébrer ensemble cette Pentecôte. Dans le récit des actes des Apôtres que l’on connaît déjà assez bien : Le Seigneur vient avec Son Esprit de Feu et répand sur chacun une flamme qui - en même temps - permet à chacun de parler dans sa langue maternelle, et à tous de comprendre les autres. Et j’aimerais placer cette méditation sur l’Esprit-Saint sous le signe de l’unité. Au fond, c’est l’unité que l’Esprit-Saint amène lorsqu’Il est présent. De même qu’il y a eu cette unité le jour de la Pentecôte - où chacun s’exprimait dans sa propre langue, et chacun comprenait l’autre - de même cette unité est un des signes de la présence de l’Esprit.

L’Esprit Saint présent dans la diversité

On voit bien - la comparaison a été faite souvent – entre l’Esprit-Saint qui vient le jour de la Pentecôte et la Tour de Babel. Alors que dans l’histoire de Babel, les hommes avaient voulu, par leurs propres forces, édifier une tour qui monte jusqu’au ciel, sans avoir recours à Dieu, cela s’est fini par la division des langues et l’achèvement de leur œuvre.
Tout au contraire, à la Pentecôte, c’est Le Seigneur lui-même qui vient sur chacun et qui permet l’unité et la communion, pour pouvoir révéler à chacun son propre visage, et révéler à chacun ce qu’il est. Regardez cette différence : lorsque l’on compte sur Dieu, lorsqu’on se laisse faire par Lui, lorsque l’on invoque son Esprit-Saint, petit à petit les cœurs s’apaisent.

Ce dont parlait Saint-Paul dans la deuxième lecture, ce désir de querelle, de domination sur l’autre, de sectarisme, de division, d’idolâtrie, tout cela s’effondre. C’est ce que nous avons dit cette très belle prière que nous avons reprise tout de suite avant l’Évangile :

« Esprit-Saint,
Assouplit ce qui est raide,
Réchauffe ce qui est froid,
Rends droit ce qui est faussé… »

C’est pour cela que l’on demande à l’Esprit-Saint de venir en nous, car nous prenons bien conscience que, même si nous sommes les temples de l’Esprit, il n’y a pas que l’Esprit-Saint en nous : il y a l’esprit d’égoïsme, de domination et d’orgueil. Il y a donc un combat spirituel à livrer pour que chacun puisse accueillir l’autre – à la fois différent et complémentaire. C’est le mystère de l’Église.

Prenons l’exemple de notre assemblée : chacun a un rôle particulier. Il est important que chacun l’accomplisse. Si vous, les fidèles, vous n’étiez pas là, cette célébration n’aurait pas le sens et la solennité qu’elle a. La chorale a sa part aussi, parce qu’elle nous aide, par les chants, à nous élever vers Dieu. Le conseil de fabrique a sa part aussi, parce qu’en veillant aux choses matérielles et au bon ordre de l’Abbatiale, nous pouvons célébrer dans de bonne conditions. Les frères, les diacres, et les servants d’autel ont leur part aussi. Que Son oeuvre est belle !

« Lorsque l’Esprit-Saint est au rendez-vous, chacun peut accomplir et donner sa mesure sans pour autant faire de l’ombre à l’autre. »

C’est là la vraie grâce et le signe que l’on est mu par l’Esprit : on accueille le don de l’autre, on accueille le don qu’est l’autre. Alors que, dans une logique plus humaine - de domination pour ainsi dire - c’est l’inverse. On voit l’autre comme une menace : « il ne parle pas la même langue, n’est pas de la même culture, pas de la même religion que moi , donc, je m’en méfie ». Alors, qu’au contraire, lorsque l’on est animé par l’Esprit de Pentecôte, on se pose la question : « Qu’est-ce que l’autre peut m’apporter ? ».
Et l’Église, avec toute sa fragilité, parce qu’elle est aussi une réalité humaine, veut être le témoin que l’on peut former un seul corps, entre divers peuples professant la même Foi, entre diverses cultures, diverses langues, divers milieux sociaux, diverses fonctions ecclésiales.
Et c’est l’Esprit-Saint qui est l’âme de ce corps qu’est l’Église.

L’unité est le désir de Dieu

On prend alors conscience de combien cette unité est vraiment le désir du Père. Qu’ils soient « un » pour prier Jésus au moment de la Cène, dans la prière sacerdotale que nous avons lue toutes ces semaines passées :

« Qu’ils soient un, pour que le Monde croie »…

Cette unité est un témoignage. Mais, elle suppose une condition : la condition est que l’on accepte de se mettre ensemble sous le souffle de l’Esprit. Que l’on accepte de s’accueillir ensemble comme créature. Face au Seigneur, on accepte d’avoir une attitude de confiance et de bienveillance. S’il n’y a pas cela, s’il n’y a pas cet aspect transcendant, il n’y aura pas d’unité.

On le voit parfois dans nos communautés, dans notre pays : chacun veut avoir le dernier mot, veut dominer, et être à la source de sa propre logique, sans se référer à Dieu. Ou s’il se réfère à Dieu, c’est pour justifier sa propre action, et non pas pour accueillir l’autre « différent »… Ce n’est pas facile de parler de l’Esprit-Saint. Le Père, on peut se l’imaginer par notre expérience humaine et terrestre. Le Fils, c’est le Verbe incarné : Il s’est fait homme. Mais, qu’en est-il de l’Esprit ?

Comment se représenter l’Esprit-Saint ?

On compare souvent l’Esprit au vent. Comme le vent, on ne Le voit pas. S’il n’y avait que du béton, aucune poussière, il y aurait beau y avoir beaucoup de vent, nous ne pourrions pas nous en rendre compte à l’intérieur. Mais quand on sort à l’extérieur, on voit les arbres, la mer, si on en est proche, on le sent sur son visage… tel est le souffle de l’Esprit :

« C’est pas ses effets que nous connaissons l’Esprit-Saint. »

Nous ne le connaissons pas en tant que tel, mais, l’Apôtre Paul nous rappelle dans la deuxième lecture qu’Il son principal effet est la multiplicité de ses fruits :

« Voici quels sont les fruits de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi.

Voilà comment je sais que je suis mu par l’Esprit. C’est par ma manière d’être. Comme le vent se manifeste par ses effets, l’Esprit-Saint se manifestera en moi par ma façon d’agir :
Ai-je une façon humble d’accueillir l’autre dans ce qu’il peu avoir de beau ?
Ai-je une foi qui me permette d’avoir cette confiance face au Seigneur et d’accomplir ma propre tâche dans l’Église et dans le Monde ?
Ai-je la maîtrise de moi-même ou est-ce que ce sont les passions qui me submergent et me conduisent dans des chemins qui sont des impasses.

Voilà quelles sont les questions que nous pouvons nous poser, et à travers cette unité, au fond, demander la grâce de la prière. L’unité demande la transcendance, la présence de Dieu : l’unité dans nos communautés paroissiales, dans nos communautés religieuses, de se mettre ensemble, avec un cœur humble et confiant, sous le regard du Seigneur. L’unité dans les familles, c’est la prière en famille. Il ne peut pas y avoir d’unité ni d’action de l’Esprit-Saint lorsque l’on ne prie pas, car nous sommes livrés à nos psychologies blessées. La prière nous aide à ne pas nous laisser entraîner par nos susceptibilités et nos jalousies, car nous sommes guidés intérieurement par l’Esprit-Saint.

La Pentecôte au service de la Communion

C’est ce même Esprit qui est présent chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, car nous nous réunissons en Son Nom. Comme pour chaque sacrement, nous invoquons l’Esprit. Invoquons-le alors sur nous-même pour avoir cette unité intérieure, parce que tout commence par là. Ainsi, je me place sous le regard de Dieu, sous le regard de la Sainte Vierge, et non pas sous le regard du Monde, de ceux qui voudraient paraître.

Vivre de l’Esprit-Saint est donc un combat intérieur. Mais, ne nous décourageons pas. Car si nos manières d’agir sont loin d’être à l’unisson du Saint-Esprit, Il est justement le Père de pauvres ». Alors, n’ayons pas peur de nous reconnaître pauvres face au Saint-Esprit afin qu’Il puisse agir en nous et modifier notre esprit. Il agira en nous selon notre façon d’aller vers Dieu.

Cette communion permet que chacun soit soi-même tout en étant ensemble : je ne peux pas dire « je » sans dire « nous »

Cet amour du Père et du Fils vient en nous-même pour nous faire accueillir l’unité qui est déjà présente. A nous d’y rentrer ! Dieu voit son Église comme une famille, c’est à dire un corps avec différents membres. Elle peut être ainsi un signe d’unité pour l’humanité, à condition que nous nous reconnaissions fils et filles d’un même Père.

Frères et sœurs bien-aimés, invoquons l’Esprit-Saint avec humilité et confiance face à nos divisions. Cette unité et cette communion sont le bonheur de toute personne humaine. N’y faisons pas obstacle car l’Esprit de Jésus veut habiter notre Eglise et nous faire porter témoignage. Tournons-nous alors vers la Vierge Marie, Elle a accueilli l’Esprit qui a étendu son ombre sur Elle à l’Annonciation. A Elle qui l’a accueilli avec confiance et humilité, demandons-lui qu’elle nous aide à prendre les armes de l’Esprit pour pouvoir témoigner de cette unité, de cette communion à laquelle nous sommes tous appelés,

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 2,1-11.
  • Psaume 104(103),1ab.24ac.29bc-30.31.34.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 5,16-25.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15,26-27.16,12-15 :

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples :

« Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur.
Et vous aussi, vous rendrez témoignage, vous qui êtes avec moi depuis le commencement.

J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, Il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu’Il dira ne viendra pas de lui-même : Il redira tout ce qu’Il aura entendu ; et ce qui va venir, Il vous le fera connaître.
Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.

Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : Il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »