Suffit-il de s’aimer pour se marier ?

13 juin 2014

« Vous vous engagez à grandir dans l’amour. Et pour cela, le Seigneur nous avertit : ce commandement demandera l’exercice de notre volonté ! »

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Texte de l’homélie de mariage :

Le mariage et la parole

Lorsque nous avons préparé cette célébration avec Claire et Édouard, je leur ai dit que les lectures qu’ils allaient choisir ont une double vocation : celle d’éclairer ce jour particulier entre tous les jours, bien sur, mais aussi d’éclairer toute leur vie. Il est donc nécessaire de choisir des textes avec lesquels on va cheminer. La parole de Dieu est une parole vivante, qui nous accompagne. Et selon les périodes de notre vie, les circonstances de notre existence, elle nous parle d’une manière ou d’une autre.

D’ailleurs, si vous faites un petit exercice de mémoire, vous souvenez-vous les lectures que vous avez choisies pour le jour de vos noces, il y a un mois, deux ans, dix ans, trente ans (plus si affinité !) ? Car cette parole est donnée, elle aussi. Il est important de voir que la mariage s’enracine dans un parole.

La parole échangée par les fiancés, bien entendu, qui fait le sacrement du mariage, qui s’enracine elle-même dans une parole du Seigneur. Ainsi, tout commence par une parole. Il est donc important de prêter attention à ce que le Seigneur nous dit en ce jour.

L’évangile que nous venons de lire est assez habituellement choisi pour les célébrations de mariage. Mais, ce n’est pas pour autant qu’il faudrait passer rapidement dessus, d’autant plus que nous sommes dans un temps particulier dans la vie liturgique : nous sommes à la veille de rentrer dans la semaine sainte, juste avant les Rameaux. Et, plus qu’une invitation, nous avons un commandement. A tel point que cela pourrait nous interpeller : pourquoi une commandement à nous aimer les uns les autres ? N’est-il pas naturel d’aimer ? Ne sommes-nous pas faits pour cela, étant à l’image et à la ressemblance d’un dieu d’amour ? Pourquoi le Seigneur en ferait-il un commandement ?

C’est que précisément, le fait d’aimer ne nous est pas spontané ! La plupart d’entre vous qui vivez une vie matrimoniale, en communauté paroissiale, religieuse ou en famille, n’avez-vous pas remarqué comment la relation avec l’autre met autant en lumière nos incapacités à aimer ?

Un amour plus fort que la mort

Et c’est pour cela que Claire et Édouard sont là, devant le Seigneur : comme des pauvres. Et j’aime à dire que le mariage est l’union de deux pauvres, qui viennent quémander un amour plus fort que la mort, plus que leurs défauts et les différentes embûches qui seront semées sur leur route matrimoniale et familiale.

On quémande un amour. Et c’est pour cela que nous sommes devant le Seigneur, parce que, justement, nous avons ce commandement à aimer et nous le recevons de Lui…

Connaissez-vous ces mots de Bismarck, qui disait à sa fiancée la veille de ses noces :

« Je ne me marie pas avec vous parce que je vous aime, mais pour vous aimer… »

Sans doutes a t-elle été un peu déroutée au début, et on peut la comprendre… Mais, la deuxième partie est importante : « c’est pour vous aimer ». Oui, Claire et Édouard, vous vous engagez à grandir dans l’amour. Et pour cela, le Seigneur nous avertit : ce commandement demandera l’exercice de notre volonté !

On le sait bien, l’amour n’est pas de l’ordre de l’émotion : une émotion se commande t-elle ? non, cela n’a pas de sens. L’amour est bien de l’ordre de la décision. Aujourd’hui, vous marquez un acte d’amour particulier par votre décision de vous engager devant le Seigneur, pour former un couple, pour former une famille.
Quand je vais recueillir vos consentements, je ne vais pas vous poser la question « est-ce que vous vous aimez », on le pré-suppose, mais ce n’est pas une condition de validité pour l’Église de s’aimer – c’est mieux, c’est vrai que cela aide la vie commune – mais, je vais vous demander : « est-ce que vous le voulez ? ». En général, on répond « Oui ! ».

Ainsi, il est intéressant de savoir que vous grandissez dans un choix qui vient de Dieu et qui demande chaque fois l’exercice de la volonté, précisément parce qu’à travers la vie commune – quelle qu’elle soit, et d’une façon générale, la relation avec l’autre - nous nous heurtons à nos incapacités, à nos pauvretés, à nos manques d’amour. Et c’est là que nous demandons au Seigneur Sa grâce.

A ce sujet, la première lecture est très belle, c’est tout un programme de vie. Vous reprendre chez vous, en relisant votre livret :

« N’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez vous attirer par ce qui est simple.
Ne vous fiez pas à votre propre jugement,
Ne rendez à personne le mal pour le mal. »

Rien que ces paroles-là peuvent-être une règle, un programme de vie. Lorsqu’il s’adresse aux Romains, l’Apôtre Paul met en pratique ce commandement nouveau, il le détaille : vous voulez aimer comme le Seigneur nous a aimés ? alors, offrez votre personne, offrez votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu, et mettez d’abord le Seigneur au centre. Parce que c’est en mettant le Seigneur au centre, Claire et Édouard, que cet amour deviendra grandissant.
D’une certaine manière, cet amour vient d’une vie contemplative. Pour grandir dans l’amour, cela demande une certaine contemplation, d’avoir un regard contemplatif sur l’autre, un regard qui va au delà des fragilités et des défauts de l’autre, qui contemple la beauté et la grandeur de l’autre. Cela ne nous est pas toujours spontané, car on a souvent plus tendance à voir le point blanc dans la page blanche.

Alors, en cette journée particulière, demandons au Seigneur que votre engagement à grandir dans l’amour soit visible dans les années à venir. Si, dans dix ans, nos routes se croisent, que je puisse voir que vous vous aimez davantage que maintenant où je reçois vos consentements, précisément parce que vous vous engagez dans une dynamique, dans une croissance.

Nous prions pour vous, demandons toutes les grâces du Seigneur pour vous en nous tournant vers la Vierge Marie, car c’est Elle aussi qui, par Sa vie, nous a montré – en actes et en vérité – ce que veut dire aimer. Demandons-Lui la grâce pour chacun d’entre nous, et particulièrement pour Claire et Édouard, d’être témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !