Homélie de la solennité de la Nativité du Seigneur (messe du jour)

25 janvier 2013

Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.

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Texte de l’homélie :

« Le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous. »

Chers frères et sœurs,

Permettez-moi de commencer cette homélie par une petite anecdote : il y a quelques jours, avec les frères, nous tenions un stand sur le marché de Noël de Noyon. Nous présentions notamment quelques chèches. Bizarrement, ces crèches ne trouvaient que peu d’acquéreurs - nous en avons vendu peut-être 3 sur les 5 jours du marché de Noël. Finalement, on pouvait plus qualifier ce marché de gastronomique tant cette fête de Noël sonne plus comme une fête de la table.
En effet, nous sommes un peuple affamé : nous avons faim de bonnes choses, de belles et de grandes choses, mais, il semblerait que l’on se suffise de la nourriture, de tout ce qui va satisfaire le besoin de notre estomac…

Pourtant, notre société a faim et soif de choses bien plus grandes. Mais, elle va le chercher dans des choses peu fiables, voire occultes et coûteuses. L’homme, moi, vous, nous, cherchons du sens. Nous cherchons à nous libérer de tout ce qui nous entrave. Nous cherchons à être des hommes et des femmes libres, parce que nous percevons bien nos limites.

L’homme en proie au grand questionnement de la vie

« Je n’arrive pas à faire le bien que je voudrais, et il m’arrive malheureusement de faire le mal que je ne voudrais pas. »

Une seule réponse à ce questionnement, c’est le Christ. C’est pour cela que frère Jean-Pierre a bâti cette crèche et que nous la présentons : une seule personne, un seul événement répondent à cette quête : c’est la personne du Christ.

Cet événement est cosmique, sans doutes parce que l’homme voudrait faire marche arrière et retrouver le paradis perdu et les traditions d’origine, avec un peu d’écologie et d’ancienneté - la tendance Vintage… Non. Ce n’est pas une marche en arrière, mais un marche en avant. Ce que nous propose le Christ, et c’est le plan de Dieu, c’est une re-création et reprendre ainsi tout le travail de la Genèse. Nous fêtons en ce jour comme une deuxième création, mais une création une fois pour toutes.

Si lors de la première, l’homme avait l’image et ressemblance de son créateur qui lui prodiguait Sa bonté, aujourd’hui se manifeste un achèvement beaucoup plus grand du chef d’œuvre du Tout-Puissant. Par Son Incarnation, le Créateur va ennoblir sa créature pour lui donner le pouvoir de devenir enfant de Dieu. C’est pour la déification de l’Homme, pour que Dieu puisse donner toute Sa Divinité à l’Homme. C’est pour cette raison que le Verbe de Dieu s’est fait chair, pour qu’en recevant l’adoption, il devienne fils de Dieu une fois pour toutes ! Pour sa plus grande joie et sa plus grande paix.

L’Évangile comme une deuxième Genèse

En effet, dans cet évangile, St Jean nous fait un récit un peu étonnant et pas facile à lire dans son prologue. Il semble qu’il veuille donner à son évangile une tonalité de deuxième genèse. Il commence ainsi : « Au commencement, était le Verbe ». C’est le même terme qui est utilisé dans le livre de la Genèse : « Bereshit », signifie « dans les premiers temps ». Pas forcément comme on les imagine, mais voilà le fondement de l’Humanité - spécialement le fondement du lien entre l’Humanité et Dieu - et du désir de Dieu sur cette humanité.

Comme pour la Genèse, voilà le début de ce que nous sommes. Car en effet, la deuxième personne de la Trinité n’est pas arrivée pour la première fois il y a deux milles ans, dans une pauvre étable de Bethléem. Non, le Verbe, la Parole de Dieu , le Verbe était auprès de Dieu, le Verbe était Dieu. Le Verbe c’est Jésus, cette deuxième personne de la Trinité, est présente depuis toute éternité au même titre que le Saint Esprit, Lui qui planait déjà sur les eaux.

Nous chrétiens, nous croyons en un Dieu qui se manifeste en trois personnes : le Père - le Créateur, le Fils - Celui qui va s’incarner et qui va nous sauver par Son corps sur la Croix et par Sa Résurrection, et le Saint Esprit. Un Dieu en trois personnes qui existent depuis toute éternité et qui sont immuables, sans changement, qui représentent une totalité en eux-mêmes, comme une perfection qui provoque en nous un grand désir, car elle est rassurante. C’est un véritable roc pour bâtir notre vie, notre avenir et notre espérance.

Qu’est-ce que le Verbe ?

Le Verbe, tout en étant la personne du Christ, c’est la Parole créatrice de Dieu qui était déjà présente au tout début. C’est la parole qui manifeste la volonté de Dieu de donner la Vie. Et une parole qui est automatiquement féconde et automatiquement efficace. Elle dit ce qu’Elle fait, et Elle fait ce qu’Elle dit. Dieu dit et Dieu fit. Pas de séparation en Dieu. Cela signifie que tout vient du bon désir de Dieu et que rien ne s’est fait sans Lui.

C’est en ce sens que Saint Jean dit qu’Il est la Vie et que cette vie est la lumière des hommes. C’est pour cela que Dieu a voulu la communiquer à Adam, à l’Humanité, par Son souffle divin. Il lui a insufflé son halène de vie dans les narines pour que cela pénètre tout son être. Lui qui avait déjà une certaine vie en lui, Dieu le rend vivant d’une vie qui le fait vivre de la vie même de Dieu.

C’est en ce sens que, si l’Homme est proche du genre animal par son corps, il est intimement proche de Dieu par sa nature humaine et divine. Il n’appartient pas qu’au monde naturel : il appartient aussi fondamentalement au monde surnaturel. Il n’appartient pas qu’au monde visible, il appartient aussi au monde invisible.

Cette nature divine de l’homme est-elle compatible avec le péché ?

Le péché, aussi mystérieux qu’il puisse être, est bien réel dans notre vie de chaque jour, et a comme empêché l’homme de porter cette vie divine en lui, cette lumière, et finalement l’empêche de jouir de la Vérité.

Comment l’Homme peut-il alors retrouver sa dignité et sa grandeur ? Comment l’Homme peut-il trouver sa place dans le Monde qu’il désire pourtant gérer et dominer selon le bon commandement de Dieu ? Il faut pour cela reprendre le chef d’œuvre là où il avait était brisé. Alors voilà la raison de cette deuxième création, ou cette recréation. Il fallait une nouvelle Ève.

Pour cela, Dieu s’est choisi une femme, le prototype même la femme parfaite : la Vierge Marie. Il l’avait présentée depuis toute éternité à la Cour Céleste, Il l’avait préservée depuis toute éternité, Elle qui, dès la Genèse, est annoncée comme le liniage d’Ève - la descendance d’Ève - qui aura cette mission d’écraser la tête du serpent.

Il fallait aussi Saint Joseph pour assurer la réalisation de la promesse de sauver toute l’Humanité. C’est ainsi que Joseph permit d’accomplir cette promesse que le Sauveur viendrait de la famille de David.

Un seul but : donner naissance au nouvel Adam pour l’offrir à l’Humanité. Il faut remettre l’ouvrage sur le métier. C’est à dire que Dieu doit se remettre au travail pour achever Son œuvre. Ce n’est pas seulement pour se contenter personnellement, car Dieu est Lui-même totalement achevé. C’est seulement pour notre joie et pour notre bonheur.

Un mystère au cœur de la foi chrétienne

C’est un mystère extraordinaire d’abaissement : Dieu le Très-Haut, lui le Tout-Puissant, Lui qui a ordonné - si l’on peut dire - le bal des planètes, se rend présent dans le corps d’un enfant, d’un nouveau-né. Le Verbe de Dieu va se faire chair. L’Incarnation du Verbe à Bethléem va donner à l’Homme d’être déifié, de retrouver ce qu’il a perdu et bien plus encore.

Comment l’Homme irait-il à Dieu, si Dieu n’était pas venu à l’Homme ? Comment l’Homme se libèrerait-il de sa condition mortelle et de ses ténèbres, s’il n’était régénéré selon la foi par une naissance nouvelle donnée généreusement et abondamment par Dieu.

Il ne s’agit pas là, bien sûr, de faire marche arrière et de retrouver ce paradis perdu qui fait fantasmer beaucoup de monde aujourd’hui, ou de retrouver une pureté originelle en « mangeant du bio ». Non, il s’agit de se laisser visiter par Dieu.

Ce n’est pas d’abord un phénomène de société, c’est avant tout un phénomène personnel et très intime : c’est la Foi qui habite mon cœur. Il s’agit de me laisser visiter par Dieu, de contempler le Très-Haut qui vient se pencher avec délicatesse sur ma petitesse. C’est de me laisser séduire par l’abaissement de Celui qui veut me faire passer de statut de créature, de simple humain avec sa condition mortelle, au statut de fils de Dieu, parce que Dieu est mon père.

« A tous ceux qui l’ont reconnu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. »

L’Homme, quelque soit sa condition sociale, est appelé à être adoubé, à être anobli par Dieu. Il se fait visiter par la Lumière, car la lumière de vérité est offerte par le Verbe de Dieu. Elle vient faire de nous des fils du Père, pour donner, nous redonner cette image et cette ressemblance paternelle. Car, encore une fois, Dieu veut nous partager Sa divinité. Il veut nous faire participer à Sa beauté, à Sa grandeur. Il veut nous faire partager sa propre personne.

« Le Verbe de Dieu s’est fait chair, Il a habité parmi nous. »

La Nativité célèbre la Lumière sur l’Humanité

En effet, en cette nuit, les Cieux se sont déchirés et la Lumière du Très-Haut est venue visiter nos ténèbres. Mais il ne s’agit pas seulement ce célébrer l’évènement d’il y a 2000 ans.

Certes, cet événement est folie pour les puissants, sujet de jalousie pour Hérode, mais elle est sagesse pour les pauvres, elle est évidence pour ces simples bergers venus à l’appel d’un ange visiter la crèche. Elle est signe de l’intelligence pour ces mages venus de loin, ces chercheurs de vérité observant dans les astres ce qui pourrait bien donner sens à l’Humanité.

Ce qui est encore plus bouleversant, c’est qu’Il veuille non seulement venir nous visiter comme pour nous prouver qu’Il existe vraiment, mais qu’Il demeure parmi nous. Cela sous-entend qu’aujourd’hui et demain, Il sera avec nous et en nous.

Être Chrétien, c’est croire que Dieu demeure clairement parmi nous. Certes, nous ne le méritons pas, nous ne pouvons pas le gagner, il nous faut juste collaborer. Il nous faut juste nous disposer à Celui qui semble caché, Celui qui va laisser, le plus souvent, nos sens insatisfaits.

Mais c’est peut-être le moment, en cette fin d’année civile et ce début d’année liturgique, de faire le point : suis-je ouvert, est que je profite réellement d’un si grand avènement ? Suis-je habité par le Seigneur ? Suis-je vraiment illuminé par la lumière de la Vérité ? Car, si j’accueille cette lumière de vérité, tout mon être, jusqu’à mon corps, ne peut rester dans les ténèbres.

Suis-je vraiment anobli par ce roi qui veut nous communiquer Sa propre royauté, suis-je comme certains comme appartenant à Son royaume, c’est à dire à l’Église ? Où en suis-je de ma filiation, de ma reconnaissance, de ma recherche en paternité ?

Parce que « Tous nous avons part à Sa plénitude, Tous nous avons reçu grâce après grâce . » Quelles sont les grâces que j’ai réellement reçues cette année, quelles sont les grâces à demander pour les temps à venir ?

Cette grâce, ne l’oublions pas, c’est la vie même de Dieu qui s’incarne, qui prend concrètement chair dans les événements quotidiens. Ce n’est pas de la magie, c’est du soutien de Dieu et d’une immense proximité parce qu’Il veut demeurer parmi nous.

Pour cela, demandons à La femme magnifique, La Vierge Marie, de nous donner d’accueillir une telle visitation. Qu’elle vienne disposer notre cœur à nous renouveler dans l’accueil du Christ, parce que Marie sait ce dont nous avons besoin, Dieu sait aussi ce dont nous avons besoin. Alors, ayons l’audace de nous remettre en Sa bonne grâce, pour que nous jouissions de Sa plénitude, source de notre joie, source de notre paix, pour nous et pour tous ceux qui sont autour de nous,

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 52,7-10.
  • Psaume 98(97),1.2-3ab.3cd-4.5-6.
  • Lettre aux Hébreux 1,1-6.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 1,1-18 :

Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu.
Par lui, tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.

Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu.

Mais tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.

Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
Jean Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « Voici celui dont j’ai dit : Lui qui vient derrière moi, il a pris place devant moi, car avant moi il était. »

Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce : après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui a conduit à le connaître.