Texte de l’homélie
Alors vous, en ce dimanche, frères et sœurs, nous célébrons, nous célébrons donc la dédicace de la basilique du Latran, ce n’est pas tous les dimanches, ce n’est pas tous les ans que nous fêtons cette basilique un dimanche.
C’est étonnant qu’elle prenne la place de la célébration de la résurrection. Alors, en quoi la dédicace, vous voyez, on peut se poser la question, en quoi est-elle si importante pour nous ?
Alors juste un petit mot pour vous aider à comprendre. Vous voyez, spontanément peut-être quand on parle de dédicace, surtout les jeunes, on pense à ces mots sympathiques, vous savez, qu’un auteur met sur un livre et qu’il offre à ses fans. Une dédicace sympathique là. En fait, ça n’a rien à voir, la dédicace signifie ici « consécration ». Nous fêtons en fait la consécration d’une église. C’est un peu comme le baptême, un baptême, le baptême d’un lieu de culte.
Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’assister à la consécration d’une église. Moi, ça m’est arrivé de voir ça deux fois dans des monastères. C’est très beau. Un des moments très importants de la liturgie, c’est lorsque l’évêque oint l’autel avec le Saint-Chrême, il imbibe vraiment l’autel du Saint-Chrême, si c’est bien fait, marquant des croix sur l’autel, y mettant des reliques des martyrs, et à la fin ce qui est très beau, il met le feu et ça flambe !
C’est magnifique, un autel flambant, le feu du Saint-Esprit. Alors, il faut éviter, pour ne pas avoir de mauvaises surprises, de le faire sur un autel en bois, évidemment, comme ici, sinon ça risque de vraiment flamber…
Aujourd’hui, c’est donc cette fête d’une église particulière qui est celle du Latran de Rome. Alors il est bon de se rappeler que la cathédrale du pape, ce n’est pas Saint-Pierre, même si Saint-Pierre est beaucoup plus connu. On le voit souvent à Saint-Pierre quasiment tous les jours. La cathédrale du pape, c’est la Basilique du Latran. Pour ceux qui connaissent, c’est une très belle basilique qui a été plusieurs fois détruite et reconstruite.
Pourquoi célébrer la dédicace de cette cathédrale en particulier ? C’est tout simplement parce qu’elle est considérée par toute l’Église comme la mère de l’Église universelle, à la fois en ancienneté - la première dans le temps - mais aussi en dignité.
Alors juste un rappel historique : c’est l’empereur Constantin, après sa conversion qui contribua largement à sa construction. Et c’est un 9 novembre de la date du 9 novembre 324 qu’elle fut consacrée par le pape Sylvestre Ier. Certes, c’est un peu loin pour nous, mais c’est intéressant de bien situer cette fête. Et il faut savoir que depuis cette date, tous les papes jusqu’en 1300 s’y sont succédé, y résidaient. La basilique Saint-Pierre a été construite par la suite. Cela explique la magnifique fête de ce jour !
Alors, on peut se demander en quoi ça peut nourrir aujourd’hui notre foi ? C’est beau de contempler un magnifique bâtiment qui nous est donné à Rome, mais en quoi ça peut nous toucher ici, en étant à l’Abbaye d’Ourscamp ? Bien sûr, nous pouvons déjà nous émerveiller aussi par la beauté de notre abbatiale. Mais je pense que dans la première lecture, il y a des choses à déjà trouver pour comprendre ce que c’est l’Église pour nous. Vous voyez, il y a beaucoup de choses à comprendre sur le mot Église.
Alors, vous avez entendu Ézéchiel qui parle d’une source, une source qui jaillit du temple et qui progressivement se transforme en un immense torrent, assainissant tout sur son passage et faisant germer la vie tout autour par de bons fruits nourrissants et guérissants. C’est une très belle image de l’Église.
Alors pour nous les Chrétiens, cette vision d’Ézéchiel, nous pouvons y voir bien sûr l’image - entre autres et surtout - du Cœur transpercé du Christ, d’où a jailli l’eau et le sang et toute la vie sacramentelle dont nous en bénéficions à travers les siècles. Une eau débordante, vie de Dieu donnée sans cesse, qui vient laver de nos péchés, nous nourrir et nous sanctifier.
Alors, pour tous ceux qui ont pu aller voir le documentaire sur le Sacré-Cœur, vous savez combien il en a été question dans les médias et aussi combien on peut s’inspirer de cette vision d’Ézéchiel, s’émerveiller en fait de ce Cœur source de vie qui continue à féconder le monde entier par l’Église.
Dans la deuxième lecture, Saint Paul évoque davantage une autre façon de voir la réalité de l’Église comme une Maison de Dieu. Bien sûr, on parle aujourd’hui aussi de toute notre création qui est - rappelez-vous avec l’écologie - une maison de Dieu qu’il faut respecter.
Mais là, on insiste davantage sur l’Église entre autres bâtiment, entre autres comme ici. Donc évidemment, la Parole de Dieu à travers Saint Paul insiste sur le fait que nous avons à embellir, à respecter ces lieux. Ce n’est pas toujours gagné dans notre monde d’aujourd’hui. On n’entre pas dans une église n’importe comment, c’est la Maison de Dieu.
Et donc, toutes nos différentes églises - en tant que bâtiment - sont ces lieux où Dieu réside. Nous pouvons Le rencontrer pour un cœur à cœur à travers Jésus dans le tabernacle, entre autres. Mais ça signifie bien plus. Chaque église va signifier bien sûr, dans chaque village, que Jésus et que Dieu est au centre du village, au centre d’un peuple ; et que c’est une maison ouverte normalement à tous, à tous sans exception, mais aussi pour nous les croyants, et ce que nous faisons chaque dimanche, pour célébrer ensemble.
Parce qu’on ne peut pas aller au ciel et demeurer dans la Maison de Dieu tout seul. On le vit ensemble en chantant la sainte liturgie du ciel le mieux possible. C’est en chantant, en glorifiant Dieu. Et en vivant, bien sûr, l’esprit des béatitudes et de l’Évangile que Dieu nous transmet. Donc une autre façon de contempler l’Église aujourd’hui à travers la Basilique du Latran.
Concernant l’Évangile, il y aurait beaucoup de choses à dire même si c’est un thème que l’on prend souvent. Ce texte d’Évangile est souvent pris pendant le Carême par rapport à la colère de Jésus. Mais je pense qu’il y a un troisième sens à découvrir, c’est Jésus qui Se manifeste mort et ressuscité, qui devient dans ce passage bien Dieu au milieu de Son peuple et qui devient le véritable sanctuaire. Vous voyez, bien plus que nos églises en pierre, nous avons à découvrir, découvrir que Jésus est le véritable et l’unique Temple indestructible.
La Basilique du Latran a été détruite par des tremblements de terre, par des envahisseurs et par des guerres. Mais ce temple-là est indestructible, il est éternel, et c’est bon de se rappeler, frères et sœurs. Et donc, il nous rappelle que nous aussi nous pouvons, en tant que baptisés, suivre Jésus mort et ressuscité, et c’est la condition à travers laquelle Dieu nous invite à demeurer avec Lui.
Il faut passer par la mort et la résurrection. Il y a une mort, il y a une destruction qui permet de renaître. Ce n’est pas évident de l’entendre, mais c’est quelque chose que nous pouvons vivre chaque jour : mourir avec Jésus pour renaître. Et en ce sens, par notre existence, par notre propre corps, nous devenons des temples vivants - on vient de le chanter - qui sont appelés à transmettre le bon parfum du Christ. Et les Saints nous le rappellent : tous ceux que nous avons célébrés le 1er novembre nous le rappellent, et ils sont nombreux !
Alors, je le rappelle, l’Église n’est bien sûr pas seulement un édifice de pierre, mais vraiment le Corps vivant du Christ, le Christ qui en est la tête et nous sommes les membres vivants de Celui-ci, que ce soit dès la conception d’un enfant, d’où le respect d’un enfant dès la conception jusqu’à travers sa mort et jusque dans l’éternité. C’est éternel, c’est magnifique, le mal ne peut pas l’atteindre !
Je voudrais juste vous dire un petit mot sur Jésus qui peut toujours nous surprendre : on n’ pas forcément envie de le voir casser et renverser des choses, Il n’est pas très gentil là, voyez-vous… Mais, en fait, en chassant les marchands, Jésus va nous aider à la fois à regarder les choses impérissables, les choses qui se voient pas, qui ne se voient qu’avec les yeux de la Foi, celles des réalités ultra-réelles, que nous voyons qu’avec le regard de la Foi, bien au-delà bien sûr des beautés matérielles, des choses d’en bas, d’ici-bas, que nous avons aussi à respecter et à admirer, mais ne pas y rester collés, aller plus loin pour rencontrer ce temple saint où Dieu habite avec nous et dont nous pouvons déjà faire l’expérience dans la Foi. Et ne pas rester collés à toutes ces choses qui sont appelées à être détruites.
Ce monastère, un jour, disparaîtra. Enfin, c’est comme ça, mais le corps du Christ, non.
Et puis, deuxième chose, voyez, quand Jésus parle du fait de marchander avec Dieu, il y aurait beaucoup de choses à dire, au-delà des questions de bougies ou de commerce, d’argent, bien sûr, je pense que Jésus ici nous rappelle quelque chose de beaucoup plus important. Il voudrait nous rappeler que nous avons à apprendre à moins marchander dans la prière. Nous marchandons tous, moi aussi, c’est comme ça parce qu’on est humain. Mais apprendre, voyez, à moins marchander et à rentrer dans une forme de gratuité. C’est ce que Jésus nous invite à vivre dans ce temple saint. Laissons Dieu être davantage Dieu dans ma vie, descendre un peu plus de mes égoïsmes - enfin, ils sont toujours un peu là pour nous talonner, mais on peut y travailler. Et je me suis dit, tiens, il y a une belle prière que j’aime beaucoup, très forte en ce sens, c’est la prière d’abandon de Charles de Foucauld. Reprenez cette magnifique prière totalement gratuite, un peu folle mais très belle, qui pourrait peut-être nous aider à entrer un peu plus dans une relation de avec Jésus, plus gratuite, voyez, apprendre à louer Dieu dans sa bonté avant de demander quelque chose.
Louer Dieu dans sa bonté, même si nos demandes les plus légitimes - la guérison de quelqu’un, la conversion de quelqu’un, enfin tout ce que vous voulez. Continuons à louer Dieu même si nous ne sommes pas immédiatement exaucés. Ce n’est pas évident, frères et sœurs. Nous préférons marchander et ne pas rester dans la gratuité et croire que Dieu, même s’Il répond pas tout de suite par notre demande matérielle, enfin sur le plan humain sensible, Dieu donne quelque chose déjà de plus grand, si nous avons un vrai regard de Foi et de confiance en Lui, une grâce que nous pouvons demander et demander à nous encourager mutuellement dans cette perspective.
Je termine donc tout simplement, dire merci à Jésus à travers cette fête : nous pouvons Lui dire merci pour la beauté éternelle de Son Église, malgré, comme je l’avais dit dans au début, malgré toutes ces choses qui ne vont pas, toutes ces défigurations, toutes ces crises, mais la beauté éternelle du Christ à travers Son Église reste intacte dans la Foi, et que nous puissions croire que nous pouvons en être des témoins, des plus petits aux plus anciens, faisant partie de son corps.
Et puis, laissons toujours Jésus enlever tout ce qui nous encombre, c’est important. Il y a tellement de choses qui nous encombrent, il ne faut pas avoir peur de le Lui donner, même nos petits marchandages, c’est bon de les lui donner et demander à Jésus d’être davantage des temples saints du Dieu vivant,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Ézéchiel 47,1-2.8-9.12.
- Psaume 46(45),2-3.5-6.8-9a.10a.
- Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 3,9c-11.16-17.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 2,13-22 :
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes :
« Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : ‘L’amour de ta maison fera mon tourment.’
Des Juifs l’interpellèrent :
— « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit :
— « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent :
— « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.