Homélie du 2e dimanche de Carême

24 février 2016

Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul.

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Texte de l’homélie :

Où se situe la Transfiguration dans l’Évangile ?

Chers frères et sœurs, savez-vous où se situe la Transfiguration dans l’Évangile ? Au début, au milieu, à la fin ?
La transfiguration se situe au milieu de l’évangile. C’est un sommet. Le premier versant est celui où Jésus commence à se révéler par Ses paroles et Ses miracles. Le second versant conduit à Jérusalem où Jésus va mourir et ressusciter. Entre ces deux versants, il y a un sommet.

- C’est d’abord la profession de foi de Pierre en Jésus : « Jésus leur demanda : ’Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?’ Alors Pierre prit la parole et dit : ’Le Christ, le Messie de Dieu.’ » (Lc 9, 20)

- Mais c’est aussi la première annonce de la passion et de la mort de Jésus : Jésus déclara : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. » (Lc 9, 22) et « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. » (Lc 9, 23-24)

- « Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. » (Lc 9, 28) C’est la Transfiguration.

- Peu de temps après la transfiguration, Jésus leur redit : « ’Ouvrez bien vos oreilles à ce que je vous dis maintenant : le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes.’ Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, elle leur était voilée, si bien qu’ils n’en percevaient pas le sens, et ils avaient peur de l’interroger sur cette parole. » (Lc 9, 44-45)

La transfiguration pour éclairer le mystère de la Passion et de la mort de Jésus

Dans ces circonstances, comment douter que cette transfiguration ne soit donnée pour éclairer le mystère de sa Passion et de sa mort. Si vous voulez en avoir une confirmation : quel est le sujet de la conversation d’Elie et Moïse avec Jésus ? « Ils parlaient de son départ (de son exode) qui allait se réaliser à Jérusalem. »

C’est ce que les Pères de l’Eglise aiment répéter : « L’heure de la Passion approchait… Or il ne fallait pas qu’à cette heure-là les disciples se trouvent ébranlés dans leur esprit ; il ne fallait pas que ceux qui, un peu plus tôt, avaient confessé par la voix de Pierre qu’il était le fils de Dieu (Mt 16,16) aillent croire, en le voyant fixé à la croix comme un coupable, qu’il était un simple homme. C’est pourquoi il les a affermis par cette admirable vision. Ainsi, quand ils le verraient trahi, en agonie, priant pour que soit détourné de lui le calice de la mort et traîné dans la cour du grand-prêtre, ils se souviendraient de la montée au Thabor et comprendraient que c’est de son plein gré qu’il est livré à la mort… Quand ils verraient les coups et les crachats sur sa face, ils ne seraient pas scandalisés, se remémorant son éclat qui surpassait le soleil. Quand ils le verraient revêtu par dérision du manteau de pourpre, ils se souviendraient que ce même Jésus avait été vêtu de lumière sur la montagne. Quand ils le verraient crucifié sur le gibet entre deux malfaiteurs, ils sauraient qu’il était apparu entre Moïse et Élie comme leur Seigneur. Quand ils le verraient enseveli en terre comme un mort, ils penseraient à la nuée lumineuse dont il avait été couvert. » (Théophane de Céramée, moine basiléen du 12e siècle)

La transfiguration est le mystère lumineux par excellence. Pour traverser l’épreuve, il est précieux d’avoir une lumière. La transfiguration est donc donnée aux apôtres pour affermir leur confiance, leur foi, en Jésus. Et cela dans un contexte de souffrance : nous sommes tellement désorientés par rapport à la souffrance et au mystère de la puissance du mal. Nous savons combien Pierre se rebellait à l’idée de voir Jésus souffrir.

C’est précisément pour cela qu’il est question d’un sommeil mystérieux. Ce sommeil nous le trouvons dans la première lecture, nous le retrouverons aussi au moment de l’agonie de Jésus. Nous le retrouvons à des moments où l’homme se sent complètement dépassé.

Le centre du texte, c’est « écoutez-le ». Pour aborder la passion et la mort de Jésus, les apôtres sont invités à écouter Jésus. Il a une crédibilité car non seulement Moïse et Elie (c’est-à-dire toute l’Ecriture) lui rendent témoignage mais aussi le Père. Dans des oreilles juives, le « Ecoutez-le » a un relief particulier : c’est le "Shema Israël", la profession de foi quotidienne, le rappel du Dieu Unique à qui Israël doit sa libération.

La voix du Père est une invitation à la foi en Jésus. Dans la première lecture, c’est la première apparition du mot « Foi » dans la Bible. Le mot « croire » en hébreu vient de la racine « M-A-N » (d’où vient le mot « Amen ») qui signifie "tenir fermement« . Croire c’est »TENIR", faire confiance jusqu’au bout, même dans le doute, le découragement, ou l’angoisse.

Plus tard, Saint Luc rapportera les paroles de Jésus aux deux disciples d’Emmaüs découragés : « "Ô coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ?" Et, commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta dans les Ecritures tout ce qui le concernait. »

La Transfiguration pour éclairer notre propre chemin à la suite de Jésus

«  Voilà donc un motif de la Transfiguration. Et peut-être y en a-t-il un autre : le Seigneur exhortait ses disciples à ne pas tenter d’épargner leur propre vie ; il leur disait : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et me suive » (Mt 16,24). Mais renoncer à soi-même et aller au-devant d’une mort honteuse, cela semble difficile ; c’est pourquoi le Sauveur montre à ses disciples de quelle gloire seront jugés dignes ceux qui auront imité sa Passion. La Transfiguration n’est rien d’autre en effet que la manifestation par avance du dernier jour « où les justes resplendiront en présence de Dieu » (Mt 13,43) » (Théophane de Céramée, moine basiléen du 12e siècle)

C’est ce que dit saint Paul à diverses reprises : « Nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer. » ou encore « J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous. »

Nous sommes donc invités à la confiance à l’égard de Jésus, et, par voie de conséquence, aux paroles qu’il nous a dites. C’est « Jésus seul » qui nous est donné pour notre chemin. Un épisode advenu il y a de nombreuses années me paraît éloquent : il y a plus de 50 ans, un prêtre s’est retrouvé en plein milieu de la campagne avec les phares de sa voiture qui ne fonctionnaient plus. Que faire ? C’est alors qu’il a vu arriver une voiture. Il s’est mis à la suivre et cela lui a permis d’arriver à bon port. Ainsi en va-t-il aussi quelquefois de nous : dans la nuit de la souffrance ou du péché, nous ne voyons plus clair. C’est le moment alors de nous mettre à la suite de quelqu’un qui voit mieux que nous, de nous mettre à la suite de Jésus. Quand on ne voit plus, il y a toujours l’audition ; on peut toujours écouter.

Peut-être avez-vous remarqué la superbe oraison de ce jour. Voilà ce qu’elle dit : «  tu nous as dit, Seigneur, d’écouter ton Fils bien-aimé : fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin ; et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire  ». Peut-être vous vient-il à l’esprit ce moment difficile où le prophète Elie est découragé : il s’assoit sous un buisson et arrête d’avancer. C’est alors que lui sont donnés du pain et de l’eau pour poursuivre sa route : «  prends et mange car sinon le chemin sera trop long pour toi  ». Ainsi en est-il de la Parole de Dieu pour nous. Nous sommes appelés à vraiment nous en nourrir. La Parole de Dieu est une lumière qui nous aide aussi à traverser les moments plus sombres. Comme le dit le psaume : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? » La Parole de Dieu nourrit notre foi et nous permet d’aiguiser notre regard afin qu’il puisse discerner la gloire de Dieu.

Conclusion

Dans le prolongement de cette méditation, je vous invite à vous nourrir de la Parole de Dieu. Elle est lumière sur notre chemin comme le chante en particulier le psaume 118. Cette Parole, c’est cette nourriture qui vient nous aider à poursuivre le chemin, en particulier dans les moments les plus sombres.

Amen.


Référence des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 15,5-12.17-18.
  • Psaume 27(26),1.7-8.9abcd.13-14.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 3,17-21.4,1.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9,28b-36 :

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus :
— « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre :
— « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul.

Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.