Homélie du quatrième dimanche de l’Avent

29 décembre 2023

Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »

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Texte de l’homélie

Ce matin, la liturgie nous invite à contempler la Vierge Marie : de son « oui » dépend notre salut. En filigrane, nous pouvons penser au beau texte de saint Bernard où l’humanité supplie Marie de dire « oui ». Je vous propose de nous mettre à l’école de Marie pour apprendre à répondre nous-aussi aux appels de Dieu ; de notre réponse dépend aussi non seulement notre salut personnel mais aussi de nombreux fruits de grâce sur l’humanité.

Comment à notre tour bien coopérer au dessein de salut du bon Dieu ? Je retiendrai 3 moments :

  • D’abord, une attitude d’ouverture : si la terre est trop sèche et dure, l’eau ne pénétrera pas !
  • Ensuite ce moment de délibération où nous sommes appelés à accueillir l’appel de Dieu avec tout notre être : Dieu ne fait pas les choses sans nous ; Il nous appelle à nous engager librement, avec notre intelligence et notre cœur.
  • Et enfin, le moment où nous répondons « oui » et où nous engageons avec empressement sur le chemin que Dieu nous a proposé.

Attitude d’ouverture ; accueillir l’appel de Dieu

Laisser à Dieu l’initiative

Les lectures du jour nous rappellent que Dieu a l’initiative de nous sauver, de nous aimer.

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16). Dieu « nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19)

C’est parfaitement clair dans la première lecture :

« Est-ce toi ? … Non, c’est moi … Je … »
« Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? (…) Le Seigneur te fait savoir qu’il te fera lui-même une maison. »

Comme David, nous pouvons avoir de très bonnes intentions. Dieu nous rappelle que ce n’est pas la même chose de faire des œuvres pour Dieu et de faire l’œuvre de Dieu. Dans le premier cas, nous sommes peut-être très généreux mais peut-être aussi un peu autistes et prétentieux. Faire l’œuvre de Dieu implique d’être beaucoup plus à l’écoute.

La virginité de Marie dit bien que l’initiative vient de Dieu. L’Église a toujours célébré Marie comme la toujours vierge. Il ne s’agit en aucun cas d’un désaveu de l’expression sexuelle de l’amour humain. La conception virginale manifeste en premier lieu l’initiative absolue de Dieu dans l’Incarnation. « Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint » dit l’ange à Joseph au sujet de Marie.

Cultiver un climat de joie aux antipodes d’une attitude désabusée et de peur

L’ouverture à l’initiative de Dieu va de pair avec la joie. L’Annonciation se passe dans un contexte de joie :

« Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28)

« Le salut de l’ange à Marie est une invitation à la joie, à une joie profonde ; il annonce la fin de la tristesse qui existe dans le monde devant les limites de la vie, la souffrance, la mort, la méchanceté, les ténèbres du mal qui semble obscurcir la lumière de la bonté de Dieu. C’est une salutation qui marque le début de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle. » (Benoît XVI, 19 déc 2012)

Il nous revient de cultiver un climat de joie, de louange et d’espérance pour accueillir l’appel de Dieu. Le fait d’être désabusés nous rend sceptiques vis-à-vis des bonnes nouvelles.

L’ange dit à Marie : « Sois sans crainte ». En effet, Marie est troublée en entendant les paroles de l’ange. Ce n’est pas le comportement de quelqu’un qui a peur de ce que Dieu pourrait lui demander. C’est la crainte que l’homme éprouve quand il est touché par la proximité de Dieu.7

Comme on le dit souvent : « La peur est mauvaise conseillère ». Elle tend à nous fermer a priori à l’inconnu et à la nouveauté. Elle nous rend moins réceptifs. La peur de perdre nous rend rigides. Une saine « indifférence » (différente d’un certain désintérêt) nous rend plus souples à l’appel de Dieu.

Comprendre pour mieux coopérer

Discerner

Après cet a priori positif qui permet d’entendre la demande Dieu vient le moment de la délibération. Marie n’accepte pas tout sans réfléchir. Marie vit ce que saint Paul écrira plus tard :

« N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose, ce qui est bien, gardez-le. » (1 Th 5, 19-21)

« Marie réfléchit, elle s’interroge sur la signification de cette salutation (cf. Lc 1, 29). Le terme grec utilisé dans l’évangile pour définir cette ‘réflexion’, dielogizeto, rappelle la racine du mot ‘dialogue’. Cela signifie que Marie entre dans un dialogue intime avec la Parole de Dieu qui lui a été annoncée, elle ne la considère pas de manière superficielle, mais elle s’arrête, elle la laisse pénétrer dans son esprit et dans son cœur pour comprendre ce que le Seigneur veut d’elle, la signification de l’annonce. » (Benoît XVI, 19 déc 2012)

On retrouvera cette même attitude de Marie au moment de la naissance de Jésus : Marie « conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19). « Le terme grec est symballon : nous pourrions dire qu’elle ‘gardait ensemble’, ‘mettait ensemble’ dans son cœur tous les événements qui lui arrivaient ; elle plaçait chaque élément, chaque parole, chaque fait à l’intérieur d’un tout et le confrontait, le conservait, reconnaissant que tout vient de la volonté de Dieu. Marie ne s’arrête pas à une première compréhension superficielle de ce qui arrive dans sa vie, mais elle sait regarder en profondeur, elle se laisse interpeller par les événements, elle les élabore, les discerne. » (Benoît XVI, 19 déc 2012).

Poser des questions

Marie pose une question. Ce n’est pas une fin de non recevoir qui manifesterait une incrédulité. A la différence de Zacharie lorsque lui est annoncée la naissance de Jean-Baptiste, la question de Marie manifeste son désir de collaborer à ce dessein de Dieu. Elle veut savoir comment exécuter cette volonté. A priori, elle est d’accord mais elle ne voit pas encore bien ce que Dieu attend d’elle :

« Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? »

Là encore Marie n’est pas naïve ; elle n’est pas écervelée. Elle n’est pas du genre de ces personnes qui ne mesurent pas la portée de leurs engagements. Cela fait penser aux enfants à qui ont demande quelque chose : ils sont partis avant même de bien comprendre ce qu’on attend d’eux : « Va chercher du pain », l’enfant y part sans se demander s’il doit prendre de la monnaie. La promptitude n’est pas la précipitation.

Marie a besoin de mieux comprendre ce que Dieu attend d’elle. La réponse de l’ange est particulièrement éclairante :

« L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. »

Dieu ne veut jamais nous extorquer notre « oui ». Il nous veut vraiment libres. C’est aussi parce qu’il s’agit d’un engagement fait en toute liberté qu’elle aura la grâce d’aller jusqu’au bout de ce « oui » dans toutes les difficultés, notamment au pied de la Croix. Marie ne reviendra jamais sur ce « oui » : « Que votre oui soit oui ». Marie n’est pas comme les vagues de la mer qui vont et viennent.

Acquiescer et faire l’œuvre de Dieu avec empressement

S’abandonner en disant : « me voici »

Marie a suffisamment d’éléments pour dire son « oui » en toute liberté. Ce n’est pas qu’elle connaisse tous les tenants et aboutissants. La prudence ne consiste pas à délibérer sans fin. Elle consiste, après une délibération raisonnable, à décider et à passer à l’action. À un certain moment, il faut accepter une part d’abandon et de confiance ; il faut accepter de ne pas tout maîtriser dans le détail. Il y a bien des éléments sur lesquels elle n’a pas encore de réponse : que va devenir sa relation avec Joseph ? que vont penser les gens ? Marie accepte une part d’obscurité.

Marie reprend le mot de tous les grands croyants depuis Abraham :

« Me voici » ; comme Samuel avait su dire « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 10)

Elle répond tout simplement :

« Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. »

Le mot « servante » n’évoque pas ici la servilité, mais la libre disponibilité au projet de Dieu. C’est un bel exemple « d’obéissance de la foi », comme dit Paul, c’est-à-dire de confiance totale.

Avec empressement

Marie est dans la situation de celui qui a trouvé le trésor. Elle n’éprouve pas la difficulté de tout vendre, tant sa joie est grande (cf. Mt 13, 44). Il ne s’agit pas d’une joie exubérante ou d’une excitation mais d’une joie intérieure paisible. Il y a une conviction intérieure qu’on est dans la bonne direction. Il y a le sentiment d’être « aligné », d’être à sa place. À partir de cela, on peut répondre à l’appel avec facilité, en affrontant les difficultés qui se présentent avec une énergie et une force d’âme renouvelées.

Le mot qui exprime le consentement de Marie, et qui est traduit par « fiat » ou par « qu’il me soit fait », est à l’optatif (génoito) dans le texte grec original. Il n’exprime pas une acceptation résignée, mais un vif désir, comme si Marie disait : « Je désire de tout mon être, ce que Dieu désire ; que s’accomplisse promptement ce qu’il veut ».

Conclusion :

Que Marie nous aide à être ouverts aux initiatives de Dieu, à les discerner dans la réflexion et la prière et à y répondre avec joie et empressement.

Cette semaine, nos regards seront tournés vers la crèche mais Marie n’est pas loin. Quand il relate l’arrivée des mages, saint Matthieu nous dit ceci : « ils virent l’enfant avec Marie sa mère » (Mt 2, 11).
« Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » nous dit saint Luc (Lc 2, 19),

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre de Samuel 7,1-5.8b-12.14a.16.
  • Psaume 89(88),2-3.4-5.27.29.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 16,25-27.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,26-38 :

En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors :
— « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange :
— « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange lui répondit :
— « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.
Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.