Texte de l’homélie
Frères et sœurs,
Je ne vous connais pas tous, mais êtes-vous animés par la curiosité ? C’est un grand sujet que la curiosité : il y a la bonne et la mauvaise… Si c’est le cas, il doit vous arriver, comme moi, de souhaiter vous glisser dans un trou de souris rien que pour entendre certaines conversations.
Une des conversations qui continuent à me fasciner est celle qui a été filmée en prison un certain 27 décembre, il y a quelques années déjà, entre Saint Jean-Paul II et Mehmet Ali Ağca, cet homme qui a essayé d’assassiner le pape. On la retrouve facilement sur Internet, et vous verrez, à un moment donné, pour lui parler en toute liberté et que personne ne puisse lire sur leurs lèvres, Jean-Paul II tourna volontairement le dos à la caméra.
Quel a été le contenu de leur conversation ? Beaucoup d’hypothèses mais peu de certitudes. Et j’aurais bien aimé être présent, dans un trou de souris ! D’autant plus que par la suite, semble-t-il, Ali Ağca s’est converti et il a accompagné le pape François à Fatima pour prier Marie.
Et bien, figurez-vous qu’aujourd’hui, pour entendre ce que Jésus veut dire à Son Père, nous n’avons pas besoin de vous faufiler dans un trou de souris ! Car grâce à l’apôtre Jean, nous méditons depuis plusieurs jours cette grande prière sacerdotale de Jésus et nous sommes comme témoins directs de la prière de Jésus à Son Père. N’est-ce pas extraordinaire ? Dieu qui parle à Dieu !
Ainsi, je me suis dit qu’il était bon de rappeler et d’approfondir ce texte spirituel en quelque points, notamment pour vous les jeunes qui êtes en discernement. Ces quelques clefs pour lire la parole de Dieu ne peut que vous faire du bien.
Le silence divin
Tout d’abord, vous pouvez remarquer que Dieu le Père n’est pas très bavard dans cette prière : il n’y a que Jésus qui parle. Il n’est finalement pas plus bavard avec Jésus qu’avec nous… Et c’est assez éclairant dans notre prière : si nous n’entendons pas beaucoup Dieu nous parler dans notre prière, c’est normal ! nous ne sommes pas comme Jehanne d’Arc qui a entendu Dieu lui parler directement. Ce n’est pas mauvais mais peu importe, car ce n’est pas le plus important.
Remarquons plutôt que Dieu ne se répand jamais en verbiage. Dans un monde où il y a tant de bruit, c’est bon de l’entendre. Il parle tout de même, Il est la parole, mais essentiellement dans un silence amoureux. Ça peut se comprendre quand on est amoureux : parfois on est ensemble et on ne dit rien, mais ça va, on se comprend.
Dieu Se dit, Se donne et Se reçoit dans un silence amoureux en premier. C’est ce qui se vit entre le Père et le Fils. Voilà de quoi nous inspirer, frères et sœurs, dans notre lien à Jésus : ne pas s’inquiéter de ne rien entendre directement de la part du Père. Apprendre à écouter le silence, et c’est une sacrée école.
Je vous conseille un livre que je suis en train de lire : La force du silence, du Robert Cardinal Sarah. C’est magnifique !
La louange de Jésus
Et puis, avez-vous remarqué que lorsque Jésus prie, Il fait beaucoup de prières de demande comme nous lorsque nous faisons des invocations et des prières de demande avec un cierge…
Mais Jésus, Lui, à l’opposé de nous, demeure dans la louange et la gratitude, alors que Dieu ne semble pas Lui répondre. Sommes-nous si patients lorsque la Sainte-Vierge ne nous répond pas tout de suite à nos questions ? Savons-nous rester dans la louange et dans l’attente à la fois, confiants que Dieu a quelque chose de bon à nous préparer, même si on ne le voit pas. C’est un acte de Foi que l’on peut poser.
Enfin, la prière de Jésus, même si elle est essentiellement un dialogue d’amour entre Son Père et Lui, intime, elle n’est pas pour autant intimiste… Vous souvenez-vous de ce qu’Il dit ?
« Je ne te prie pas seulement pour ceux qui sont là mais aussi pour ceux qui, grâce à leurs paroles, croiront en moi. »
Ceux qui sont là, ce sont les apôtres, Ses amis et Ses proches, et ceux qui croiront en Lui grâce à leurs paroles, c’est chacun d’entre nous. Ainsi, Jésus prie pour tous les hommes, du premier Adam jusqu’au dernier Adam… C’est magnifique ! Il s’agit d’une prière intime qui suscite la communion avec les autres.
C’est ce que Jean-Paul II a manifesté particulièrement avec cette rencontre avec Ali Ağca.
Force du silence, force de la louange jusque dans les épreuves (même si ce n’est pas naturel), et communion et unité en Christ dans tout ce qui ne va pas. Voilà peut-être de quoi nous inspirer à travers l’évangile d’aujourd’hui qui sont des réalités spirituelles accessibles à chacun, que nous soyons frères, jeunes, mariés ou pas encore.
Autre méditation possible : dans cette prière, on peut être surpris d’entendre ces répétitions du mot gloire. Et Jésus qui a vécu si humblement - né dans une crèche, Il ne s’est pas auto-glorifié et Il est allé jusqu’à la mort, et quelle mort… - demande la gloire avec insistance dans Sa prière intime avec Son Père.
Vous le savez, mais c’est bon de le réentendre. Je vous propose deux pistes de réflexion sur la gloire et sur l’amour véritables.
La gloire qui demeure
Pour la première, il est intéressant de savoir qu’en Hébreu, le mot « gloire » et le même utilisé pour dire « ce qui a du poids » dans le sens de la consistance, bibliquement parlant.
Donc, comprenons que la Bible envisage la gloire à l’inverse de l’esprit du monde. Dans le monde, la gloire ce sont les paillettes, comme sur la Croisette. C’est bien, quel bonheur pour ces dames et ces messieurs, ce n’est pas forcément mauvais. Les succès en sont aussi un exemple, comme on le voit avec le Paris-Saint-Germain : les supporters ressentent cette gloire quand ils sont champions. C’est bien, mais c’est une gloire éphémère, c’est une gloire limitée : en effet, il faudra regagner la coupe, il faudra repasser à la Croisette…
Dans la Bible, à l’inverse, la gloire ce sont ces belles choses qui demeurent, qui résistent à toutes les tempêtes de la vie. Pour les jeunes couples qui se préparent au mariage, il est important de réfléchir à ce qu’ils peuvent mettre en place pour pouvoir traverser les différentes tempêtes qui vont de présenter au moins une fois dans votre vie.
A ce sujet, vous avez cette magnifique parole de Paul, cette superbe conclusion de son hymne à l’amour que je vous invite à relire, vous les jeunes qui vous préparez au mariage, dans le chapitre 13 de la première lettre qu’il adresse aux Corinthiens.
C’est cet amour-là qui ne passera jamais, c’est cette gloire-là qu’il faudra quand même expérimenter un jour dans votre vie et pour l’éternité.
Et Sainte Thérèse d’Avila l’expérimente et nous transmet :
« Solo Dios basta ! »
Ainsi, en attendant la venue du Saint Esprit, nous, moi le premier, pouvons nous poser la question : « quelles sont les réalités auxquelles je tiens par dessus tout dans ma vie ». Ce sont des sujets sur lesquels Jésus pourrait nous montrer la fragilité de nos raisonnements, nous suggérer de ne pas trop nous attacher à des choses qui manquent de solidité afin de ne pas tomber de trop haut, pris dans des gloires éphémères.
Ce n’est pas pour nous faire souffrir, mais pour se recentrer sur l’essentiel. La vraie gloire, nous le savons, nous ne la recevons que de Dieu seul. Hier soir, j’étais content de pouvoir confesser des jeunes tardivement et d’assister à ces temps de gloire et de communion avec Dieu, pendant que d’autres fêtaient la victoire dans le stade. Pourquoi pas, ce n’est pas opposé, mais il y a gloire et gloire.
L’amour au delà des limites
Autre chose, si Jésus demande la gloire tout en étant très lucide sur ce qui va arriver, c’est qu’Il est en train de prier juste avant d’être crucifié. Il demande justement à Son Père la force d’aller jusqu’au bout. Là encore, ce n’est pas naturel : tenir bon, être solide dans l’épreuve - alors qu’on a parfois l’impression que tout l’écroule - et de ne pas manquer d’amour, celui que Dieu peut donner. Jésus a aimé Ses propres bourreaux jusqu’à la fin. Certes, Il est Dieu, mais nous pouvons en trouver de la bonne graine : aimer jusqu’au bout, avec le Saint-Esprit.
D’un point de vue humain, le succès de Jésus est plutôt manqué, mais Il demande à Son Père qu’Il accomplisse et féconde Sa mission. Nous avons tous une mission : être des fils et des filles de Dieu, des saints. Que cette fécondité aille au delà de la mort de la Croix.
Et la preuve que cela fonctionne, c’est que nous sommes ici ce matin pour former cette assemblée dominicale.
Frères et sœurs, cette demande, nous pouvons la faire nôtre. Demandons ces grâces, chacun à sa façon, selon sa Foi qui grandit. Demandons que notre vie soit fondée sur un amour qui demeure. Cela se demande dans le Saint-Esprit. Demandons qu’elle soit féconde bien au delà de nos vies terrestres, d’une façon visible.
Pour cela, avec Marie et les apôtres, sachons ordonner et canaliser notre curiosité, pour qu’elle soit saine et se dirige vers l’essentiel. Qu’elle se laisse questionner par les choses du Ciel, puisque l’Esprit-Saint n’attend que cela : nous donner à chacun dès maintenant Sa gloire et Son amour qui passeront jamais
Pour cela, reprenons cette belle phrase de Saint Jean dans l’Apocalypse :
« L’Esprit et l’épouse disent « Viens ! ». Celui qui a soif, qu’il vienne ! Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie gratuitement ! »
Et répondons : « Oui, je viens sans tarder, Amen ! Seigneur, Jésus ! »,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 7,55-60.
- Psaume 97(96),1-2b.6.7c.9.
- Livre de l’Apocalypse 22,12-14.16-17.20.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 17,20-26 :
En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi :
« Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi.
Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.
Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.
Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »