Homélie de la veillée pascale

3 avril 2018

Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre :
“Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.”

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

dans toute cette histoire du salut relatée aujourd’hui, il y a une fresque magnifique. Si je puis dire, en prenant un thème musical, il y a comme un thème avec plusieurs variations. Et ce thème revient avec constance et fermeté, c’est la volonté de Dieu de nous rendre heureux, plus particulièrement la volonté de nous rendre bienheureux, c’est à dire participants de son propre bonheur.
Il y a là une volonté que Dieu veut accomplir coûte que coûte, surtout quoi qu’il en coûte à lui-même. Alors, tout commence avec le jaillissement de la Création. C’est l’infinie bonté de Dieu, Son infinie beauté qui se trouve comme diffractée en une multitude de créatures. Et Dieu voit que cela est bon. Toute cette bonté, Il l’offre à l’Homme, Il lui donne ce jardin. Mais l’Homme, par sa faute, s’en retire.
Voici donc l’Homme livré à la violence, à la sienne et à celle des autres. Et plus tard, le peuple sera opprimé, objet de cette même violence sous le joug des Égyptiens.
Alors Dieu se penchera du haut du Ciel pour écouter son cri. Et pour la première fois peut-être dans l’histoire d’Israël, l’Homme perçoit que sa propre misère attire, incline Dieu vers lui. Comme sur cette magnifique croix de Jean-Paul II où les bras recourbés vers la Terre, manifestant ainsi que Dieu s’est penché du Ciel vers la Terre, que son amour fait aussi son poids, et que ce poids l’amène du haut du Ciel jusqu’à rejoindre la Terre.
Car Dieu ne peut supporter la souffrance de l’Homme sans intervenir.

Plus que de l’extérieur, il nous faut reconnaître que cette souffrance vient de l’intérieur. Le plus grand malheur, c’est notre propre dureté, ce cœur de pierre dont parle Ézéchiel. Cette dureté dont nous ne pouvons sortir nous-mêmes. Alors, Dieu veut nous éduquer : Il envoie ses prophètes dont nous avons entendu la parole. Il envoie cette même parole qui ne remonte pas sans avoir porté du fruit. Mais ce fruit espéré, qu’il est loin de nous… Dieu en prend acte encore une fois. Ce ne sont plus simplement des paroles qui nous viennent de l’extérieur, ce n’est plus simplement la loi : Dieu doit nous aider de l’intérieur.

« C’est ton cœur que je dois sauver », nous dit-Il. « La faiblesse de ta condition, je vais la revêtir ; je vais reprendre les étapes du chemin que tu as parcouru. Avec la faiblesse de l’homme, je vais comme toi venir au monde, je vais connaître tes joies, connaître tes peines, éprouver la tentation et l’angoisse, me laisser gagner un temps par le désir de me soustraire au plan de Dieu. Mais, avec la force de Dieu, en tout cela, je vais vaincre, et ainsi t’ouvrir un nouveau chemin. Je vais être fidèle au Père en tout, affirmer Ses droits, et maintenir en tout moment ce premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force, de tout ton cœur et de tout ton esprit », jusque dans les ténèbres les plus épaisses.
Voilà l’exemple que je te donne. »

Mais cela n’a pas suffi, car hier, les apôtres n’ont pu se fortifier à l’exemple de leur maître. Au moment-même où celui-ci leur donnait le plus bel exemple du don de soi, de patience, d’amour désintéressé, ils se sont dérobés, ils se sont éloignés, ils ont renié et trahi.
Alors, le Seigneur encore une fois, dans Sa volonté inflexible de les rendre heureux, de nous rendre heureux, loin de les briser, semble leur dire, nous dire : « Oui, tu es incapable d’aimer ton Dieu, ton cœur est dur. Alors, je vais t’en donner un nouveau : je vais ôter ton cœur de pierre de ta poitrine ; tu n’as plus de souffle, plus d’élan pour aimer : la lassitude, la peur, l’ennui ou la tristesse ont eu raison de ta générosité. Voilà qu’à nouveau, comme pour Adam, le premier homme, je vais te donner mon souffle. De mon propre souffle, je te ranime. Tout ce qui est en moi, que cela passe en toi.

Frères et sœurs, voilà quel est le mystère pascal, le mystère de cette résurrection que nous fêtons cette nuit. Comme dit Saint Paul, le Christ devient esprit vivifiant : Il nous livre Son esprit, c’est à dire l’intimité même de Son être. Il est en nous, Il vit en nous. Il nous donne d’agir avec Son propre cœur, d’aimer avec Son cœur.
Voilà où cette volonté de Salut a mené notre Dieu : cette volonté de nous rendre heureux et de nous arracher à nous-mêmes. Il est Lui-même passé par cette grande épreuve, que l’on pourrait appeler : ce grand laboratoire de la Passion et de la Résurrection qui a fait qu’il est devenu communicable, comme ce parfum précieux qui a été répandu pendant l’onction de Béthanie, ce flacon qui – une fois brisé – laisse se répandre la bonne odeur qui imprègne tout, pénètre tout. Le Christ brisé pénètre notre être, pénètre notre cœur, le régénère, le vivifie, nous sommes devenus un seul être avec le Christ.

Alors oui, aujourd’hui, nous avons tout reçu du Christ : nous avons reçu Sa loi, Sa parole, Sa mère, Son cœur et Son esprit. Mais aujourd’hui, à travers l’Évangile, Il semble nous dire : « Ne t’arrête pas à tout cela, ne dénombre pas les richesses de ton héritage. Je te l’ai donné simplement pour que tu le transmettes ; ne perds pas un instant : Madeleine, saintes femmes, allez trouver les frères et rejoignez les apôtres ; rendez-les heureux par cette nouvelle du tombeau vide, brûlez leurs cœurs.

Chers frères et sœurs, que l’excuse du relativisme, du respect des consciences et de la tolérance mal comprise ne soit jamais le prétexte de taire ce qui nous fait vivre, de passer sous silence ce qui nous rend la joie.
Que nos paroles - et plus encore notre vie – crient à ceux qui peut-être jamais n’ouvriront l’Évangile : « Le Christ est ressuscité ! »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 14,15-31.15,1a.
  • Livre de l’Exode 15,1b.2.3-4.5-6.17-18.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 6,3b-11.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 16,1-7. :

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus.
De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. Elles se disaient entre elles :
« Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? »
Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande.
En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc.
Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit :
« Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre :
“Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” »