À quoi sert le sacrement de mariage ?

13 juin 2014

« La Parole de Dieu comme chemin. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie de mariage :

Lorsque nous avons préparé cette célébration avec Anne et Pascal, je leur ai dit de choisir les textes comme des compagnons de route. Cela est vrai pour celles et ceux qui se sont unis un jour devant l’autel du Seigneur : ces textes nous accompagnent en nous disant quelque chose de la volonté de Dieu sur votre couple, et aussi ce que votre couple veut témoigner de l’amour du Seigneur à son entourage (aux amis, à la famille, aux proches…).

Ainsi, les deux lectures que vous avez choisies sont aussi des programmes de vie. De la première lecture, celle de l’Apôtre Paul aux Romains, on peut retenir une phrase – chaque phrase ferait l’objet d’une méditation, mais concentrons-nous sur celle-ci :

« Ne prenez pas modèle sur le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser, pour discerner quelle est la volonté de Dieu. »

Voilà un programme de vie contenu dans ces mots !

Transformez votre manière de penser

Lorsque l’on débute une vie à deux, il y a quelque chose à transformer dans le cœur de chacun. Auparavant, chacun agissait de manière indépendante et autonome, en tenant compte simplement de ses propres invitations, de ses désirs et de ses besoins. Et le fait de fonder un foyer fait que l’on passe du « je » au « nous ». Vous vous mettez à résonner en « nous ». Et cela est déjà une transformation très concrète : dans la manière de concevoir les occupations quotidiennes, de réguler la vie professionnelle et la vie personnelle, d’accepter tel compromis, invitation ou engagement à l’extérieur du couple.
Oui, Pascal et Anne, quelque chose change dans votre manière de penser, dans votre manière d’envisager le présent et la suite de votre vie. Vous vous renouvelez.
Il y a quelque chose à renouveler en nous.

« Ne prenez pas modèle sur le monde présent »…

Quel est ce « monde présent » ?

Bien entendu, le monde présent est aussi en nous. Mais, quel est-il ce monde présent ?

  • L’égoïsme - je cherche d’abord mon intérêt
  • La volonté de dominer l’un sur l’autre
  • Le désir d’avoir toujours raison
    Voici quel est le monde présent pour Saint Paul. Mais, il faut changer. Et la clef de ce changement, chers amis, Pascal et Anne nous le donnent dans le choix de l’Évangile, qui est magnifique :

« Le semeur est sorti pour semer »

Nous connaissons très bien cet évangile. Mais en quoi indique t-il un renouvellement pour chacun d’entre nous, pour les fiancés, mais aussi pour nous tous qui participons à cette célébration : en quoi ce la renouvelle t-il notre manière de penser ? En quoi cela fait–il que l’on pense selon l’évangile et non pas le monde ?
La différence est que l’on pense selon une gratuité. Car, ce qui est marquant dans l’attitude du semeur, c’est qu’il sème à tout va, à tous vents, et qu’il ne regarde pas à la productivité, à la rentabilité, à l’efficacité de sa semence ou de sa manière de semer.

Ce semeur, nous le savons, c’est Dieu Lui-même. Et comme Jésus le commente dans la suite du texte, la semence c’est la Parole de Dieu, et la terre, c’est chacun de nous. En chacun de nous, il y a une partie de la terre qui est décrite dans la parabole : il y a en nous à la fois le bord du chemin, les ronces, la terre peu profonde, mais aussi la terre très féconde.

Et le fait de rentrer dans une dimension de couple, de vous unir devant l’autel du Seigneur, c’est détecter en vous cette capacité de gratuité, de vous donner l’un à l’autre sans attendre de retour, et que ce don rayonne autour de vous. Certains le comprendront, d’autres ne le comprendront pas.

Comme il est bon aussi que nous puissions nous demander, nous interroger ainsi : « où est-ce qu’on en est de notre manière de donner » ? car célébrer des noces, c’est célébrer un don, célébrer un homme et une femme qui rentrent dans un logique de don. N’est-ce pas tout à fait différent de la manière de penser du monde ?

Où en sommes-nous du don mutuel des époux ?

Le don de soi-même peut-il faire souffrir ?

Pourquoi nous questionner ainsi ? parce que les épreuves, les désillusions, les déceptions, endurcissent parfois le cœur… « on ne m’aura plus », et « je préfère me protéger, me blinder face à l’autre, car j’ai été déçu, j’ai été blessé »…
Mais, rentrer dans un logique de don, c’est rentrer dans une logique de résurrection. Nous croyons qu’au delà des blessures, au delà des difficultés quotidiennes, l’amour gratuit, l’amour désintéressé atteint son objectif, touche sa cible, et est plus fort que toutes les blessures, et bien plus encore, vient les guérir, les féconder.

Il est très beau de voir que Jésus ressuscité l’est avec Ses blessures, et non pas dans un impeccabilité plastique de son corps. Oui, Il est ressuscité avec Ses blessures, signe cette gratuité, cette fécondité passe aussi par des moments que nous pouvons vivre de manière difficile, tout autant que pas par des moments de joie que nous avons à partager.

N’ayons pas peur de renouveler notre manière de penser : cette manière de penser de l’évangile n’est pas du tout spontanée. Au contraire ! on pourrait éviter les ronces et la terre peu profonde ; les relations sans lendemain - les racines peu profondes – ne m’intéressent pas…
Mais, le Seigneur, Lui, n’agit pas comme ça, et, Pascal et Anne, vous avez choisi ce texte d’évangile pour rappeler la gratuité du don de Dieu, parce que vous vous êtes vus chacun comme un don de Dieu l’un pour l’autre.

Dieu nous fait-il cadeau de notre conjoint ?

Lorsque nous avons démarré ensemble cette préparation au mariage dans laquelle vous avez mis beaucoup d’énergie, beaucoup d’amour, beaucoup de temps et de sérieux, j’ai commencé par vous poser une question :

« Est-ce que vous vous voyez chacun comme un don de Dieu ?
Est-ce que vous vous voyez chacun comme un cadeau que le Seigneur vous fait ? »

Pour celles et ceux d’entre vous qui sont unis par le sacrement du mariage, posez-vous la question l’un à l’autre : « Est-ce que je vois mon conjoint comme un cadeau de Dieu ? »…
Sans doutes répondriez-vous que cela dépend des moments ? C’est comme le frère de communauté… parfois, on le voit comme un don de Dieu, et parfois plutôt comme une « source de sanctification »…
Ainsi, vous voyez comme il est important de renouveler notre manière de penser.

La contemplation serait-elle réservée aux religieux ?

Comme il est facile de transformer l’autre en une liste de défauts… Ne sommes-nous pas faits de creux et de bosses, vous et moi ?
Au tout début, lorsque je suis rentré dans la communauté, je trouvais que tous les frères étaient des saints. Je ne dirais pas qu’au bout d’un mois, je ne dirais pas qu’ils étaient tous comme des démons, mais j’y voyais peut-être plus clair…
Et justement, c’est là où cela devient intéressant. C’est que l’on ne s’en tient pas simplement à nos psychologies blessées, à nos creux et à nos bosses – qui font inévitablement partie de nos personnalités – mais, on va plus profond et on acquiert un regard contemplatif, qui va au delà des apparences, qui ne tient pas seulement compte du visible… un regard mu par la Foi.

Frères et sœurs, posons-nous la question : « quelle est la part contemplative dans nos existences », c’est à dire cette vie gratuite, de ce regard qui perçoit le beau, le bien et le vrai. Vous savez que dans l’Église, la vie contemplative, la vie monastique sont :

  • le signe d’une gratuité, du Royaume des cieux, par les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance
  • le signe fragile, car nos humanités de religieux sont fragiles, mais présent malgré tout
  • le signe d’un Dieu qui donne sans retour, sans attendre et dans un total désintéressement.

Pourquoi le sacrement de mariage est-il nécessaire ?

C’est pour cela que l’on a besoin d’un sacrement. C’est pour cela que vous demandez aujourd’hui, Pascal et Anne, d’être unis par le Seigneur, parce que vous voyez bien que la barre est haute, et qu’il est difficile de rentrer dans cette logique de don, tant les forces contraire sont présentes en nous, comme dans l’Évangile : ces ronces, ce peu de racines, c’est aussi en nous-mêmes.

Et j’aime à dire que le mariage est l’union de deux pauvres qui viennent auprès du Seigneur et qui quémandent cet amour ; non pas parce que vous êtes ici, devant cet autel, parce que vous êtes meilleurs que les autres, non pas que nous sommes le pré carré des justes, les autres étant des pécheurs, certainement pas ! nous croyons le contraire : en un Dieu qui est venu pour les pécheurs, et non pas pour les justes.

Nous croyons en un Dieu qui est venu donner gratuitement. Jésus nous dit :

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement »…

Et c’est bien cela le fruit de la miséricorde. Frères et sœurs, aujourd’hui et comme pour chaque sacrement - que ce soit celui de l’Eucharistie, du mariage, de la réconciliation – c’est le signe d’un amour de miséricorde. Chacun dans le couple est une miséricorde pour l’autre, une grâce, un don gratuit, un cadeau.

Il nous faut rouvrir le cœur. Nous savons bien comme notre cœur s’endurcit. La vie quotidienne, avec sa routine fait que l’on touche vite aux limites de l’humanité de l’autre et à nos propres limites. Et comme il est bon d’être aujourd’hui aux côtés de Pascal et d’Anne pour reprendre cette hauteur de vue que nous donne la Parole du Seigneur :

Frères et sœur, c’est la grâce que nous allons demander au Seigneur pour ce jour avec Anne et Pascal : nous la demandons pour eux, et avec eux nous la demandons pour nous-mêmes, pour l’Église, et pour le monde.

Puisse la Vierge Marie, Celle qui a cru en la Parole qui a été semée en Son sein, nous donner d’être confiants et d’avoir cette foi en un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière,

Amen !