Homélie du 7e dimanche du Temps Ordinaire

21 février 2012

« Qu’est-ce qui est le plus facile ? de dire au paralysé : ’Tes péchés sont pardonnés’, ou bien de dire : ’Lève-toi, prends ton brancard et marche’ ? »

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Texte de l’homélie :

Frères et Sœurs,

Vous est-il arrivé d’aller dans la rue pour annoncer l’Évangile ? Lorsque nous allons évangéliser dans la rue, nous ne nous contentons pas de dire bonjour aux personnes que nous rencontrons ; nous essayons de leur dire en quoi l’Évangile est une bonne nouvelle. La parole de Jésus dans l’évangile de ce dimanche – « tes péchés sont pardonnés » - est au cœur de cette bonne nouvelle.

Jésus nous surprend souvent. Ce matin, la première parole de Jésus au paralytique n’est pas : « lève-toi et marche » mais « tes péchés sont pardonnés ». Beaucoup de nos contemporains, en entendant Jésus dire « tes péchés sont pardonnés », auraient eu envie de dire à Jésus (si vous me permettez le mauvais jeu de mots) : « ça lui fait une belle jambe ».

C’est que notre sens du péché est bien faible. Nous portons beaucoup plus d’intérêt au soulagement de nos souffrances et handicaps, à notre bien-être, à notre réussite, au développement personnel, à notre épanouissement, qu’à l’état de notre cœur, de notre âme. Nous sommes certainement plus empressés à trouver un dentiste quand nous avons un mal de dents qu’à aller trouver un prêtre lorsque nous avons commis une faute grave.

Du coup, la parole de Jésus « tes péchés sont pardonnés » ne résonne peut-être pas à nos oreilles comme une bonne nouvelle. Nous allons donc commencer par voir brièvement ce qui peut nous aider à avoir une conscience plus vive du péché. Cela nous permettra, dans un deuxième temps de mieux accueillir la grâce qui nous est offerte par Jésus.

Le péché, c’est manquer la cible

Décevoir Dieu dans l’ambition qu’il a pour nous

Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dieu a voulu faire de nous, non seulement des destinataires de son amour mais des collaborateurs. Il a voulu que chacun d’entre nous soyons ses collaborateurs. Il nous a confié le monde pour que nous en fassions quelque chose de beau, que nous y répandions l’amour. Hélas, comme nous l’entendons dans la première lecture, Dieu a de quoi être déçu.

« Par tes péchés tu m’as traité comme un esclave, par tes fautes tu m’as fatigué. »

En effet nous faisons l’expérience que nous nous laissons souvent entraîner par notre convoitise, par nos désirs, sans toujours nous rendre compte à quel point nous pouvons répandre le mal et la souffrance. L’exemple de David qui est attiré par Bethsabée en est un bon exemple : il se laisse entraîner par son désir et finalement se retrouve dans une situation dont il essaie de se sortir par le mensonge et le crime. Quel dégât !

Sans arriver à une telle extrémité, nous sommes bien obligés de constater que nous sommes souvent bien loin de l’ambition que Dieu avait pour nous. Oui, Dieu a de l’ambition pour chacun de nous, mais pas une ambition à la manière du monde. Dieu nous appelle en effet à être le reflet et les relais de son amour. C’est ce qui nous fait admirer les saints comme saint Vincent de Paul, Mère Térésa et bien d’autres.

Le péché, c’est en quelque sorte décevoir Dieu dans l’ambition qu’il a pour nous. Vous connaissez certainement des parents qui sont meurtris de voir que leurs enfants ont une situation très en-deçà de celle qu’ils auraient désirée pour eux. Cela peut être en raison de la paresse qui fait qu’ils se contentent d’un petit boulot très en dessous de leurs possibilités. Cela peut être aussi parce qu’ils tournent mal et accumulent bêtise après bêtise au lieu de construire leur vie.
Le mot italien « peccato » a un double sens : péché et dommage ! Je me rappelle d’une image où l’on voyait Adam et Eve se retrouver à la porte du paradis avec comme légende « peccato ». En effet, c’est trop dommage de se retrouver en dehors de l’amitié de Dieu. Et c’est précisément le péché qui en est la cause.

Le péché n’est pas seulement une erreur

Le péché, ce n’est pas simplement une erreur. Une erreur, ce n’est pas forcément très grave.
En histoire, sur Napoléon : « Il était capable de dicter cinq lettres à la fois, c’était un très grand dictateur ». « C’était un très grand stratège. Durant la campagne d’Italie, il resta cinq mois sur le pot ». « Il détestait les anglais, car il leur reprochait de l’avoir fait mourir à Sainte Hélène. Il décréta contre eux le blocus sentimental et il prit sa retraite en Russie. » En sciences naturelles : « Le cerveau a des capacités tellement étonnantes, qu’aujourd’hui pratiquement tout le monde en a un ».
Ceci dit, certaines erreurs peuvent être lourdes de conséquences. Le péché, ce n’est pas le sentiment d’être nul, d’être moche, … C’est quelque chose de plus profond : je suis responsable du mal. Il est en effet des choses dans nos vies qui sont néfastes, et dont nous portons la responsabilité.
Les autres peuvent nous aider à prendre conscience de nos manquements. Dans son message pour le carême de 2012, Benoît XVI recommande la correction fraternelle. Le paralytique n’avait plus la force d’aller à Jésus par lui-même. Nous sommes responsables les uns des autres. Dans saint Matthieu, le Maître nous a dit :

« Si ton frère vient à pécher, va vers lui et reprends-le. » (Mt 18, 15)

Nous pouvons aussi porter les autres à Jésus par notre prière.
Mais c’est essentiellement l’Esprit Saint qui nous donne de prendre conscience de notre péché. C’est ce qui se passe le matin de la Pentecôte lorsque Pierre dénonce le mal et propose le remède : le pardon des péchés. Comme le dit le Saint curé d’Ars :

Mais Pierre ne laisse pas ses auditeurs dans la tristesse devant le mal qui les habite, il leur offre le remède qui consiste essentiellement en la rémission des péchés.

Le pardon nous est offert

Comment extirper cette méchanceté, cette indifférence qui habite mon cœur, cette propension à faire le mal que je ne voudrais pas faire et à ne pas faire le bien que je voudrais faire ? Nous ne sommes pas condamnés à la médiocrité. Nous sommes faits pour Dieu, pour l’amour. Et même si nous avons péché, cette orientation profonde reste profondément inscrite en nous. La bonne nouvelle, c’est que nous ne sommes pas enfermés pour toujours dans nos errements mais qu’une source de pardon nous est ouverte. Quel est le malade qui, sachant qu’un nouveau médicament a été découvert pour sa maladie (exemple même de parents qui ont un enfant malade), ne se précipiterait pour en bénéficier ! Cette bonté du cœur m’est offerte. Est-ce que je la veux ?

« Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? »

La guérison du Paralytique est signe de cette guérison autrement profonde qui doit être celle de chacun de nous et qui est la guérison du péché. L’immobilité que la paralysie entraîne souligne notre incapacité à suivre le Christ, à se mettre en route, à emprunter le chemin de la vie. C’est le sens de la parole que le Christ dit au paralytique : « lève-toi ! »
La bonne nouvelle, c’est que nous ne sommes pas condamnés à rester dans la médiocrité. Tu sens que tu es paralysé dans tes beaux désirs : aller au-devant de quelqu’un qui nous est antipathique, venir en aide à quelqu’un, faire quelque chose qui nous coûte, … Viens déposer ces paralysies devant le Seigneur Jésus.

Conclusion :

Pour cette semaine, et plus particulièrement pour le mercredi des cendres où nous sommes appelés à donner une place substantielle à la prière, je vous propose de prendre un temps de prière pour énumérer devant Jésus vos paralysies et à lui demander sa grâce.
Confions-nous à la Vierge Marie qui n’a jamais été paralysée par le péché. Elle sait la beauté de la vie de la grâce, d’une vie où l’ambition de Dieu n’a pas été déçue. Qu’elle nous aide à toujours mieux correspondre à l’ambition de Dieu sur notre vie,

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 43,18-19.21-22.24b-25.
  • Psaume 41(40),2.3a.4a.5-6.11a.12a.13.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,18-22.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 2,1-12 :

Jésus était de retour à Capharnaüm, et la nouvelle se répandit qu’il était à la maison. Tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, même devant la porte. Il leur annonçait la Parole.

Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes.
Comme ils ne peuvent l’approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.
Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. »

Or, il y avait dans l’assistance quelques scribes qui raisonnaient en eux-mêmes : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? »

Saisissant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu’ils faisaient, Jésus leur dit : « Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu’est-ce qui est le plus facile ? de dire au paralysé : ’Tes péchés sont pardonnés’, ou bien de dire : ’Lève-toi, prends ton brancard et marche’ ?
Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l’ordonne, dit-il au paralysé : Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. »

L’homme se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu, en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »