Homélie de l’Ascension du Seigneur

3 juin 2019

Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Les apôtres se sont-ils réjouis de l’Ascension ? À mon avis, non. Comme nous le dit saint Luc dans les Actes des Apôtres, ils restaient là à regarder vers le Ciel. Ils ne devaient pas trop comprendre ce qui arrivait et ils auraient bien aimé que Jésus revienne aussitôt.
Ils avaient l’habitude de vivre avec lui, de le voir au milieu d’eux, de L’écouter, de Le toucher, de partager Ses repas, bref d’avoir une relation humaine, normale avec Lui.
Dans l’évangile de saint Jean, Jésus leur avait bien dit :

« Il est bon pour vous que je parte. »

Mais je ne suis pas du tout sûr qu’ils étaient d’accord.

Avant de s’élever vers le Ciel, Jésus a pris soin – comme le dit la première lecture – de leur donner « bien des preuves » de sa résurrection. A partir du moment où la foi des disciples en la résurrection est suffisamment affermie, Jésus disparaît pour toujours à leurs yeux. Ils doivent passer d’une perception sensible de la présence de Jésus à la foi en sa présence invisible.

Même si les apôtres ne le voient pas immédiatement ainsi, l’Ascension est une vraie bonne nouvelle pour au moins 3 raisons :

  • la première, c’est qu’en étant assis auprès de son Père, Jésus va envoyer l’Esprit Saint et intercéder avec puissance ;
  • la seconde, c’est qu’Il est notre précurseur au Ciel où nous sommes appelés à le rejoindre ;
  • la troisième, c’est qu’Il nous fait vraiment confiance pour continuer sa mission sur la terre.

Le Christ nous soutient dans la vie présente par sa grâce

Vous reconnaissez là un premier aspect de l’espérance. Dans l’acte d’espérance, nous disons :

« Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous tenez toujours vos promesses. »

Le premier aspect de l’espérance, c’est la grâce qu’Il nous accorde en ce monde ; le deuxième, c’est le bonheur éternel dans l’autre.

Dans le langage biblique, s’asseoir à la droite de Dieu signifie participer avec Lui à Son pouvoir royal et à Sa dignité divine. Le Christ participe à la puissance et à l’autorité de Dieu Lui-même. Il nous envoie le Saint Esprit comme Il l’avait promis :

« Il est bon pour vous que je m’en aille. Si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas à vous. Si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai. » (Jn 16, 7)

Comme il est dit dans la lettre aux Hébreux :

« Il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. »

Contrairement à la première impression qu’ils peuvent en avoir, Jésus ne les a pas abandonnés ; Il ne s’est pas échappé du monde ; Il y est plus que jamais présent :

« Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28)

Un auteur russe du 19e siècle écrivait dans son testament spirituel :

« Regardez le plus souvent possible les étoiles.
Lorsque votre âme souffrira, regardez les étoiles ou le bleu du ciel.
Quand vous vous sentirez tristes, quand on vous offensera… entretenez-vous… avec le Ciel.
Alors votre âme s’apaisera »
(N. Valentini - L. Žák [a cura], Pavel A. Florenskij. Non dimenticatemi. Le lettere dal gulag del grande matematico, filosofo e sacerdote russo, Milano 2000, p. 418)

Le Christ nous ouvre le Ciel

Vous reconnaissez ici le deuxième aspect de l’espérance qui nous fait espérer le bonheur éternel dans le Ciel. Au passage, ce n’est pas fortuit que le fruit du deuxième mystère glorieux du Rosaire ce soit justement l’Espérance.

C’est ce que dit la lettre aux Hébreux :

« C’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire. »

Jésus aurait pu disparaître tout simplement au regard de ses apôtres ; mais Il a choisi de monter au Ciel devant leurs yeux. L’Ascension rend comme visible le mystère de la glorification du Christ : l’Ascension, c’est le passage de la terre au ciel, du monde des hommes au monde de Dieu.

Par l’ascension, notre nature humaine est comme divinisée. C’est ce que nous disons au cours de la prière eucharistique :

« Notre Seigneur, ton Fils unique, ayant pris notre nature avec sa faiblesse, la fit entrer dans ta gloire. »

Si le Christ est monté de la terre au ciel, ce n’est pas pour nous quitter, mais pour nous inviter à le suivre là où il est. Dans son ascension, Jésus nous emmène avec lui.

C’est aussi ce qu’exprime la prière d’ouverture :

« Dieu qui élève le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance. »

Par son ascension, Jésus nous rappelle que notre demeure définitive est au Ciel. Cette fête est l’occasion de nous poser la question :
« Où est ma vraie patrie ?
Quel est le but ultime de ma vie ? Où est-ce que j’investis toutes mes énergies ?
Qu’est-ce qui me préoccupe le plus dans ma vie : des problèmes d’ordre matériel ou la vie éternelle ? Est-ce que je vis dans ce monde comme si je n’y étais pas ou est-ce que je m’y installe pas de trop ?
Est-ce que je recherche les réalités d’en haut ou mon énergie ne s’épuise-t-elle pas à la recherche des réalités d’en-bas : manger,… ?
Mon travail est-il orienté vers le Royaume ? »

Le Christ nous envoie continuer sa mission

« L’humanité de Jésus, Jésus de Nazareth, qui ouvre la porte pour tout homme au salut qu’il est venu accomplir est aussi pour chacun et chacune d’entre nous une limitation dans le temps et dans l’espace. Jésus ne peut pas être simultanément à Jérusalem et en Galilée. Il ne peut pas être présent simultanément sous l’occupation romaine et au Moyen-Âge ou même aujourd’hui.
S’il s’agit de toucher tous les hommes de toute la terre, il faut d’une certaine façon échapper à cette localisation dans le temps et dans l’espace. La seule possibilité d’y échapper, pour Jésus, c’est de sortir de la situation humaine dans laquelle il est entré.
Son départ, le vide qu’il creuse au milieu de ses disciples sont l’espace d’ouverture pour que toutes les nations soient atteintes par l’Evangile. »
(Card. André Vingt-Trois, 29 mai 2017)

Le Christ nous prend vraiment au sérieux. C’est ce qu’Il dit à ses apôtres juste avant de monter au Ciel :

« Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Ou encore, dans l’évangile de ce jour, Jésus les a investis de la mission de proclamer la conversion

« En son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. »

L’Ascension est un moment décisif, c’est la charnière entre l’Évangile et les actes des apôtres, entre le temps où le Christ gagne notre salut et le temps où les hommes sont appelés à l’accueillir, entre le temps où les apôtres ont appris à connaître Jésus et le temps où ils vont en témoigner.
Jésus s’efface le jour de l’Ascension pour rendre possible la vie et le témoignage de l’Église. C’est l’ouverture du temps de l’Église qui est « Jésus-Christ répandu et communiqué à travers les siècles » (Bossuet).

Conclusion

Qu’est-ce que les apôtres ont fait les jours qui ont suivi l’Ascension ? Sont-ils partis évangéliser ?
Non. Ils ont fait ce que Jésus leur avait demandé :

« Il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. »

Jésus intercède pour nous ; Jésus nous ouvre le Ciel ; Jésus nous envoie évangéliser.
Cependant pour que ces bénéfices de l’Ascension de Jésus ne restent pas au niveau des idées mais transforment profondément notre vie, nous avons besoin de l’Esprit Saint.
Cet Esprit Saint nous est donné non pas d’abord pour notre confort personnel mais pour être témoin de Jésus :

« Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Pour vous préparer à accueillir et à être renouvelés par l’Esprit Saint, je vous invite donc à donner une place particulière à la prière avec Marie qui était au Cénacle avec les apôtres.
Un deuxième ingrédient concerne la charité fraternelle : là où il y a la division et la jalousie, l’Esprit Saint a du mal à faire sa demeure.
Un troisième ingrédient de la préparation à la Pentecôte consiste à lutter contre notre esprit propre qui nous empêcherait d’accueillir vraiment l’Esprit Saint.

Bénédiction solennelle car, en ce jour, comme les apôtres, le Christ nous bénit du haut du Ciel,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,1-11.
  • Psaume 47(46),2-3.6-7.8-9.
  • Livre aux Hébreux 9,24-28.10,19-23.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 24,46-53 :

En ce temps-là, Jésus ressuscité, apparaissant à ses disciples, leur dit :
« Il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
À vous d’en être les témoins.
Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis.
Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »

Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie.
Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.