Texte de l’homélie
« Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute. »
Chers frères et sœurs,
Ces quelques lignes ont beaucoup à nous dire sur cette disposition du cœur dont nous parlent les textes aujourd’hui : celle de l’humilité.
En quoi ces versets du Siracide nous parlent de cette vertu ? Pour les juifs, l’humilité, ce n’est pas de raser les murs, de se cacher derrière son ombre, ou de baisser les yeux à tout propos. Non ! c’est beaucoup plus fondamental : l’humilité, c’est écouter, et écouter Dieu qui nous parle. Et c’est aux Juifs, c’est aux Chrétiens que Dieu a parlé. C’est par le Christ que Dieu a parlé !
Voilà pourquoi hors de la Tradition juive, hors de la Tradition chrétienne, il n’y a pas d’humilité, parce qu’il n’y a pas de Dieu à écouter, parce que Dieu n’a pas fait résonner sa voix au milieu de ces cultures.
Oui écoute et humilité se confondent… Qui écoute est humble, qui est humble écoute. Et c’est la leçon principale, le premier commandement chez les Juifs :
« Écoute Israël ! »
À l’inverse, l’orgueilleux n’écoute pas, ou n’écoute que lui ; la racine du mal est en lui. Comme aujourd’hui notre Pharisien trop plein de lui-même pour écouter Dieu…
La sagesse de Dieu nous dit :
« Le Créateur de toutes choses m’a donné un ordre, celui qui m’a créée a fixé ma demeure. Il m’a dit : “Viens demeurer parmi les fils de Jacob, reçois ta part d’héritage en Israël, enracine-toi dans le peuple élu. »
Dieu habite au milieu de son peuple, Dieu lui parle, et naît l’humilité.
La parole d’un autre
Notre humilité pourra naître si nous aussi nous écoutons la parole d’un autre. Parole de Dieu, pour commencer, qui réclame une fréquentation assidue (lectio, oraison, Evangile quotidien…). Mais Dieu parle aussi par ceux qui nous entourent : les écoutons nous ? sommes-nous assez vides de nous-mêmes pour pouvoir les écouter ?
Vous-mêmes fiancés ici présents, ne disqualifiez pas trop vite une parole de votre conjoint qui peut vous heurter. Demandez vous en quoi Dieu peut vous parler à travers ces mots, même s’ils sont maladroits…
C’est cette parole de Dieu qui nous dira peut-être dans un premier temps : « cède ta place à un autre ».
Nous ne pouvons nous débarrasser de notre orgueil natif, sans que de temps à autre résonne une parole que nous estimons violente parce qu’elle nous remet à notre place… Je me souviens de ma vieille tante qui me disait mes quatre vérités : « tu es trop orgueilleux pour qu’on puisse te dire les choses… » et elle avait raison et sans nul doute, Dieu passait par elle pour me façonner…
Mais l’humilité nous permettra aussi d’entendre les paroles qui nous relève ; celui qui s’est placé à la dernière place, eh bien il peut entendre son maître lui assigner sa nouvelle place : « ‘Mon ami, avance plus haut. »
C’est très étonnant combien l’humilité nous permet de vaincre le cœur de Dieu, comme ce maître de maison, dont l’attention est attirée par ce convive de la dernière place. Et Dieu, regardant le spectacle d’une âme qui s’abaisse l’exalte comme il a fait avec Marie, comme il l’a fait avec son propre Fils, descendu dans les ténèbres de la Passion : eh bien le Christ s’entend dire au jour de sa résurrection : « Mon ami ; mon fils, avance plus haut », « accende superius, monte plus haut » « siège à ma droite ».
Le règne de l’humilité
Mais plus encore, l’humilité va exercer comme une puissance autour de nous. Elle va nous faire partager le règne du Christ, elle va comme étendre sa puissance sur les êtres. Saint Maxime disait :
« L’infinie kénose du fils de Dieu a seul pu vaincre le cœur de l’homme… »
A nous de L’imiter. Le Père Lamy commentait :
C’est ainsi que nous sommes appelés à régner. Essayez dans votre couple : dites la vérité, ne la trahissez jamais, mais pratiquez l’humilité, en profondeur, pour gagner les autres à vos vues.
Je me souviens d’un homme trompé, profondément blessé, mais qui a gardé absolument sa dignité, et maintenu intacte sa tendresse pour sa femme. Et celle-ci a fini par être vaincue par tant d’abnégation et d’humilité et par revenir vers son époux.
Oui, comme la patience, l’humilité est une force créatrice, re-créatrice, elle restaure ceux mêmes que le péché a défigurés…
Expérimenter d’être à sa place
J’aimerais terminer par une dernière remarque. L’humilité a ceci de remarquable, qu’elle nous fait tendre l’oreille vers Dieu. Nous tous ! Pas simplement tel ou tel, mais si nous sommes humbles, tous, nous voudrons écouter cette Parole de Dieu. Cette parole qui à chacun de nous va assigner sa place, donner sa mission.
C’est par cette écoute humble de la parole de Dieu, que se constitue le corps du Christ. Nous prenons place dans l’Église. Cette assemblée sainte évoquée dans la deuxième lecture :
« Vous êtes venus vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. »
Chacun a reçu son nom, c’est-à-dire sa mission.
Trouver sa place au milieu d’autres, c’est cela l’humilité profonde ; savoir être un membre de ce corps, acceptant d’être le pied s’il nous faut l’être, la main, l’œil, si telle est notre vocation, sans chercher à tout être. Car la beauté du corps se prend de son ensemble. Voilà à quoi nous mène la véritable humilité : être épris de la perfection de l’ensemble.
Chers fiancés, vous le savez bien, c’est le chemin que vous prenez. Aucun de vous ne cherche sa propre excellence. Vous allez chercher l’harmonie, la complémentarité de votre couple, sa beauté, sa réussite. Chacun cherchant à devenir un faire-valoir de l’autre. Voilà quel est le chemin de l’amour humble.
Que Marie Mère du bel amour nous y aide,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre de l’Ecclésiastique 3,17-18.20.28-29.
- Psaume 68(67),4-5ac.6-7ab.10-11.
- Lettre aux Hébreux 12,18-19.22-24a.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 14,1.7-14 :
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient.
Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi.
Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : “Cède-lui ta place” ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place.
Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : “Mon ami, avance plus haut”, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi.
En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. »Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour.
Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »