Homélie de la solennité du Christ, Roi de l’Univers

22 novembre 2021

« Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Il est bien paradoxal d’avoir comme fête le Christ-Roi, avec toutes les imaginations et toutes les représentations que cela suscite en nous, car tout au long de son ministère, Jésus n’a cessé de se méfier, de prendre ses distances avec tous ceux qui voulaient le faire roi d’Israël, emportés par Sa parole et par Ses actions, notamment, vous vous en souvenez, au moment de la multiplication des pains.
Et Jésus insiste pour eux, alors qu’ils se disputent pour savoir qui est le plus grand, en prenant un enfant et en le mettant au milieu, disant que celui qui ne lui ressemble pas, qui ne se fait pas semblable à cet enfant n’est pas digne du royaume des Cieux.

Quelle est la meilleure place ?

« Pour vous qu’il n’en soit pas ainsi mais que vous soyez comme celui qui sert. »

Et Il ajoute aussi, quand les disciples se disputent pour savoir qui dans Son Royaume va être premier ministre et ministre de l’intérieur - Jacques et Jean qui font intervenir Maman pour cela – et Jésus leur dit qu’il n’en est pas ainsi. Et après le lavement des pieds, Il le rappelle de la même manière : certes, dans le monde, les grands, les rois font sentir leur pouvoir. Pour vous qu’il n’en soit pas ainsi mais que vous soyez comme celui qui sert, celui qui accueille le pauvre, celui qui relève les malades, celui qui redonne vie à tous ceux qui sont traversés par les différentes forces de mort, celui qui donne qui réintègre chacun dans la communauté et instaure un monde où chacun a sa place.

On le voit, Il leur apprend à traiter chacun, même les pécheurs, comme un roi, à commencer par les plus pauvres, les exclus, les blessés de la vie.

Est-ce celle du Roi ?

Dans toute l’histoire d’Israël, il y a une méfiance pour les rois. Au début de la royauté d’ailleurs, le prophète Samuel pense que ce n’est pas ce que Dieu veut et puis, de guerre lasse, Dieu lui demande de les laisser faire ce qu’ils veulent, mais en les prévenant. Alors, il en découlera tous les abus de pouvoir liés à ce système de royauté. On verra que, pas un d’entre eux même les plus grands comme David ou Salomon n’évitera la fin catastrophique avec l’éloignement du Seigneur. Ils n’arriveront pas à faire vivre le peuple dans la dans la loi du Seigneur, et tout cela aboutira à l’exil…

Le seul moment où Jésus accepte de titre de roi c’est devant Pilate, comme nous l’avons entendu. C’est alors qu’Il est jugé parce que l’on dit qu’Il va se faire roi ou que l’on veut le faire roi. D’ailleurs, même s’ils ont été rabroués par Jésus qui leur disait que ce n’était pas ça, les disciples sont encore en train demander après la résurrection et juste avant l’Ascension :

« Est-ce maintenant tu vas venir rétablir la royauté en Israël ? »

Ils parlent bien entendu de la manière dont ils la conçoivent. Par ce que le seul lieu où Jésus accepte d’être roi, c’est au moment de la Passion. Nous nous rappelons d’ailleurs de la mise en scène rapportée par les récits de la Passion avec tous les attributs du Roi qui Lui sont donnés : le manteau, la couronne… Mais le seul trône c’est la Croix, là où Jésus donne Sa vie par amour pour les pécheurs, là où Il va les rejoindre jusqu’au rejet de Dieu mais pour continuer à dire cet amour de Dieu. C’est ce don qu’Il fait de Lui-même pour venir sauver les pécheurs.

Pour régner à la manière du Christ

Oui, Son seul trône, c’est la Croix. S’Il est roi – et Il l’est vraiment - Il l’affirme dans ce dialogue avec Pilate quand Il lui dit que sa royauté n’est pas d’ici, elle n’est pas dans un rôle ressemblant à la fonction des rois de la terre qui serait investie d’un mandat divin, de droit divin comme certains ont cru que c’était le cas, apportant un blanc seing et une autorité incontestable…
Pourtant, Jésus ne cesse de parler de la royauté et d’ailleurs toute sa prédication concerne le royaume de Dieu. Dans les évangiles synoptiques on a pas moins de cinquante fois l’expression « le royaume de Dieu » ou « le royaume des Cieux », ce qui est la même chose. Et Jésus nous dit une chose inhabituelle : ce royaume est ouvert !

