Homélie de la solennité de Saint Pierre et Saint Paul

1er juillet 2014

Homélie de la Solennité de Saint Pierre et Saint Paul :

Écouter l’homélie :

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Pourquoi le pape habite-t-il à Rome ? Il pourrait loger à Paris, à Buenos Aires, à Jérusalem ou à Antioche ? Pourquoi cette ville là ? C’est bien parce que Rome est le lieu où Pierre et Paul sont morts martyrs.
Est-ce un pur hasard ? Non, Pierre et Paul y sont venus par des chemins différents mais c’est la Providence qui a conduit ces deux colonnes de l’Église naissante jusqu’au cœur de l’empire romain, à Rome pour y donner leur vie. Ils auraient eu beaucoup d’occasions pour mourir ailleurs mais Dieu - qui les a libérés de la captivité à diverses reprises (nous le voyons pour Pierre dans la première lecture) - ne l’a pas fait à Rome.
Et, de fait, c’est en ce lieu qu’ils ont donné leur vie pour Jésus.

Comment Paul et Pierre sont-ils venus à Rome ?

La destination naturelle pour un citoyen romain

Paul avait le désir d’y venir depuis longtemps, comme il l’écrit dans l’épître aux Romains - sans doute la plus importante de ses lettres. Il pensait y faire étape en allant vers l’Espagne qui à l’époque - on n’avait pas encore découvert l’Amérique - était considérée comme l’extrémité de la terre.

Pour lui, Rome est importante pour annoncer l’Évangile à tous les peuples, à toutes les nations, sans exception. C’est pour cela que Saint Paul n’a cessé de voyager pour annoncer le nom de Jésus.
Parce que l’Église est catholique - entendons « universelle » - Saint Paul sent la nécessité d’aller à Rome qui est en quelque sorte le centre du monde de l’époque.

Ainsi, en tant que citoyen romain, il avait fait appel à l’empereur pour y être jugé. Mais plus profondément, avant même d’y être conduit comme prisonnier, Paul a le désir de passer par Rome pour rendre la foi visible au monde entier car Jésus a offert sa vie pour tous les hommes ; il veut que tous les hommes, sans exception, soient sauvés.

Sous la conduite de l’Esprit-Saint

Pierre, lui, n’était pas citoyen romain et il est venu à Rome pour une raison un peu différente. Il aurait certainement préféré rester auprès de son lac pour la pêche, et sa base était Jérusalem et sa région. D’ailleurs, dans sa lettre aux Galates, Paul dit que Pierre a été envoyé vers les juifs et lui-même vers les païens.
En fait, cette affirmation prend une autre tournure par la suite, car il est ensuite conduit vers Rome par l’Esprit-Saint (Ac 10, 47).

Dans les Actes des Apôtres, nous voyons que peu à peu le bon Dieu ouvre le cœur et l’intelligence de Pierre aux païens. De façon providentielle, il est invité chez un centurion romain et il constate que l’Esprit Saint leur est donné à eux comme à lui. Pierre comprend alors que Dieu lui demande de les baptiser.
À partir de ce moment-là, Pierre va davantage se tourner vers les païens. Lors de ce que l’on appelle le Concile de Jérusalem, Pierre devient l’intercesseur pour l’Église des païens pour que la Loi ne leur soit pas imposée, car « Dieu a purifié leurs cœurs par la foi » (Ac 15, 9).

Dans la Lettre aux Galates, Paul dit que Dieu a donné à Pierre la force pour le ministère apostolique parmi les circoncis ; mais cette assignation n’était valable que lorsque Pierre restait avec les Douze à Jérusalem.
Devant les développements de l’Église chez les païens, Pierre laisse la présidence de l’Église chrétienne juive à Jacques le mineur, pour se consacrer à sa véritable mission : le ministère pour l’unité de l’unique Église de Dieu formée par des juifs et des païens. Il se consacre alors à tous les chrétiens et pas seulement à ceux qui étaient d’origine juive.
C’est ce qui va l’amener à Rome.

À ce moment là, des dissensions vont apparaître entre ceux qui venaient du paganisme et ceux qui venaient du monde juif. Et c’est à la faveur de cela que Pierre va donner sa vie pour Jésus, puisque l’empereur profitera de cela pour accuser les Chrétiens comme étant responsables des tensions et pour les persécuter.

Et c’est ce désir de porter l’Évangile jusqu’au bout du monde qui va pousser Paul jusqu’à Rome : Jésus ayant offert Sa vie pour tous, il ne faut que personne ne soit exclu du Salut par nos fautes.
Pierre, lui, est garant de cette unité de l’Église ; il est arrivé à Rome pour la préserver autour de la Foi, dont il est dépositaire, comme le dit l’Évangile de ce jour : il possède les clefs des Cieux, le pouvoir de lier et de délier… voici ce qu’est l’unité de l’Église.

Unité et catholicité

Dans le credo, nous disons que nous croyons en l’Église « une, sainte, catholique et apostolique ». Pierre vient à Rome en particulier pour travailler l’unité de l’Église formée de juifs et de païens. Pierre doit faire en sorte que l’Église ne s’identifie jamais avec une seule nation, avec une seule culture ou avec un seul État, qu’elle soit toujours l’Église de tous.
Paul vient à Rome plus particulièrement du fait de la catholicité de l’Église, de sa dimension d’universalité, du fait que Jésus veut sauver tous les hommes. Paul avait davantage la mission de faire grandir le corps qu’est l’Église ;
Pierre avait davantage la mission de préserver l’unité et l’identité de ce corps.

« La fête des saints patrons de Rome évoque la double aspiration typique de cette Église, vers l’unité et vers l’universalité. » (Benoît XVI 28 juin 2010)

« La solennité d’aujourd’hui (…) exprime l’unité et la catholicité de l’Église. » (Benoît XVI 29 juin 2009)

C’est pourquoi chaque année, à Rome et à l’occasion de cette fête, le pape remet aux nouveaux archevêques métropolitains le pallium, qui ressemble à une étole et qui se porte comme une brebis sur les épaules, et qui manifeste ce lien d’unité et de communion avec le Successeur de Pierre.

Fraternité dans l’Église

Cette solennité des apôtres Pierre et Paul, bien plus que la fête de deux saints en particuliers, est la fête de la fraternité dans l’Église. Vous savez que Pierre et Paul ont déjà leur fête « personnelle » si j’ose dire, qui marque un moment décisif de leur vie :

  • Le 22 février, pour la chaire de Saint Pierre,
  • Le 25 janvier, avec la conversion de Saint Paul.

Ainsi, ils ont une relation personnelle avec Jésus, honorée par ces fêtes. Et aujourd’hui, en les fêtant ensemble, la tradition chrétienne insiste sur le fait que Saint Pierre et Saint Paul sont inséparables.
Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas eu de frictions : on le voit dans la lettre aux Galates et dans les actes de Apôtres. Pierre et Paul étaient différents sous bien des points de vue : sensibilité, culture… Ils ont tous les deux une personnalité assez forte, et la fraternité est mise à l’épreuve dans ces cas-là. Mais, leur unité a toujours triomphé, notamment par leur amour de Jésus. Ils se sont tous deux donnés totalement en Jésus, et ce, de manière différente.
Comme le dit Benoît XVI, ils ont accepté de payer de leur personne leur fidélité au Christ, dans chaque situation.

Pierre et Paul, bien qu’humainement très différents l’un de l’autre, et malgré les conflits qui n’ont pas manqué dans leur rapport, ont réalisé une manière nouvelle d’être frères, vécue selon l’Évangile, une manière authentique rendue possible par la grâce de l’Évangile du Christ opérant en eux.
Chacun d’eux n’est qu’un serviteur d’une réalité plus grande. Pierre ne peut prétendre résumer à lui seul toute l’Église ; Paul non plus. D’ailleurs nos derniers papes nous montrent des hommes très différents mais le sont chacun à sa manière, selon sa grâce.
Ce n’est sans doute pas un hasard que cette fête des saints Pierre et Paul est choisie fréquemment pour l’ordination des prêtres : les évêques se donnent des collaborateurs très différents entre eux mais complémentaires.

En conclusion, cette fête est pour chacun de nous un appel à travailler à l’unité et à la catholicité de l’Église :

À la catholicité c’est-à-dire à l’universalité de l’Église : cela suppose de jamais perdre de vue que Jésus a offert Sa vie pour tous. Et nous sommes invités à rejoindre celles et ceux qui ne connaissent pas encore Jésus. Nous ne le ferions pas tous de la même manière car nous sommes différents, mais chacun de nous est invité à en porter le soucis.
Petit flash publicitaire : pour celles et ceux qui le désirent, vous trouverez des petits tracts jaunes à la sortie pour vous aider à évangéliser à l’occasion de la Fête des Fruits Rouges, qui se tient dimanche prochain à Noyon. Vous pourrez ainsi travailler à l’universalité de l’Église, dans le sens : porter Jésus à tous les hommes, particulièrement à ceux qui ne Le connaissent pas encore.

À l’unité : cela suppose d’accueillir avec docilité ce que le Saint Père peut nous indiquer, puisque le Seigneur l’a placé comme pivot d’unité pour Son Église. Cela suppose d’abord de prendre la peine de lire certains documents que le Saint Père nous donne (pas seulement de tendre l’oreille à ce qu’en disent les médias). Mais cela implique aussi de ne jamais réduire l’Église à notre manière de faire.

Dans cette fête, on réalise que Pierre ne peut pas résumer l’Église à lui-même ; il est trop petit pour cela. Paul non plus d’ailleurs. Dans l’Église, il y a place pour différentes manières de faire, dans la mesure où nous sommes tous centrés sur Jésus.
Demandons alors cette grâce, par Marie qui était bien là à la Pentecôte pour veiller sur l’Église et qui est toujours présente : demandons-Lui de nous aider à travailler à l’unité et à l’universalité de l’Église,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 12,1-11.
  • Psaume 34(33),2-3.4-5.6-7.8-9.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 4,6-8.17-18.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 16,13-19 :

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples :
— « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? »
Ils répondirent :
— « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »
Jésus leur dit :
— « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-Pierre déclara :
— « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »
Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara :
— « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »