Homélie du deuxième dimanche de Pâques - Dimanche de la miséricorde

25 avril 2022

« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »

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Texte de l’homélie :

Quand on étudie la construction de la personne humaine et son développement, il est important de s’intéresser à la part qu’ont les cinq sens dans le développement du nourrisson, de l’enfant, et ensuite de la personne adulte. Parmi eux, ont pourrait en citer trois :

  • La vue a ce rôle particulier de participer à l’identité : quand un enfant se voit dans un miroir et se reconnaît, il s’identifie à l’image qu’il a en face de lui.
  • L’ouïe c’est le sens du disciple : la Foi entre par l’oreille, elle vient de ce que l’on a entendu.
  • Le toucher a un rôle particulier, car il renvoie à la sécurité dans l’amour. C’est au point que l’on peut être complètement non voyant ou malentendant, on ne peut pas être privé du sens du toucher sur la totalité de son corps, sinon, on devient fou ou on meurt. Le toucher permet en premier lieu de se repérer dans l’espace.

C’est intéressant, car il s’agit bien de toucher dans cet évangile, c’est ce que dit précisément Thomas, lui qui est appelé « le jumeau ». D’ailleurs, comment ne pas s’empêcher de penser à l’autre jumeau : qui est-il sinon nous-même ?

« Si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirais pas ! »

Si vous avez en tête le tableau du Caravage qui représente cette scène extraordinaire, on voit bien que cela a à voir avec la sécurité dans l’amour. Cette sécurité permet de croire en la résurrection.
Pour croire en cet amour de Dieu plus fort que la mort, Thomas avait besoin de toucher. C’est la même chose pour l’enfant qui a besoin de tendresse, pour le nourrisson qui ne peut pas vivre sans être pris dans les bras, dorloté et câliné.

Pour Thomas, il y a ce côté un peu enfantin dans la Foi avec cette volonté de toucher le Seigneur. Et il est intéressant de faire le lien avec la miséricorde. Vous le savez, dans son encyclique, le pape Jean-Paul II dit :

« Dans le sacrement de réconciliation, la miséricorde de Dieu se vit comme un certain toucher. »

Il fait ce lien et dit que c’est un toucher spirituel, qui vient toucher notre âme par le Saint Esprit et par l’absolution donnée par le ministre. Non pas notre épiderme, en surface, mais notre intériorité. C’est ainsi que nous sommes sécurisés dans l’amour. Ce n’est pas une expérience charnelle ni corporelle, mais une expérience spirituelle.

Ainsi, il est intéressant de faire le lien entre ce passage d’Évangile avec Thomas qui veut toucher le Christ dans Ses plaies et ce toucher de la grâce dans le sacrement de la réconciliation. Dans les deux cas, il y a cette sécurité de l’amour qui est recherchée. Précisément, cette certitude de se savoir pardonné nous conforte dans notre profonde identité de croyant et dans notre profonde identité de personne humaine. Cela nous donne une sécurité que nous n’aurions pas si simplement en s’adressant directement à Dieu, comme l’envisagent certaines traditions chrétiennes.
Certes, on peut faire preuve de contrition à l’égard du Seigneur, mais le fait d’entendre le prêtre et qu’il impose les mains en donnant le pardon permet d’être touché par la grâce.

Ainsi, il est bon de voir le lien entre Thomas qui a besoin d’être sécurisé par le toucher et nous-mêmes qui avons besoin d’être sécurisés dans l’amour avec cette certitude d’être pardonnés dans le sacrement de réconciliation. Et notons que Jésus leur annonce juste après ce passage :

« Recevez l’Esprit-Saint !
A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis. A qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

Mais, il y a une évolution, car on ne peut pas rester tactile toute sa vie… En dehors des cultures qui se vivent ainsi – comme c’est le cas en Argentine - on voit également des personnes qui ont besoin d’être sécurisées même à l’âge adulte. Il faut pourtant évoluer et c’est la même chose avec Thomas : Jésus l’emmène plus loin. Lui a besoin d’être sécurisé dans la Foi, dans l’amour plus fort que la mort, qui a besoin d’avoir la preuve que la résurrection, triomphe de l’Amour par excellence existe bien, il lui faut passer à l’étape d’après, celle de la Foi.

Et Jésus fait ensuite le lien entre la Foi et la vue avec cette formule de béatitude :

« Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’une fois que l’on est sécurisé dans l’amour, il nous faut poser ce regard de Foi sur le Christ ressuscité afin de Le rejoindre. Il ne s’agit pas juste de toucher le corps glorieux du Christ, c’est la Foi qui permet de prendre contact avec le Ressuscité.
Thomas, notre ami et notre jumeau, a besoin de mûrir et de grandir dans la Foi. Du point de vue spirituel, il a besoin de sortir de son état de nourrisson, de petit enfant, pour aller dans une phase adulte de sa Foi, c’est tout le principe de réassurance en psychologie.

Ainsi, ce n’est pas le toucher mais la vue qui fait l’identité Chrétien. Tout comme on se reconnaît dans un glace – démarche bien personnelle – le Chrétien se reconnaît comme tel en voyant le Christ. Ce qui fait on identité, c’est une certaine manière de voir.

Nous le savons, la Foi est le chemin du regard. Être croyant, c’est ne manière de voir événements et personnes d’une certaine manière que le non croyant n’aura pas. Cette vision là et ce regard là sont donnés par la Foi.
Ainsi, à travers Thomas, le Seigneur nous invite à cheminer. Parfois, nous avons ce côté un peu infantile nous attachant trop à l’émotivité et recherchant à revivre des moments forts que nous avons eus émotionnellement dans la Foi. Et le Seigneur nous dit que ce n’est pas d’abord ça qui fait le croyant. Ce qui fait le croyant, c’est de croire sans avoir vu, sans sentir ni ressentir une émotion particulière.

Comme prêtre, on n’a pas forcément des extases mystiques à chaque Eucharistie, mais tout est-il que c’est la Foi qui nous fait célébrer l’Eucharistie. Et quand nous disons « Le corps du Christ », nous croyons effectivement que, par la Grâce de notre ordination, le Corps du Christ est là, présent sur l’autel.

Il est intéressant de voir que ce chemin de Pâques est un chemin de progression. C’est une invitation à devenir adulte dans la Foi. Jésus a une pédagogie de la Pâque, Il nous aide à devenir adulte dans la Foi et à sortir d’une certaine immaturité, de ce besoin d’être rassuré, à quelque chose d’adulte. Même si le Christ Ressuscité ne nous apparaît pas avec Son corps glorieux – ce qui est le cas de très grande majorité d’entre nous – nous n’avons pas besoin de cela pour croire en Lui. C’est précisément cette Foi qui nous donne accès au Christ.

C’est la grâce que nous demandons à chaque Eucharistie, c’est ce que nous répondons quand on dit :

« Il est grand le mystère de la Foi… »

C’est justement ce que nous faisons à chaque Eucharistie : nous nous exerçons dans la Foi. C’est comme un exercice spirituel pour reconnaître le Christ Ressuscité présent sur l’autel.

Alors, on va demander cette grâce au Seigneur de manière particulière. Ceux qui sont parents et grands-parents le savent bien, ce qui est le plus important dans l’éducation, c’est de sécuriser les enfants dans l’amour. Et parce que nous sommes sûrs de l’amour de Dieu, sécurisés dans Son amour, nous allons plus loin, nous allons vers l’âge adulte, nous adoptons un regard de Foi qui nous permet de devenir des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 5,12-16.
  • Psaume 118(117),2-4.22-24.25-27a.
  • Livre de l’Apocalypse 1,9-11a.12-13.17-19.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20,19-31 :

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. _À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient :
— « Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara :
— « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux.
Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas :
— « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Alors Thomas lui dit :
— « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit :
— « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.