Homélie du 22e dimanche du Temps Ordinaire

6 septembre 2012

« Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses… »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs,

Jésus a des paroles dures contre les Pharisiens. Alors, on peut se demander s’Il est contre la Loi ? Serait-Il un doux anarchiste ?

« N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé.
Celui donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, sera tenu pour moindre dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume de cieux »
(Mt 5,17-19)

Vous pouvez lire à ce sujet quelques paragraphes très éclairants dans le Catéchisme de l’Église catholique (n° 577-582).

La beauté de la Loi

La première lecture nous montre la beauté de la Loi. C’est par elle que Dieu éduque, ce que confirme saint Paul qui voit en elle un « pédagogue ».

Dans notre relation à Dieu

On ne peut prétendre aimer Dieu et faire n’importe quoi. La Loi a été donnée pour indiquer comment vivre l’alliance avec Dieu.

Pour nous-mêmes

Par la loi, il ne s’agit pas seulement de correspondre au désir de Dieu, à la volonté de Dieu. La Loi n’est pas quelque chose d’arbitraire qui nous serait donné par un dieu capricieux. Elle est en quelque sorte un mode d’emploi. Mon humanité ne s’accomplit pas de la même façon selon les choix que nous posons. Certains choix nous font grandir dans notre humanité, d’autres nous détruisent. La Loi indique le chemin de notre propre bonheur. Nous ne sommes pas faits pour les travers que Jésus mentionne dans l’Évangile : « inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure »

Comme le dit très bien la première lecture : Dieu a donné la Loi pour que nous vivions. Les commandements sont destinés à être notre sagesse et notre intelligence aux yeux de tous les peuples. Ils montrent que Dieu n’est pas du tout indifférent à ce que nous faisons. Il est proche et ne peut pas supporter que ses enfants se fassent mal sans nous en avertir.

Pour la vie en société

La Loi a été donnée à la sortie d’Égypte, à un moment où Israël n’était pas encore un peuple. La Loi est importante aussi pour la vie en société et pour structurer le peuple de Dieu.

Les limites de la Loi

La multiplication des commandements

La Loi comporte 613 commandements, divisés par Moïse Maïmonide en 248 mitzvot (prescriptions) positives, et 365 mitzvot négatives. Afin de mieux baliser le chemin, certains ont eu tendance à multiplier les préceptes. Cela peut procéder d’une certaine générosité mais aussi d’une volonté de se rassurer. On veut être sûr d’être dans les clous. On peut bien cocher toutes les cases.
Et du coup, nous pensons que Dieu va pouvoir nous féliciter. Mais en fait, nous n’avons pas besoin de gagner l’amour de Dieu ; son amour nous est déjà acquis.

La multiplication des préceptes humains, des traditions humaines qui se sont superposés à la Loi a fait que ces précepte ont pris trop de place et ont finalement obscurci le sens profond de la Loi. Dans son premier livre sur Jésus de Nazareth, Benoît XVI reprend la distinction entre droit casuistique et droit apodictique, entre règles et principes. Les règles visent à régler des situations tout à fait concrètes et sont par là-même marqués par leur époque. Les principes sont plus universels et édictés par Dieu lui-même. Ainsi, dans la Torah elle-même, il y a différents degrés d’autorité. Les règles humaines, les préceptes humains, ne doivent pas être mis sur le même plan que la Loi de Dieu. Ils ne doivent pas être absolutisés.

Attention au formalisme !

Le formalisme est l’attention portée d’avantage sur les comportements extérieurs que sur l’attitude du cœur, sur le paraître que sur l’être. L’important n’est pas l’opinion que les autres ont de nous mais ce que nous sommes réellement. Avec tous ces préceptes, le risque est grand de donner plus d’importance aux gestes et aux rites extérieurs qu’aux dispositions du cœur, le désir d’apparaître plutôt que d’être bons.

Le plus bel idéal religieux a ses écueils : la rigueur d’observance peut engendrer une trop bonne conscience et rendre méprisant pour ceux qui n’en font pas autant. Plus profondément, vouloir être « séparé » n’est pas sans ambiguïté ; quand on sait que le dessein de Dieu est un projet de rassemblement dans l’amour.

Par elle-même, la Loi ne peut pas nous sauver

C’est seulement Jésus qui nous sauve et nous fait le don de son Esprit Saint pour renouveler notre cœur. Comme l’a annoncé Ézéchiel, cette loi est appelée à se graver dans nos cœurs (Ez 36,26) où les hommes observent les lois et les ordonnances sous l’impulsion intérieure de l’Esprit.

Conclusion

C’est un temps de reprise. C’est la rentrée. Beaucoup d’activités commencent avec la nouvelle année scolaire. Pour ma part, c’est le début d’une nouvelle mission en Argentine. A la lumière des textes de la Parole de Dieu entendu ce jour, je vous propose deux pistes :

  • La Loi est comme un pédagogue qui nous donne des repères pour notre vie, notamment dans notre relation avec Dieu et avec les autres. Connaissez-vous les dix commandements ? Une petite révision n’est peut être pas superflue ? Le décalogue correspond d’ailleurs à la première partie du dialogue de Jésus avec le jeune homme riche.
  • Jésus nous appelle à aller au-delà de la simple pratique de la Loi. Dans l’évangile de ce jour, il nous invite notamment à prendre davantage conscience de la nature des pensées qui habitent habituellement notre cœur. Est-ce que ce sont des pensées perverses, cupides, malveillantes ou bien des pensées de paix, d’amour, de bienveillance ? Peut-être sommes-nous horrifiés de certaines mauvaises pensées qui habitent nos esprits ? C’est le moment ou jamais de nous écrier comme saint Pierre qui commence à enfoncer dans l’eau : « Seigneur, sauve-moi ». Jésus nous invite en tout cas à une opération de purification des pensées, des « logismoi », qui peuplent notre esprit.

Demandons-en la grâce par Marie dont le cœur était immaculé et donc jamais occupé à ressasser des pensées mauvaises.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre du Deutéronome 4,1-2.6-8.
  • Psaume 15(14),1a.2.3b-4b.5.
  • Lettre de saint Jacques 1,17-18.21b-22.27.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 7,1-8.14-15.21-23 :

Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées.

Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de cruches et de plats.

Alors les pharisiens et les scribes demandent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas sans s’être lavé les mains. »
Jésus leur répond : « Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l’Écriture : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. »

Il appela de nouveau la foule et lui dit : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien.
Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur.
Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »