Evangélisation de rue à Toulon pour Père Eric et Frère Charles de Jésus (archivé)

du 13 au 22 mai 2011

Pendant 10 jours, toutes les paroisses de Toulon ont été invitées à se mobiliser pour participer à la grande mission d’évangélisation « Écoute, Toulon ! ».
Le but était de proposer la foi à ceux qui ne viennent pas à l’église ; ce fut aussi une semaine « portes ouvertes » de l’Eglise catholique.
Appelés par le Père Jean-Noël DOL, curé de la paroisse du Mourillon à Toulon, frère Charles de Jésus et moi-même y avons passé une semaine du 13 au 20 mai 2011 dans le cadre d’une grande mission sur toute la ville.


Les circonstances qui favorisent les rencontres

Un point d’attention était de trouver des lieux ou des moments où les gens sont plus disponibles pour entrer en conversation. Pour les lieux qui étaient plus indiqués, il y avait les abords de la plage où, a priori, les gens ne sont pas particulièrement pressés, les terrains de boules (nous avons fait la découverte des règles de la provençale, bien différentes de celles de la pétanque).
Certains lieux de passage n’étaient pas très adéquats parce qu’on y courrait trop. Dans les lieux où les gens se sentaient trop observés, ils avaient plus de peine à s’arrêter (le regard des autres peut les empêcher d’entrer en contact avec nous).
Nous avons évité les lieux trop exigus où les gens pouvaient se sentir « coincés » ; nous voulions leur laisser la possibilité de nous esquiver. Nous avons également veillé à ne pas leur donner l’impression de les attendre de loin.
La discussion peut aussi se prolonger plus facilement si nous ne restons pas debout en plein soleil. Le contact était souvent plus facile lorsqu’il était possible de croiser leur regard (ce qui n’est pas toujours facile avec les lunettes de soleil !).

Après quelques tâtonnements, nous avons trouvé un lieu où nous faisions beaucoup de rencontres, une sorte de carrefour un peu ombragé où les gens pouvaient s’arrêter sans être incommodés par le soleil et suffisamment large pour ne pas donner l’impression d’être « coincés ». Parmi les moments plus favorables, il y avait par exemple la fin de l’après-midi où les gens promenaient leur chien.

Rencontre des grands adolescents

Le lieu où nous avons rencontré le plus facilement les grands adolescents est à proximité de la plage.
Sur ces pelouses, les gens avaient généralement une tenue plus décente que sur la plage elle-même. Ils se trouvaient principalement en groupes de 5 ou 6, garçons et filles mélangés, quelquefois un peu vautrés les uns sur les autres. On pouvait les trouver là principalement le mercredi mais aussi d’autres après-midi, lorsqu’ils n’avaient pas de cours.

L’approche était généralement assez facile du fait de notre habit religieux. Ils nous apercevaient de loin et réagissaient en chantant par exemple « chaussée aux moines »… Nous profitions de cette apostrophe pour nous approcher d’eux et entrer en conversation. Généralement, ils étaient tout-à-fait désireux de discuter et manifestaient une curiosité certaine.

Par exemple, un jeune musulman fidèle à ses cinq temps de prière quotidiens n’a pas hésité à nous inviter à parler avec lui alors que les autres membres de son groupe étaient moyennement enthousiastes de nous voir arriver. Il s’intéressait au nombre de temps de prière que nous prenions chaque jour. Assez vite la discussion s’est orientée sur le sens de la vie.

Peu à peu les autres membres de son groupe se sont ouverts et ont participé à la conversation. Lorsque frère Charles leur a dit qu’il était allé en boite de nuit le samedi précédent, deux filles ont manifesté un intérêt redoublé. Il se trouvait que l’une de ces filles était la fille du gérant de la boite de nuit où frère Charles s’était joint à Père Axel. En discutant davantage, il s’est avéré que les filles étaient elles aussi présentes dans cette discothèque des alentours de Toulon. Elles avaient bien vu un individu vêtu de noir et un autre vêtu de brun, mais elles ne l’avaient pas identifié comme quelqu’un de l’Eglise.
En tout cas, elles ont manifesté le désir d’avoir des chapelets phosphorescents (!!) lesquels avaient un succès certain auprès des jeunes. Frère Charles a pris un moment pour leur expliquer comment on se servait du chapelet. Les filles étaient si attentives que les autres membres du groupe en étaient étonnés : ils n’avaient jamais vu ces filles aussi attentives pendant les cours à l’école !!

Dans les réflexions de ces grands adolescents, nous avons retrouvé une certaine fraîcheur. Quand nous avons demandé à un garçon d’origine africaine s’il pouvait nous citer un moment où il avait vécu un grand bonheur, il nous a dit que c’était lorsque sa maman attendait un bébé. Dans ce groupe, ils aimaient faire des blagues bon enfant.

D’autres jeunes un peu plus âgés sont venus spontanément à notre rencontre comme un garçon qui venait à Toulon pour prendre de la distance par rapport à ses parents et étudier la philosophie. C’est encore le cas d’un cracheur de feu ou d’un ancien commissaire de Toulon.

D’autres rencontres ont été plus difficiles, par exemple avec certains jeunes musulmans dont la seule satisfaction semblait être de nous coincer : « Jésus est Dieu ou Fils de Dieu ? »…

Rencontre des adultes dans les rues

Dans les rues, nous avons davantage rencontré les adultes. Dès notre premier après-midi à Toulon, nous avons fait une première tentative d’évangélisation dans une galerie marchande. De fait, cette expérience a vite tourné court car le service de sécurité nous a fait comprendre, cordialement mais fermement, qu’il nous fallait quitter les lieux sans tarder !! Ce bref épisode nous a cependant aidé à aborder les personnes de façon plus directe plutôt que de « tourner autour du pot » en salutations. Il valait mieux annoncer la couleur d’entrée de jeu par une apostrophe du style : « vous connaissez Jésus ? » ou « savez-vous que Dieu vous aime ? » que d’entrer d’emblée dans des considérations de programme à proposer…

De prime abord, je ne me voyais pas entrer d’emblée dans le coeur du sujet en affirmant avec un grand sourire : « Dieu vous aime ! ».
Mais de fait, les adultes restaient rarement insensibles à cette « déclaration ». L’attention était alors de prolonger la conversation en étant attentif aux mots que pourrait nous souffler l’Esprit Saint. C’est souvent un mot, une expression, - dont nous ne mesurons pas la pertinence et que nous pouvons oublier très vite - qui ouvre le coeur et qui reste gravé dans le coeur de la personne. C’était déjà l’expérience du Père Lamy qui disait que l’ange lui soufflait un mot qui soudainement ouvrait un coeur. Ainsi le dernier après-midi où nous étions à Toulon, une dame a soudain été profondément émue de se sentir rejointe dans quelque chose qui était très important pour elle : la certitude de l’amour de Dieu qui l’avait aidée à tenir dans un moment particulièrement difficile de sa vie, alors qu’elle se sentait abandonnée de tous et que tout s’effondrait autour d’elle.

Dans un premier temps, les gens recevaient souvent la déclaration « Dieu vous aime » comme une évidence. C’était alors souvent l’occasion d’aller plus loin : ce n’est pas toujours facile de croire à l’amour de Dieu, … Les gens s’ouvraient alors quelquefois d’une grande souffrance.

Bien entendu, nous rencontrons bien des septiques ou des personnes très sûres d’elles-mêmes, tel ce monsieur qui nous demandait de résoudre théologiquement le fait qu’Adam et Eve n’avaient pas de nombril ! Beaucoup aussi, déterminés à ne pas nous rencontrer, regardaient droit devant eux en faisant mine ne ne pas nous avoir vus. Ou alors nous disaient : « cela ne m’intéresse pas ».

Il y a souvent des rebondissements inattendus dans les conversations, notamment lorsqu’on aborde la question de la prière. Il ne faut pas hésiter à aller un peu plus loin, sans pour autant forcer la porte. Il faut un mélange d’audace et de respect. Habituellement, les gens acceptaient volontiers que l’on prie pour eux. En revanche très peu acceptèrent de prier dans la rue.
Dans tout les cas, après chaque personne rencontrée, nous prenions le temps de dire un « je vous salue Marie » avant d’aborder quelqu’un d’autre. En plus de confier de façon très personnelle la personne qui venait de nous quitter, cela était l’occasion de nous mettre en présence de Dieu et de lui demander sa lumière et sa force pour rencontrer la personne suivante. Tant que nous n’avions pas prié, nous laissions passer les gens sans les accoster, sachant que l’important n’est pas tant le nombre de rencontres que la profondeur de ces rencontres.

Une grande variété et richesse chez les personnes rencontrées

L’un des avantages de cette évangélisation de rue est de rencontrer des personnes très différentes, au niveau de l’âge mais aussi au niveau de la condition sociale ou des convictions religieuses. Nous gardons bon souvenir de la rencontre de tel ou tel musulman d’une grande droiture mais aussi d’autres musulmans plus fermés. Nous avons aussi abordé, une fois n’est pas coutume, des témoins de Jéhovah mais aussi des catholiques traditionalistes. Les talents linguistiques de frère Charles nous ont permis d’aborder des marins espagnols, de jeunes femmes venues du Brésil et aussi des missionnaires venus des USA.

Un autre avantage est de retrouver une foule de non-pratiquants qui ne sont pas toujours loin de l’Eglise et d’essayer de comprendre ce qui avait pu les entraîner à prendre de la distance. Les gens disaient quelquefois les blessures qu’ils avaient eues vis-à-vis de Dieu (épreuve…) ou de l’Eglise (défaut ou scandale de tel ou tel prêtre, religieuse, catholique pratiquant). Pour toutes ces personnes il était précieux de pouvoir leur proposer quelque chose comme les cours alpha qui leur permettent de redécouvrir l’Eglise avec des yeux neufs et trouver un lieu fraternel. Dans toute cette démarche, il y a une grande dimension de gratuité : nous ne savons pas ce qu’il adviendra de la graine semée. Dans la mesure du possible, nous essayons de laisser un tract, une adresse, une indication, … afin qu’ils puissent reprendre contact avec l’Eglise.

Entrer dans une dynamique d’évangélisation

Au delà des rencontres faites, un grand bénéfice de cette évangélisation est de lancer diverses personnes dans cette aventure. Les catholiques ne sont généralement pas habitués à faire part de leurs convictions religieuses autour d’eux. C’est une question un peu taboue, qui est reléguée dans la vie privée et intime. A titre d’exemple, les « dîners de quartiers » de la mission « obligeaient » les gens à aller sonner à la porte de leurs voisins pour leur demander s’ils accepteraient de participer à un dîner où l’on aborderait les questions de foi. La démarche n’est pas évidente. Je pense à cette jeune femme qui, après bien des hésitations, est allée à la rencontre de ses voisins. Dans un premier temps, ils étaient heureusement surpris d’être invités. Quand elle précisait que c’était dans le cadre de la mission, beaucoup ont commencé à réfléchir tant et si bien qu’il n’y eut que des catholiques convaincus au dîner. Mais un pas essentiel était posé : s’afficher comme catholique devant ses voisins.

En outre l’évangélisation incite à se former davantage et à apprendre à dire notre foi avec des mots compréhensibles pour nos auditeurs.
L’évangélisation est une invitation à avoir des idées plus claires sur le contenu essentiel de notre foi. L’affirmation « Dieu vous aime » avait déjà besoin d’être explicitée : nous sommes en effet aimés au delà de nos échecs, de nos limites, de nos faiblesses. Après l’interpellation « Dieu vous aime », nous pouvons compléter par deux autres affirmations qui sont caractéristiques des chrétiens : a) Dieu pardonne : Les diverses rencontres montrent que bien souvent, ce qui a marqué un avant et un après dans la vie des gens est le fait qu’il y a eu une brisure dans la relation avec tel ou tel proche. b) Christ est ressuscité : Une deuxième angoisse des gens concerne la mort. Là aussi, notre foi nous donne une grande espérance. Dans l’impossible, Dieu ouvre une issue.