Homélie du 27e dimanche du temps ordinaire

8 octobre 2018

« Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. »

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Texte de l’homélie :

« Faites bien attention à la manière dont vous entendez !
Faites bien attention à la manière dont vous écoutez… »

C’est ce que Jésus invite ses disciples à faire. Effectivement, dans cet évangile, on nous dit que les Pharisiens viennent avec la question du divorce pour tendre un piège à Jésus. Aujourd’hui, on voit bien aussi que chaque fois que l’on aborde ces questions avec l’Église, c’est en général pour tendre un piège.

Dans quel contexte Jésus dit-Il cette parole ? Il en parle au moment où Il dit qu’on ne met pas une lumière sous le boisseau. Peut-être que de nos jours on comprend un peu moins car, les lumières étant plus fortes, on préfère les éclairages indirects. Mais, si l’on reprend la lumière telle que Jésus la connaît, on la met sur le lampadaire. Et Jésus continue en disant :

« Car tout ce qui est caché sera révélé au grand jour… »

Cela m’a donné l’idée de faire un petit sondage : en entendant cette dernière parole, à peu près 90% des gens pensent que ce sont leurs péchés, leurs propres ténèbres et turpitudes qui vont être mis au grand jour… Or, dans le contexte où nous sommes, il n’est absolument pas question de cela. Voyez comment on peut entendre la Parole de manière déformée, exactement comme Adam et Eve ont entendu la Parole du Seigneur répétée par le serpent d’une manière inappropriée. Cela véhicule depuis des siècles – et plus spécialement - l’idée que Dieu ne nous aime pas vraiment, veut nous tendre un piège, comme un concurrent, un rival. Et c’est le soupçon qui est jeté sur Lui, et nous n’arrivons plus à Le voir comme le Miséricordieux, ni comme un père, ou alors à travers toutes les images tordues de père que nous avons, mais comme un père infiniment bon, comme le dit la liturgie.

On le voit bien aussi dans l’histoire de l’art, la manière dont est représentée quasi unanimement la scène du fruit défendu : il y a l’homme d’un côté, la femme de l’autre, l’arbre au milieu, et Satan set dans l’arbre comme un sauveur pour les libérer du joug de Dieu…

« Faites bien attention à la manière dont vous écoutez… »

On prend souvent ce texte pour en faire tout de suite l’apologie, la démonstration de l’indissolubilité du mariage, mais attention à la manière dont nous écoutons et rentrons dans l’intention de Jésus : qu’est-ce qu’Il nous propose ?
Pour finir avec cette mise en garde sur l’écoute, il reste un petit verset qui reste une énigme pour la plupart d’entre nous :

« Car à celui qui a, on donnera encore, et à celui qui n’a pas, on lui enlèvera même ce qu’il a. »

De notre point de vue, c’est injuste ! Or, qu’est-ce que Jésus est en train de dire : à celui qui a écouté, entendu d’une manière juste, même si c’est un petit grain, cela va fructifier. C’est bien différent de celui qui croit avoir toute la connaissance. Et Jésus montre ainsi les Pharisiens qui croient avoir toute la science, savoir toutes les choses sur Dieu, sur toute la doctrine, et qui savent que démontrer mais ne savent pas se mettre dans le courant de la vie de Dieu. Comme le rappelle le pape dans son exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté : on reste à une connaissance, une expérience vécue, mais c’est quelque chose de mort, qui ne fructifie pas.

Revenons alors à ce que Jésus nous enseigne : à quoi nous invite-t-il avec cette parole ? Devant cette question, il propose de revenir à la Loi :

« Qu’est-ce que dit Moïse ? »

Ils répondent que c’est permis, mais qu’il faut un acte de répudiation. ET les rabbins, selon l’école de Illel et l’école de Shammaï ne le formulent pas de la même manière : les uns sont très laxiste, les autres de manière rigoriste, mais, en effet, c’est admis.
Et Jésus répond que ceci a été institué à cause de leur dureté de cœur. Il faut bien comprendre ici ce qu’est la Loi dans l’Écriture. A ce propos, Saint Paul nous dit que la Loi nous sert à démasquer le péché, à démasquer la dureté de notre cœur. Et il y a en effet une allusion à ces concessions, notamment dans le prophète Ézéchiel :

« Je leur ai donné des règles qui ne sont pas de bonheur, et des chartes telles que la vie n’est pas en elles. »

Que fait toute l’histoire de la Bible, si ce n’est de nous montrer le chemin de Dieu, non pas d’une manière abstraite : elle nous montre comment ces commandements de la vie de Dieu, ces invitations à la vie divine rencontrent des passages difficiles et des impasses, tout comme Saint Pierre dans l’Évangile qui sont en état de confession constante des difficultés qu’ils rencontrent.
Mais, Jésus vient nous sauver. Il vient nous tirer de l’eau et des ténèbres pour nous amener à la lumière. Et voilà que nous sommes aux prises avec la dureté endémique de notre cœur, tout comme Israël.

Bien entendu, Jésus enseigne sur l’indissolubilité du mariage, mais Il n’enseigne pas comme un code rigide, raide, mais Il vient nous ouvrir un chemin. Il vient nous ouvrir le chemin du bonheur par ce récit de l’origine, de comment nous pouvons vivre comme sortis de la main de Dieu, comme jaillissant du cœur de Dieu avec cette force qui Lui est propre dans notre cœur. Parce que le Seigneur est la source de l’unité : c’est toute la source de la Foi d’Israël, son credo :

« Écoute Israël, le Seigneur est Un.
Tu adoreras le Seigneur ton Dieu qui est l’Unique… »

Nous sommes appelés à grandir dans cette unification pour ne pas laisser notre cœur avec ces contradictions, ces passions, mais pour pouvoir vivre pleinement dans cette unité à laquelle le Seigneur nous invite.

Ainsi, comme le dit le pape François, il est important pour nous d’être reçus et accompagnés sur le thème du mariage, de conduire les époux sur leur chemin, plus largement, de laisser notre vie être touchée, non pas par une connaissance et une loi, mais par la grâce.
Quelle définition donne-t-il de la grâce ? C’est laisser nos vies fragiles, laisser notre pauvreté rencontrer la puissance du Christ ressuscité.

Il ne peut pas y avoir de mariage chrétien s’il n’y a pas de sainteté, s’il n’y a pas ce chemin avec le Seigneur qui nous touche par Sa grâce, Lui qui nous relève, nous invite à entrer dans notre chemin, à laisser découvrir ces contradictions, ces pauvretés, ces ténèbres à la lumière.
C’est ce que Jésus appelle « prendre sa croix ». Car, effectivement, devant nos ténèbres, devant nos cœurs remplis de contradictions et de forces contraires, nous risquons de nous refermer, de partir toujours de notre blessure, et d’essayer tant bien que mal d’avancer, alors que le Seigneur nous appelle à les mettre à la lumière et à aller de l’avant. Aller de l’avant avec ce cœur plus profond, avec cette grâce du baptême qu’Il a mis au fond de notre cœur.

Sans doutes, les gens diront : « mais, c’est impossible ! » et Jésus répond comme Il le fait juste après dans l’Évangile par rapport à l’argent, autre dieu qui existe dans notre monde :

« Certes, à l’homme, cela n’est pas possible. Mais à Dieu, rien n’est impossible. »

A qui vit du Royaume de Dieu, de cette présence décisive de Dieu dans son cœur, rien n’est impossible. Et c’est pour cela que Jésus nous présente l’enfant dans la suite de ce texte : apprendre à accueillir le Royaume comme les enfants l’accueillent. L’enfant, c’est celui qui va toujours de l’avant. Il n’est pas celui qui construit le monde avec ses propres forces : il sait que le monde lui pré-existe, il n’en revendique pas maîtrise, mais il reçoit sans cesse des autres. Et ainsi, le Royaume ne peut être donné qu’à ceux qui sont capables de recevoir la grâce, de recevoir cette force qui fait aller de l’avant, pour laisser la vie jaillir et produire son fruit.

Dans notre monde qui met l’indissolubilité du mariage comme une impossibilité, le présente comme quelque chose de caduque ou une morale d’un autre temps, c’est ce que nous percevrons si nous écoutons mal. Mais, si nous écoutons bien, recevons cette lumière et apprenons à laisser notre cœur être travaillé par la grâce. Lorsque nous rencontrons des difficultés, ce n’est pas l’heure de se décourager : c’est l’heure de se plonger dans le cœur de Jésus, c’est l’heure de nous tourner vers Lui, de l’appeler, et d’apprendre à aller de l’avant, et laisser notre cœur être modelé, unifié

Effectivement, il n’y a d’Église que s’il y a des saints. Et, comme l’explique encore la pape François, les Saints ne sont pas des héros : ce sont des pauvres qui savent – comme les enfants – accueillir la grâce, accueillir le secours de Dieu qui ne nous fera jamais défaut.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Lecture du Livre la Genèse 2,18-2
  • Psaume 128(127),1-2.3.4-5.6
  • Lecture de la Lettre de Saint Paul apôtre aux Hébreux 2,9-11
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 10,2-16 :

« Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient :
— « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
Jésus leur répondit :
— « Que vous a prescrit Moïse ? »
Ils lui dirent :
— « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Jésus répliqua :
— « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle.
Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme.
À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »

De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question.
Il leur déclara :
— « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle.
Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »

Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement.
Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit :
— « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. »