Homélie du 25e dimanche du temps ordinaire

21 septembre 2016

« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

C’est de sous que nous allons parler durant ce temps d’homélie, à l’invitation de l’Évangile.
Et on peut s’étonner, on peut se dire mais au fond, est-ce que l’Évangile a à voir avec ces questions d’argent ? Est-ce que il ne s’agit pas davantage de questions spirituelles, de vie de prière, de charité entre nous, d’annonce de l’Évangile, de pardon, de réconciliation, là, oui, on comprend que l’Évangile ait quelque chose à nous dire.

Mais concernant l’argent, qu’est-ce que l’Évangile peut nous dire, qu’est-ce que Jésus que nous dire ? Et bien c’est se tromper sur la nature du message de Jésus.
L’Évangile viens irriguer toute notre vie, pas simplement notre vie spirituelle, notre vie de prière, la totalité de notre vie, notre vie professionnelle, notre vie familiale, notre vie amicale, personnelle.

Et progressivement, relativement tardivement, il y a eu de la part des souverains pontifes des documents sur la doctrine sociale de l’Église, que l’on a appelée après la doctrine sociale des encycliques sociales.

On se rappelle Léon XIII avec « Rerum Novarum », à la fin du XIX siècle, qui donne un éclairage sur la révolution industrielle et tous ses abus, et bien souvent les personnes les plus pauvres qui en sont victimes. Et depuis Léon XIII jusqu’à nos jours, avec le pape François, avec « Laudate si » sur l’écologie, tout cela fait partie d’un corpus que l’on a appelé progressivement la doctrine sociale de l’Église, c’est-à-dire l’Évangile appliqué aux réalités de ce monde.
Et c’est bien important de faire l’unité dans notre vie, ça n’est pas simplement dans notre vie de prière, ou dans les célébrations de l’Eucharistie que nous avons un contact avec le Seigneur, le Seigneur vient aussi nous dire quelque chose dans les réalités de ce monde.

Et la question de l’argent. La question de l’argent ça n’est pas si simple.

La vraie place de l’argent dans notre réalité humaine

On peut dire que l’Église, et l’Évangile de façon générale, a une position assez originale.

Alors que le libéralisme dit c’est à moi et c’est pour moi cet argent, cette propriété, ces biens, c’est à moi et c’est pour moi, alors que le communisme di, où disait, c’est à tous et c’est pour tous, et donc on va donner à chacun selon ses besoins mais il n’y a pas de propriété privée, et bien la position de l’Église est une position médiane.

C’est à moi, on reconnaît la propriété privée, mais c’est pour tous, nous en sommes les gérants.
C’est intéressant de dire que dans les possessions que nous pouvons avoir, chacun, que ce soit beaucoup ou peu, l’Église elle-même est une réalité économique, à travers ces réalités économiques, nous avons conscience que nous avons une responsabilité pour d’autres.
C’est bien différent de cette mentalité libérale qui ne vit que l’appropriation personnelle et l’enrichissement personnel, parfois même au détriment des autres.

Les souverains pontifes n’ont eu de cesse de rappeler les uns à la suite des autres que c’est la personne humaine qui est à mettre au cœur de l’économie et non pas l’argent qui est à mettre au cœur de l’économie.
Bien sûr que l’argent on en a besoin, vous imaginez pour un chantier comme celui-ci il faut quelques billets d’Euros ! (c’est un petit message subliminal envoyé aux généreux donateurs…)

On voit bien dans notre société, on veut faire de l’argent un maître.
Et donc asservir quelque part la personne humaine aux réalités économiques, alors que la réalité économique est là comme pour soutenir les activités humaines, les activités d’une famille, les activités d’une profession.
Qu’une entreprise fasse des bénéfices, c’est la moindre des choses, on ne se pose pas la question si il faut de l’oxygène pour respirer, pour vivre, oui bien sûr qu’une entreprise doit faire des bénéfices. Mais la question est : est-ce que les bénéfices vont être le seul et premier critère de l’entreprise où est-ce qu’il y a d’autres critères ?
Je pense que l’argent n’est jamais ni le seul ni le premier, c’est un des critères. Et justement le péché consiste à inverser les valeurs et à faire de l’argent le critère, le maître et donc à asservir les autres à sa suite et c’est ça que Jésus dénonce.

Mettre ses biens au service de la communion

Alors que au fond, c’est une responsabilité le fait de posséder.

C’est là où on voit bien, c’est étonnant cet Évangile, le maître, c’est-à-dire Dieu dans cette parabole, fait l’éloge du gérant malhonnête.
Pourquoi fait-il l’éloge ? Parce qu’au fond il a mis l’argent au service de la communion, l’argent au service de la relation. Et posons-nous la question, dès que l’argent vient briser les relations, briser la communion, il y a quelque chose de la manière dont nous avons de concevoir les réalités économiques qui ne va pas. On ne met pas le curseur au bon endroit.
Et on sait bien que les questions dans les héritages, par exemple, les questions d’argent, les questions de partage, tout cela ce sont des questions redoutables, parce qu’à travers l’héritage c’est aussi tout un aspect affectif qui et là présent, on dit oui on ne m’a pas donné assez, on m’a volé et cætera. Du coup on se pose la question est-ce qu’on a mis d’abord, comme le disait Jean-Paul II, la spiritualité de communion au cœur même par exemple du partage, et que de cela découle la répartition des biens des parents par exemple à leurs enfants ?

Pour cela Jésus nous interpelle, Jésus nous dit attention, on ne peut pas servir deux maîtres à la fois, il y a quelque chose, en mettant l’argent en premier, en le mettant en maître, qui s’oppose à Dieu.

C’est intéressant parce que en fait il y a trois choses qui s’opposent à Dieu, vous savez, les trois formes de l’orgueil que Jésus a affronté dans les tentations au désert : l’orgueil de la chair, c’est-à-dire tous les plaisirs désordonnés, l’orgueil des richesses et l’orgueil de l’esprit, l’orgueil du pouvoir.
Ce sont les trois formes d’idolâtrie qui s’oppose à Dieu, on reconnaît une idolâtrie quand il n’y a pas de repos : on peut toujours vouloir plus de plaisirs désordonnés, toujours rajouter un zéro à votre compte en banque après la virgule, et puis toujours rajouter du pouvoir, de l’orgueil, dominer, contrôler les uns et les autres.
Mais c’est étonnant que Jésus ai choisi l’argent.
Pourquoi a-t-il choisi l’argent plutôt que les plaisirs désordonnés où le pouvoir ?
C’est que dans les deux autres, d’une manière ou d’une autre, il va falloir sortir la carte bleue ! C’est-à-dire que si vous voulez avoir le pouvoir, à un moment donné il va falloir avoir l’argent qui permet d’avoir le pouvoir et puis on sait bien que dans toutes les formes de vices, tôt ou tard c’est l’argent qui va vous permettre d’exercer votre vice quel qu’il soit.

L’argent au cœur du combat spirituel

Donc c’est intéressant, il y a un combat spirituel dans la manière de vivre la réalité de ce monde.
Soit de les voir comme négatives, et souvent parfois on accuse les catholiques de ne pas être à l’aise avec l’argent, contrairement à nos frères protestants qui pour eux, au contraire, le fait d’avoir une grande richesse et insigne de bénédiction de Dieu. Nous les catholiques nous avons plutôt l’argent pas très à l’aise, on ne veut pas trop en parler, comme si on culpabilisait un peu, et là aussi il faut faire attention de ne pas rentrer dans une opposition entre riches et pauvres, dans cette forme de lutte de classe qui n’a jamais été le message de Jésus.

Jésus a eu des amis pauvres, Jésus a eu des amis riches. Et il a été enterré dans un tombeau de pierre, c’est un tombeau de riche. Donc attention de ne pas opposer les choses.
Mais en revanche ce qu’il a toujours dénoncé, c’est l’injustice, le fait de dominer l’autre par ce que l’on a et surtout le fait de demander à avoir l’être. C’est cela l’idolâtrie, je demande à avoir en possession l’être, de me donner l’être, de me donner une consistance personnelle, je suis quelqu’un parce que j’ai telle chose, telle possession, telle …c’est cela qu’il dénonce.

L’avoir ne peut pas nous donner l’être, c’est impossible, et donc il y a cette course en avant, je voudrais avoir plus, plus, alors que notre cœur n’a de repos tant qu’il ne demeure dans le cœur de Dieu, c’est l’inverse et donc le reste vient comme un élément qui nous permet de réaliser notre propre vocation de la vie économique aussi.

C’est intéressant de pouvoir réfléchir où on en est de cela par exemple.
Est-ce qu’on parle souvent d’argent par exemple, je vois des personnes, je sais que tôt ou tard, la discussion arrivera sur l’argent, on parlera d’argent.
Est-ce qu’on est souvent dans le rouge ? C’est intéressant, est-ce que j’accepte de me mettre des limites ? Derrière cela, l’idolâtrie c’est le « no limit ». Et Jésus dit non. L’argent est un serviteur mais ça n’est pas à lui que tu dois la révérence, l’adoration c’est à Dieu. On voit bien des gens qui, avec cette course à la consommation, le surendettement, s’ils n’ont pas le dernier iPhone, je ne suis rien. Est-ce qu’on accepte aussi d’avoir une certaine limite et d’avoir un compte toujours dans le vert en tout cas ?
C’est un signe aussi d’humilité. On voit bien cette invitation de l’Évangile à une certaine pauvreté, pauvreté qui n’est pas misère. C’est-à-dire une certaine utilisation modeste des biens. Cette question de modestie c’est quand on a beaucoup de bien, mais c’est quand on en a peu aussi, parce qu’il y a des gens qui ayant peu de biens n’ont de cesse que d’en acquérir davantage, et donc leur cœur est pris par l’argent, même s’ils sont dans une situation de pauvreté.
C’est au niveau du cœur que cela se situe.
Ce n’est pas tellement au niveau du compte en banque, est-ce que dans mon cœur je suis au clair que Dieu est premier servi et que d’une manière ou d’une autre, l’argent va être comme le bras financier qui me permettra de faire le bien ?

Et donc derrière cela il y a la notion de partage, de responsabilité de l’autre, de dire qu’est-ce que je peux faire pour soutenir telle ou telle personne ?
Parce que justement on sent qu’on a une responsabilité. C’est intéressant de pouvoir nous-mêmes revoir cet éclairage sur l’économie et qu’au contraire à travers les réalités économiques, moi qui ai travaillé en entreprise avant d’entrer dans la vie religieuse, dans les réalités économiques on peut faire beaucoup de bien, on peut faire aussi beaucoup de mal, mais on peut faire aussi beaucoup de bien, à travers la responsabilité comme le dit Saint-Paul dans la deuxième lecture et, il faut prier pour les responsables aussi de ce monde parce qu’il y a beaucoup de bien à faire, à travers l’emploi, etc, il y a beaucoup de choses à faire de positives.

Une manière de voir aussi dans les réalités économiques, c’est la répartition des bénéfices.
On parle souvent de cela, comment répartir les bénéfices, le salaire des grands patrons, les stocks option, et cætera. Je trouve qu’il y a une règle très bien, c’est ce qu’on appelle la règle des trois tiers : dans une entreprise, pour la répartition des bénéfices, un tiers pour le capital, un tiers pour les salariés, un tiers pour l’investissement, pour l’avenir et la recherche, ce n’est pas du tout pour le capital, oui on a du capital, mais à travers cela on sent qu’on a une responsabilité sociale et que des tas de famille attendent après nous pour pouvoir vivre et établir leur projets.

Voilà ce sont des choses toutes simples, mais il faut toujours vérifier dans son cœur où on en est.
Il y a un combat spirituel peut-être beaucoup plus fort dans les réalités économiques.
Un combat spirituel qui pourrait aussi dire non ça ne m’intéresse pas, qui ne serait pas non plus quelque chose d’équilibré, ne pas voir la valeur des choses, ça n’est pas non plus quelque chose d’équilibré.
On voit bien dans notre vie religieuse, par exemple il y a des risques qu’on perde un peu le sens qu’il faut travailler pour payer son électricité, s’alimenter, se loger etc …, alors que dans la vie religieuse on a justement renoncé à tout ça pour être aux affaires du Seigneur, mais n’oublions pas que des choses coûtent.
La valeur des choses, la valeur des biens c’est aussi avoir un vrai regard évangélique.

On voit bien que la ligne médiane, c’est une ligne de crête, c’est une ligne qui n’est pas facile à tenir entre le trop est le pas assez.

Demandons Seigneur qu’il nous donne, pendant ce temps de silence, de revisiter à la lumière de cette parabole, la manière dont nous avons de gérer nos biens, la manière dont nous avons de nous sentir responsable aussi de ce qui nous entoure et puis de pouvoir témoigner à travers les réalité de ce monde d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Amos 8,4-7.
  • Psaume 113(112),1-2.5-6.7-8.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 2,1-8.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 16,1-13 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens.
Il le convoqua et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.”
Le gérant se dit en lui-même : “Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte.
Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.”
Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier :
— “Combien dois-tu à mon maître ?”
Il répondit :
— “Cent barils d’huile.”
Le gérant lui dit :
— “Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.”
Puis il demanda à un autre :
— “Et toi, combien dois-tu ?”
Il répondit :
— “Cent sacs de blé.”
Le gérant lui dit :
— “Voici ton reçu, écris quatre-vingts.”
Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. »

Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.
Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande.
Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ?
Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ?

Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »