L’humilité

Halte spirituelle - Père Pierre-Marie

L’humilité est essentielle pour la vie spirituelle.
C’est un thème fondateur parce que, sans elle, il n’y a pas de vie spirituelle qui puisse grandir, ni même d’amour.
Les plus grandes qualités, sans humilité, deviennent vite insupportables alors même que les défauts, chez une personne humble, deviennent au contraire plus supportables !

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Père Pierre-Marie
Père Pierre-Marie

(Durée totale : 105 minutes)
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Résumé de l’enseignement :

Le mot vient du latin « humus » qui signifie « terre », ce lieu où peuvent grandir toutes nos grâces de l’année. C’est une vertu que l’humilité, c’est-à-dire qu’elle s’acquiert par la répétition des actes : en effet, on ne nait pas humble, on le devient.

I – L’humilité face à Dieu

a) humilité et adoration

L’acte d’humilité mène à l’adoration, geste où l’on se reconnaît créature face à son créateur. Il s’agit d’avoir conscience de sa petitesse face à Dieu, à cause de la distance qui nous sépare de lui (reconnaître sa transcendance). L’humilité c’est aussi la crainte de Dieu dans le sens de révérence, admiration, émerveillement, crainte finalement d’offenser le Seigneur. Cette vertu grandit dans la contemplation de la grandeur de Dieu. Alors seulement nous pouvons goûter un peu de son intimité et atteindre une vraie reconnaissance. Nous devons nous approcher du Seigneur avec crainte de l’offenser en nous rappelant la distance qui existe entre l’homme et Dieu.

Ce n’est qu’en Jésus qu’on peut parler d’amitié entre l’homme et Dieu.

L’humilité, avec Dieu, entraîne donc un acte d’adoration mais également la reconnaissance de notre dépendance : « j’ai besoin de la grâce de Dieu ». En Jean XV5, Jésus nous dit : « Je suis la vigne ; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire » ; et Paul, en 1Corinthiens IV7 :

Qui donc en effet te distingue ? Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ?"

En effet, nous lui devons tout ; il nous maintient dans l’existence par son amour : la création dure encore aujourd’hui ; en ce moment-même nous sommes soutenus dans l’existence par l’amour de Dieu.

L’orgueil (autosuffisance) s’oppose à l’humilité : faire comme si Dieu n’existait pas ! L’homme moderne se pense orphelin alors que l’humble reconnaît qu’il n’est pas seul. L’orgueilleux, face à Dieu, agit sans lui, ne prie pas, ne le consulte pas … Plus nous sommes autonomes et plus nous devons penser le devoir à Dieu seul. Le curé d’Ars disait : « l’homme est un pauvre qui doit tout demander à Dieu. » Il faut donc rendre grâce pour tout ce que nous avons reçu (famille, amis, église…) dans une attitude de reconnaissance (cf. magnificat).

Le Seigneur a le désir de donner davantage à une âme humble car alors il peut travailler en elle.

Une attitude fausse serait de s’abaisser à tort alors que nous devons reconnaître en nous l’œuvre de Dieu.

L’humilité c’est encore prendre conscience qu’on doit tout au Seigneur même ce que l’on a acquis par nos propres forces. Le Seigneur nous donne, et l’humilité sera alors de rendre au Seigneur ce qui lui appartient.

b) humilité et accueil de la volonté de Dieu

C’est une disponibilité intérieure et un abandon à la volonté du Seigneur : nous devons lâcher prise. Ceux qui se fient à leurs propres forces sont inconscients car en se fixant sur une force humaine, nous ne pouvons qu’en récolter un fruit humain ! Il est important de reconnaître les événements (rencontres) comme une parole de Dieu, comme des signes de la présence de Dieu et donc de sa volonté. En hébreu le mot « parole » (dabar) signifie « événement » : pour le peuple élu un événement est une parole de Dieu. En effet, Dieu agit dans les événements et l’humilité est bien d’y reconnaître le signe de sa présence. Israël apprend l’humilité en faisant l’expérience de cette toute puissance de Dieu ainsi qu’en rendant un culte à ce Dieu transcendant.

L’accueil de la volonté de Dieu se transmet par le regard mais aussi par le culte que l’on rend à Dieu. La vraie liturgie est de reconnaître ses merveilles et d’en rendre grâce.

c) Humilité et Foi

L’humilité c’est aussi reconnaître que le monde n’a pas commencé avec soi. La liturgie est ce qui me permet d’être en référence avec le Seigneur : on y célèbre le fait que nous sommes créatures, et Dieu, créateur. L’humilité c’est encore l’expérience de la pauvreté, de celle qui me pousse à crier vers Dieu, à le supplier. Un humble face à Dieu est une référence, une école de dépendance, de docilité (cf. les psaumes) et les humbles, les pauvres, sont ceux qui cherchent Dieu qui peut alors manifester son œuvre en eux avec plus de puissance parce qu’ils se réfèrent à lui sans s’approprier les dons reçus. L’humilité donne en plus une grande liberté intérieure : nous nous trouvons alors sous le regard de Dieu et non des hommes !

Rappelons-nous Moïse en Nombres XII3 : « un homme très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté » et c’est cet homme qui a guidé son peuple en Terre Promise sans y rentrer lui-même… L’humilité donne cette attitude de service ; l’humble est le serviteur, et l’esprit du Seigneur habite dans l’homme humble.

d) Humilité et pusillanimité (contraire de magnanimité)

Selon saint Thomas d’Aquin « la personne humble est aussi magnanime » c’est-à-dire qu’elle n’a pas peur d’entreprendre de grandes choses pour Dieu. L’humble ne regarde pas à la dépense, n’a pas peur de l’échec. La pusillanimité est une forme d’orgueil, alors que le magnanime croit en la force de Dieu dans sa vie. L’humble est dépendant de Dieu seul et c’est quelqu’un qui voit grand, qui n’est pas réducteur. La vie de l’humble ne lui appartient plus, elle est à Dieu. Pour l’humble, la fécondité et l’amour de Dieu sont ses seuls motivations. Il ne se décourage pas.

Saint Ignace de loyola, quant à lui, disait :

faire tout en sachant que tout dépend de Dieu mais comme si tout dépendait de moi."

Notre monde est angoissé parce que l’homme se pense seul ! L’homme moderne se voit comme orphelin alors que l’humble se voit comme fils. Dans le psaume CXXXVIII6 : « sublime, Yahvé ! et il voit les humbles et de loin connaît les superbes ».

Et en 2Corinthiens XII9 : « Mais il m’a déclaré : ‘ Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse.’ C’est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. » Souvent le Seigneur choisit des personnes fragiles, pauvres pour manifester que c’est lui qui agit. En Saint Paul 1corinthiens I27 il nous est dit que :

Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort."

La sagesse du Seigneur aime se manifester au moyen des humbles que le monde méprise. Il y a une pédagogie divine dans l’humilité ; il y a une manière de nous faire grandir spirituellement dans l’union avec Dieu.

L’orgueilleux, lui, se sent seul et veut donner à ses désirs l’infini de l’intelligence, autrement dit, il ne veut pas accueillir ses limites alors même que la limite est une source de grâces. Il n’y a que Dieu qui n’est pas limité. L’homme moderne est ainsi dans une toute puissance comme l’enfant.

Il existe trois formes d’orgueil :

- l’orgueil de la chair : pas de limites dans les plaisirs (contrairement à la chasteté)
- l’orgueil des richesses (contrairement à la pauvreté)
- l’orgueil de l’esprit : manière d’agir comme si l’on avait toujours raison… or ma volonté n’est pas un absolu (le contraire se trouve dans l’obéissance)

Nous pouvons faire le parallèle avec les trois vœux religieux (conseils évangéliques) mais le parallèle également avec les trois tentations du Christ (Luc IV1-13) :

- changer les pierres en pain
- posséder les nations
- se jeter du haut de pinacle

Et le Seigneur répond à ces tentations par la Parole de Dieu.

Sainte Thérèse d’Avila enseignait que « l’humilité c’est la vérité » ; et l’orgueil un mensonge, un faux bonheur. La vérité c’est que je suis créature : j’ai, par là-même, des dons mais aussi des faiblesses. Cette humilité face à Dieu consiste à se trouver en vérité face à Dieu et face à soi-même. On peut parfois endurcir son cœur parce qu’on ne veut pas se laisser transformer.

L’humble peut se déposséder de lui-même parce qu’il se sait aimé de Dieu. Par contre, Dieu ne peut rien face à quelqu’un qui s’endurcit contre lui.

L’humble n’est ni dépréciateur de lui-même, ni mégalomane ; il entreprend de grandes choses et ne craint pas les échecs parce qu’il se croit vraiment sous le regard de Dieu. L’ humble avance. Et Jésus, doux et humble de cœur, est l’exemple même à suivre.

II – l’humilité et le prochain

S’opposer au prochain c’est s’opposer à Dieu. Cette humilité s’exprime face au prochain par une certaine simplicité (simplicité à l’extérieur et humilité à l’intérieur). C’est une attitude simple qui permet à chacun de se sentir aimé, accueilli, mais permet aussi à chacun de grandir. Les jugements concernant le prochain empêchent de découvrir l’autre dans sa beauté. L’humilité permet de découvrir ce qui est positif dans chacun de nous, et c’est une attitude intérieure qui permet d’excuser les fragilités de l’autre quand nous les voyons. Saint Bernard :

Si vous considérez les misères du prochain… indignation, jugement, si vous voulez connaître le secret de la douceur, considérez-vous vous-même et craignez vous aussi d’être tenté".

Il est bon de se méfier de soi-même ! L’humilité commence par la conscience de nos propres fragilités ; cela engendre des consolations et des excuses face au prochain mais ne doit pas empêcher la correction fraternelle. La personne humble accueille la fragilité et la vulnérabilité de l’autre et a reçu le don de la compassion. Saint Augustin disait : « si je n’ai pas commis le péché qu’un autre a fait c’est parce que Dieu m’a protégé ».

L’humilité face au prochain s’acquiert par la juste vérité face à soi-même. Il s’agit de ne pas enfermer l’autre dans ses défauts et d’accueillir les différences toujours dans le but de faire grandir. Il faut avoir un regard bienveillant sur l’autre et privilégier la relation à l’efficacité : pour cela il est souvent nécessaire de s’approcher de l’autre par le bas, en se rendant accessible. C’est une vertu et cela demande donc du travail. Il nous est demandé, pour cela, de nous mettre en route pour avoir ce regard d’humilité sur l’autre. Dans une relation difficile avec l’autre, l’humilité consiste à ne pas se laisser entamer par les reproches et les critiques et considérer même le sommet de l’humilité comme désirant ces reproches et ces critiques.

Saint Bernard nous donne « les douze degrés de l’orgueil » :

- La curiosité
- La légèreté de l’âme (regarder les autres avec envie)
- La gaieté sotte
- La jactance (parler pour ne rien dire )
- La singularité
- L’arrogance (se louer soi-même )
- La présomption (se juger supérieur)
- Le plaidoyer du péché (défense de ses propres péchés)
- L’aveu simulé (feindre le repentir)
- La rébellion
- la liberté de pécher
- L’habitude de pécher

Tout cela s’oppose à la communion et à l’amour du prochain. C’est notre orgueil ou notre désir de domination qui empêche cette communion. La bonne attitude d’humilité est d’accueillir l’humilité comme une condition à la communion.

Comme pour l’humilité face à Dieu, face au prochain l’humilité s’oppose à la pusillanimité : je ne m’engage pas face au prochain (cf. Molière : « je hais les cœurs pusillanimes qui pour trop prévoir la suite des choses n’osent rien entreprendre ») ; alors que par amour du prochain, on aurait pu entreprendre tant de choses…. L’humilité est synonyme de confiance, d’abandon aussi les uns envers les autres mais cela s’enracine dans la confiance en Dieu et dans son amour (contrairement à la mentalité sécuritaire).

L’amour de charité ne s’arrête pas au fait d’avoir une récompense de la part de Dieu car l’amour de Dieu est gratuit.

Cette attitude d’humilité en Matthieu XX26-28 c’est l’humilité et la magnanimité : « Il n’en doit pas être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. »

Quand l’humilité grandit, elle atteint la compassion et quand celle-ci grandit, on arrive à la contemplation : « j’aime l’autre pour l’amour du Seigneur » : c’est l’accès au chemin invisible.

III – L’humilité de Jésus

C’est cette humilité de Jésus qui atteint un degré parfait, cette profondeur, lui qui est doux et humble, patient, bénit les enfants et les donne en modèle. Cette humilité est la condition pour accéder au royaume de Dieu. Dieu se révèle aux humbles ; c’est la grâce à demander et un exercice à accomplir. Contemplons cette humilité de Jésus qui s’approche de nous avec miséricorde. Jésus n’est pas venu pour juger mais sauver, ni pour chercher la gloire mais pour s’anéantir (lavement des pieds, incarnation…).

A travers l’humilité du Christ, nous comprenons de quel amour le Seigneur nous aime,

Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! (Philippiens II6-8). "

Amour fort du seigneur qui avait un vrai désir de sauver l’humanité et n’a pas regardé à la dépense. L’humilité, à la manière de Jésus, nous pousse au décentrement. Saint Augustin a cette remarque : « où est l’humilité, là est la charité. » Et l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils, est attiré par l’humilité. La critique est une forme d’orgueil qui nous place au-dessus de l’autre et nous donne un aveuglement sur nous-mêmes. L’humilité est un combat intérieur de tous les instants ; il faut donc être vigilants. C’est Saint Paul qui nous exhorte ainsi : « revêtez-vous d’humilité dans les rapports les uns avec les autres » « Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance » (Galates V22). L’orgueil nous rapetisse car c’est un mensonge sur nous-mêmes et sur l’autre. Saint Paul : « l’humble est une personne de foi et de charité ». L’humilité donne un regard plus contemplatif sur l’autre, une regard qui ne s’arrête pas seulement à l’apparence. « Considérez les autres comme supérieurs à vous-même » : il faut absolument s’approcher de l’autre comme d’une terre sacrée et demeurer conscient de notre propre misère. Jésus, qui est Dieu, n’a pas eu peur de s’abaisser (notre humanité, table des pécheurs, et pain eucharistique)

Quant au Père Lamy : « nous ne comprenons pas les choses de Dieu par nous-mêmes… c’est un motif pour être prudent et rester humble… » L’humble se méfie de lui-même : mon premier ennemi est en moi. L’humilité donne une certaine maîtrise de soi ; « si on imite le Christ, on ne marche pas dans les ténèbres mais on a la lumière de la vie »cf. St Bernard Être humble rend plus intelligent. Être attentif, vigilant face à nous-mêmes en contemplant Jésus, aide à entrer dans une attitude d’humilité et en particulier sur le chemin de croix : voyons ce que le Seigneur a fait pour nous.

Les problèmes dans les relations humaines sont souvent liés au manque d’humilité ; il n’y a pas de communion sans humilité.

La relation avec Jésus au quotidien est un moyen d’entrer dans une attitude de communion :

La patience est signe d’humilité