Le Ciel se déchire au baptême de Jésus. Il est ouvert, il vient, il est au milieu de vous, il est en train de s’accomplir si vous accueillez cette parole de Jésus, si vous accompagnez Jésus comme parole du Père, c’est-à-dire de Celui pour qui aucune des créatures n’est indifférente mais pour chacune desquelles Il est prêt à donner Sa vie, la vie de Son fils.

Mais, comment découvrons-nous ce royaume ? C’est bien tout au long de l’Évangile qu’on le voit. Le récit de l’Évangile n’est d’ailleurs pas tellement une histoire de Jésus mais qui plus l’histoire des différentes rencontres, des différents accès à la Foi : ils écoutent, ils rencontrent Jésus, ils se laissent toucher par cette parole, et ils sont appelés à y adhérer à s’y engager à trouver une nouvelle règle de vie.
Nous aussi, laissons la parole de Dieu nous toucher au fond du cœur et apprenons à répondre par l’engagement de toute notre vie en aimant comme Dieu aime, en imitant Jésus par la miséricorde, en apprenant non pas rendre le mal pour le mal, non pas rendre la monnaie de sa pièce à ceux que nous rencontrons, mais en apprenant à rendre le bien pour le mal.

Un royaume ouvert au trône partagé

Une chose étonnante aussi, c’est que, quand nous avons adhéré à la parole de Jésus, quand nous avons mis nos pas dans Ses pas, Il n’est plus roi pour Lui-même mais Il est roi pour faire de nous des rois.

Souvenez-vous de l’homélie de Monseigneur Aupetit à l’occasion de la fête du Christ-Roi il y a quelques années : au lieu de commencer par « Chers frères et sœurs », il avait dit : « Majestés ! ». Et cela n’est simplement que l’expression de la grâce du baptême qui nous a marqués du sceau du Christ par le Saint chrême avec ces paroles :

Préparons-nous pour le Royaume qui ne s’éteint jamais

Et cela peut être pour nous - aujourd’hui, cette semaine et tous les jours de notre vie - l’occasion de réfléchir sur ce qui me dirige : quelles sont mes passions, mes compulsions, mes réactions, mes blessures, mes idéologies, mes besoins de sécurité, mes besoins de tenir tout en main (et les choses, et les événements, et les autres), mon découragement, ma détresse, ma haine, le passé, mon histoire ou cette vie qui sourd en moi et que Jésus vient réveiller de cet amour qui relève, qui donne la vie à tous ceux que je touche, tous ceux que je rencontre…
Évidemment, on le voit dans l’Évangile, rentrer dans la vie de foi n’est pas une simple affaire car il ne suffit pas simplement d’être séduit par un idéal ni d’accueillir Jésus et de Le traduire dans notre langage. C’est s’engager, risquer notre vie, lâcher tous mes biens et tous mes désirs comme le jeune homme riche a renoncé à le faire.
Alors, on comprend et on devient ces membres du Royaume. Le Royaume est là et nous le portons, nous aidons à sa diffusion.

Demandons au Seigneur de vivre de Sa parole, de vivre de ce royaume. Il a été mis dans notre cœur au baptême. Laissons l’Esprit Saint le réveiller, augmentant notre désir de suivre le Seigneur dans une vraie vie de foi, de vrais engagements, de vrais changements de notre vie pour écouter non pas la voix du monde ou la voix de la chair, mais en entendant la voix de l’Esprit qui vient murmurer dans notre cœur, qui vient sourdre dans notre cœur,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Daniel 7,13-14.
  • Psaume 93(92),1abc.1d-2.5.
  • Livre de l’Apocalypse 1,5-8.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 18,33b-37 :

En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit :
— « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus lui demanda :
— « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »
Pilate répondit :
— « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? »
Jésus déclara :
— « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Pilate lui dit :
— « Alors, tu es roi ? »
Jésus répondit :
— « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »