Homélie de la solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu (1er janvier)

2 janvier 2019

En ce temps-là, les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.
Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.
Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Pendant toute une semaine, les regards étaient tournés vers l’enfant de la crèche.
Aujourd’hui, pour conclure cette semaine festive, les projecteurs se braquent davantage vers Marie.
En effet, Jésus n’est pas tombé directement du Ciel ; Il a voulu passer par Marie. En même temps cette fête nous aide à mieux comprendre qui est Jésus.

Jusque là, nous regardions le fruit ; aujourd’hui, nous regardons l’arbre d’où vient ce fruit excellent. Le fruit étant excellent, nous pouvons imaginer que l’arbre d’où il vient est excellent lui-aussi !
Et de fait, cet arbre peut porter aussi d’autres fruits excellents : en effet Marie est aussi Mère des hommes ; Elle nous forme à l’image de Jésus. Elle veut faire de nous des humanités de surcroît de Jésus, selon l’expression de sainte Élisabeth de la Trinité.

Pendant cette homélie, je voudrais donc faire deux choses : d’abord m’émerveiller devant Marie comme Mère de Dieu. Puis voir comment Marie est Mère des hommes.
Finalement cela correspond approximativement aux deux parties du « Je vous salue Marie » : nous commençons par nous émerveiller devant la grandeur de Marie puis nous lui demandons de prier pour nous.
C’est aussi ce qui apparaît dans la prière d’ouverture de cette messe :

« Dieu tout-puissant, … accorde-nous de sentir qu’intervient en notre faveur celle qui nous permit d’accueillir l’auteur de la vie, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. »

Marie Mère de Dieu

Nous sommes tellement habitués à invoquer Marie comme Mère de Dieu que bien souvent nous ne mesurons plus à quel point il s’agit d’une grâce immense.
Dès le 2e siècle, le peuple chrétien aimait invoquer Marie comme « Mère de Dieu », « Theotokos » en grec. La plus ancienne prière mariale connue, souvent désignée par son nom latin Sub tuum praesidium, l’appelle déjà ainsi : Sancta Dei Genitrix. Une copie du 3e siècle a été découverte en 1917, en Égypte.
Mais ce n’était pas si évident pour certains théologiens comme Nestorius. Nestorius aimait beaucoup Marie mais il ne voulait pas en rajouter (cela fait penser un peu aux réticences de saint Bernard et saint Thomas d’Aquin à l’égard de l’Immaculée Conception).
Grosso modo, son raisonnement était le suivant : « Marie est une créature ; Elle n’a pas donné à Jésus sa divinité ; donc il ne faut pas l’appeler Mère de Dieu. »
Mais les évêques réunis à Éphèse en 431 ont répondu en substance : « oui, il est vrai que Marie est une créature et qu’Elle n’a pas donné à Jésus sa divinité. »
Cependant Jésus n’a pas pris notre humanité comme on prend un déguisement. Si c’était cela, Jésus aurait pris une apparence humaine pour qu’on Le reconnaisse comme homme. Cette humanité Lui serait restée comme étrangère. Comme pour un déguisement, Il aurait pu le remettre au vestiaire une fois Sa mission sur terre accomplie.
En réalité, lorsque le Fils de Dieu se fait homme, c’est pour toujours. C’est irréversible. Les dons de Dieu sont sans repentance.

Jésus n’est pas seulement semblable aux hommes ; Jésus est vraiment homme.
Il est Dieu fait homme ; vrai Dieu et vrai homme. Il n’y a qu’une personne en lui : Il est le Fils de Dieu qui a assumé notre nature humaine. De ce fait, aussi extraordinaire que cela paraisse, Marie est Mère de ce Fils de Dieu. C’est ce qu’on proclamé les évêques réunis au Concile d’Éphèse.

Ce 1er janvier est le jour par excellence où nous sommes invités à nous émerveiller de la grandeur de Marie. Être Mère de Dieu est une grâce inouïe, absolument unique.
Chacun sait aussi qu’il y a toujours un lien très particulier entre un enfant et sa mère ! Et c’est vrai aussi de Jésus et de Marie !
Si vous me permettez l’expression : Marie n’est pas une mère porteuse ; c’est la vraie Mère de Jésus. Elle ne se contente pas de “prêter” Son corps pour cette maternité. Cette maternité l’engage beaucoup plus profondément.
Ce titre de Théotokos nous dit aussi quelque chose de l’humilité de Dieu : Dieu accepte de naître d’une créature humaine. Et en même temps, cela nous dit quelque chose de la considération que Dieu a pour Marie. Quelle confiance Dieu a-t-il en Marie pour lui confier une telle mission.

Cette solennité de Marie Mère de Dieu est la plus grande fête en l’honneur de Marie. Elle est le fondement de toutes les autres : si Marie est immaculée dans Sa conception, c’est bien en vue de Sa mission de Mère de Dieu ; si on fête l’Assomption de Marie, c’est bien parce que Dieu ne pouvait pas se faire une raison de laisser se dégrader ce corps qui l’avait porté.
Mais cette mission de Marie ne doit pas nous rendre jaloux : quelle chance Elle a eue ! Dieu agit en nous d’une manière similaire à ce qu’Il a fait pour Marie : Lorsque Dieu nous donne une mission, Dieu ne nous prend pas comme des instruments purement passifs, inanimés. Il fait appel à notre coopération.
Et c’est ce qui fait que l’œuvre réalisée sera à la fois celle de Dieu et la nôtre. On y verra à la fois la main de Dieu et la nôtre. On le voit bien avec les écrivains sacrés. Saint Jean n’écrit pas de la même façon que Saint Luc ou Saint Matthieu. Chacun le fait avec sa grâce propre, avec ses talents, son intelligence, son tempérament, le vocabulaire dont il dispose, … Il n’empêche que c’est toujours la Parole de Dieu mais la Parole de Dieu individualisée, personnalisée, si l’on peut dire.
En un sens, on pourrait dire que Marie est l’écrivain le plus sacré. Elle a donné chair à la Parole avec ce qu’elle était. La grâce que Dieu nous donne appelle toujours notre coopération.

Si Marie a été conçue immaculée, c’est ce que Dieu désire faire avec nous, - pas au moment de notre conception bien sûr ; c’est trop tard – mais au terme de notre existence.
Si Marie a été appelée dans la gloire de Dieu, c’est aussi ce que Dieu veut faire pour nous : nous ne vivrons pas une assomption comme Marie. Notre corps se dégradera probablement dans la terre. Mais nous sommes appelés à avoir part à la gloire de Dieu.

Nous lisons dans l’évangile :

« Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. »

Que ce soit aussi notre attitude par rapport à toutes les grâces que le Seigneur nous accorde. Sans cette méditation, ces grâces ne peuvent pas porter tous leurs fruits.

Marie Mère des hommes

Mais il y a une autre raison de ne pas être jaloux de Marie, c’est que la grâce immense de sa maternité divine rejaillit sur nous. Lorsque Dieu donne une mission à quelqu’un, ce n’est jamais contre les autres ; c’est pour les autres. D’abord – bien sûr – Marie nous donne Jésus notre sauveur et notre rédempteur. Marie exauce aussi nos prières. C’est pourquoi dès les premières générations chrétiennes, les fidèles ont bien compris que cela valait la peine de passer par Marie pour demander des choses à Dieu. Ce n’est pas de la théorie ; c’est de la pratique. Ils ont vu que cela « marchait » ! Marie peut tout demander à Dieu du fait qu’elle est sa Mère. D’où cette prière très ancienne du Sub tuum :

« Sainte Mère de Dieu, ne méprisez pas les prières que nous vous adressons dans tous nos besoins, mais délivrez-nous de tout danger, Ô Vierge glorieuse et bénie. »

Dans la Divine Comédie, voici ce que Dante écrit :

« Ô Reine ! tu es si grande et si puissante, que souhaiter une grâce et ne pas s’adresser à toi, c’est avoir un désir et lui couper les ailes. »

Dieu a confié à Marie une mission pour œuvrer à notre salut. Saint Anselme (office des lectures du 8 décembre) a une belle prière où il met bien en valeur le rôle de Marie pour nous tous :

« Toute la création est l’œuvre de Dieu, et Dieu est né de Marie !
Dieu a tout créé, et Marie a enfanté Dieu ! Dieu qui a tout formé, s’est formé lui-même du sein de Marie, et ainsi il a refait tout ce qu’il avait fait.
Lui qui a pu tout faire de rien, n’a pas voulu refaire sans Marie sa création détruite.
Dieu est donc le Père de toutes les choses créées, et Marie la mère de toutes les choses recréées. Dieu est le Père de la création universelle, et Marie la mère de la rédemption universelle.
Car Dieu a engendré celui par qui tout a été fait, et Marie a enfanté celui par qui tout a été sauvé. Dieu a engendré celui sans qui absolument rien n’existe, et Marie a enfanté celui sans qui absolument rien n’est bon.
Oui, le Seigneur est vraiment avec toi : il t’a fait un don tel que la nature entière t’est grandement redevable, à toi, en même temps qu’à lui. »

Marie n’est pas seulement un modèle à imiter pour mieux vivre de la vie de Dieu. Aujourd’hui, quand vous ne savez pas faire quelque chose, le réflexe est de chercher un tutoriel sur internet de manière à vous aider. C’est très bien, sauf qu’avec une telle méthode on reste bien seul avec ses seules forces. Marie n’est pas un modèle qu’on regarde de l’extérieur pour l’imiter. Marie, c’est une personne avec qui on entre en relation et qui peut agir puissamment dans notre vie. Ce n’est pas pour rien qu’avant de mourir Jésus a voulu nous donner sa Mère :

Voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère :
— ’Femme, voici ton fils.’
Puis il dit au disciple :
— ’Voici ta mère.’
Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » Jn 19, 26-27)

Dans la mesure où on laisse Marie accomplir en nous son rôle de Mère, elle agit pour former en nous les sentiments qui furent dans le Christ Jésus. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort parle de moule. Marie est comme la porte par laquelle Dieu entre dans notre humanité. Elle est aussi comme la porte par laquelle nous pouvons entrer dans le mystère de Dieu.

Conclusion :

Pour commencer cette nouvelle année, la liturgie nous propose l’ancienne prière de bénédiction que Dieu avait suggérée à Moïse pour qu’il l’enseigne à Aaron et à ses fils :

« Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6, 24-25)

Ce n’est sans doute pas une coïncidence fortuite qui fait que nous célébrons Marie en ce premier jour de l’année civile. En effet, dans la Parole de Dieu nous voyons que Marie attire la bénédiction de Dieu. On le voit à la Pentecôte où elle attire l’Esprit Saint sur les disciples réunis en prière. On le voit aussi dans le récit de la Visitation. En écrivant ce récit, saint Luc se réfère à l’Arche d’Alliance qui était cause de bénédiction pour la maison d’Obed-Edom. Alors, en ce premier jour de l’année, selon les mots de Benoît XVI :

« Demandons à la Très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, de nous bénir, comme une maman bénissant ses enfants qui doivent partir en voyage. La nouvelle année c’est comme un voyage : qu’avec la lumière et la grâce de Dieu, celle-ci puisse être un chemin de paix pour chaque homme et chaque famille, pour chaque pays et pour le monde entier. » (Benoît XVI, 1er janvier 2013)

Amen !

Invocation à Marie (Dante, Divine Comédie, Paradis) Vierge-Mère, fille de ton Fils, femme modeste, mais élevée plus qu’aucune créature, terme sacré de la volonté éternelle, tu as tellement ennobli la nature humaine, que Dieu n’a pas dédaigné de devenir son propre ouvrage. Dans ton sein a été rallumé cet amour dont les rayons ont donné la vie à cette Fleur étincelante. Soleil dans son midi, tu nous embrases d’une ardente charité, tu es la source d’une vive espérance. Ô Reine ! tu es si grande et si puissante, que souhaiter une grâce et ne pas s’adresser à toi, c’est avoir un désir et lui couper les ailes. Ta bonté n’exauce pas seulement celui qui t’invoque, souvent elle prévient les désirs. Tu es un prodige de miséricorde, de tendresse et de magnificence ; en toi se réunissent les vertus de toutes les créatures.

Références des lectures du jour :

  • Livre des Nombres 6,22-27.
  • Psaume 67(66),2b.3.5abd.7.8b.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 4,4-7.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 2,16-21 :

En ce temps-là, les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.
Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.
Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.

Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.

Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.