Homélie du 10e dimanche du Temps Ordinaire

11 juin 2013

La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. »
Et cette parole se répandit dans toute la Judée et dans les pays voisins.

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Texte de l’homélie :

Quand on médite un texte biblique, il est toujours intéressant de le resituer à l’intérieur de son contexte. Ce texte, issu du 7e chapitre de Saint Luc, qui nous relate un miracle, vient après d’autres textes où Jésus a professé une parole : par exemple, au 5e chapitre, c’est les Béatitudes, ensuite une série de malédictions, ensuite Jésus parle de l’amour des ennemis, bâtir sur le roc, la paille et la poutre…
Bref, toute une série de paroles que le Seigneur a données pour annoncer le Royaume de Dieu.

Et là, à partir du 7e chapitre, Jésus commence à faire des miracles, à poser des gestes. Et avant cette résurrection du fils de la veuve de Naïm, il y a eu la résurrection du serviteur du centurion, à la demande du centurion, c’est-à-dire d’un païen, Il a réalisé un miracle.

Geste et parole ne vont pas l’un sans l’autre

Au fond, pour que la parole soit entendue, il faut qu’il y ait aussi un geste qui l’accompagne, quelque chose qui montre que la parole est véridique. Comme nous le trouvons aussi dans le récit du miracle qu’ Élie a réalisé suite à sa prière sur cet enfant qui était mort. Et la mère de cette enfant ressuscité dit :

« Maintenant, je sais que tu es un homme de Dieu et que dans ta bouche la parole du Seigneur est véridique. »

C’est important que la parole que nous pouvons professer, annoncer, la parole qui annonce le règne de Dieu soit aussi suivie de gestes. Sinon, cette parole ne peut pas être entendue.

Parole et geste, n’est-ce pas la définition de chaque sacrement ? Un sacrement, c’est une parole qu’un geste accompagne, c’est un geste qu’une parole accompagne, les deux sont unis dans le sacrement. Que ce soit pour le baptême, pour chaque sacrement, évidemment pour l’Eucharistie que nous célébrons, on voit bien qu’il faut que d’abord la parole soit prononcée et ensuite le geste ; comme dans l’Eucharistie, le geste du don du corps soit aussi fait pour que cette parole acquiert toute sa force.

Mais il y a aussi un ordre dans l’annonce du Royaume de Dieu. Et il est intéressant que, dans l’Évangile de Saint Luc, ce ne soit pas d’abord les miracles qui soient faits et ensuite l’annonce du Royaume de Dieu, mais bien d’abord l’annonce de cette parole : l’amour des ennemis, la paille et poutre, les Béatitudes,… et ensuite le geste, le miracle. Parce qu’au fond, tout commence toujours par une parole.

Geste et parole dans la Création : la parole qui donne la vie

« Et au commencement, Dieu dit… »

Quand on voit déjà dans le récit de la Création, c’est cette parole qui est créatrice, qui peut donner la vie et que l’on réalise dans l’évangile d’aujourd’hui.

Faisons le lien entre la résurrection du fils de cette veuve qu’Élie a faite suite à sa prière, il s’est couché par trois fois. Il a dû poser un geste, il a dû s’étendre sur lui en suppliant le Seigneur. Alors que, pour la résurrection du fils de la veuve de Naïm, c’est uniquement par Sa parole que le Seigneur, parce qu’Il est Dieu, a ressuscité cet enfant et lui a donné la vie.

L’invisible rendu visible par le sacrement

Au fond, si « parole et geste » est la définition de sacrement, c’est aussi la définition du chrétien. Parce que qu’il n’y a pas que 7 sacrements. Le sacrement est le signe visible, qui rend visible l’invisible de Dieu. Chacun de nous y sommes appelés - et le pape François nous y invite grandement - chacun de nous sommes appelés à poser des gestes qui annoncent et rendent témoignage d’une parole, et cette parole s’enracine dans notre foi.

Nous voyons bien qu’unir les deux est parfois un peu difficile, parce que soit on est beaucoup dans l’annonce mais la vie ne suit pas, soit on est uniquement dans un certain enfouissement en se disant : « en me voyant vivre, les gens vont se rendre compte, il n’y a pas besoin d’annoncer une parole ». Et non, il faut les deux : parole et geste.

Et on le voit bien dans l’Eucharistie et dans chaque passage de la Bible, c’est toujours comme ça : il faut que le royaume de Dieu soit annoncé. Et je trouve que la difficulté dans la transmission de la Foi qui date déjà de quelques générations, c’est que nos parents ou nos grands-parents, selon l’âge que nous avons - n’ont peut-être pas eu la parole pour expliciter leur Foi.

Vous, les jeunes qui êtes là en récollection dans notre abbaye, qui vous préparez à votre profession de foi ou à votre confirmation - qui prenez un temps spirituel – il est important que vous puissiez dire les mots de votre foi. Parce qu’au commencement est la parole, au commencement est le « verbe ». Et si vous n’avez pas les mots de votre foi, vous aurez beau poser des gestes de charité, de soutien, d’amour, mais s’il n’y a pas eu cette parole qui, au début, a explicité le pourquoi du geste, on dira : « Aimer ? On n’a pas besoin d’être chrétien pour aimer ». Et heureusement ! Nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est amour, donc toute personne humaine est capable d’aimer. Mais il est important de dire pourquoi nous, nous posons ce geste d’amour et au nom de qui nous le posons.

Frères et sœurs bien-aimés, il est important que nous puissions redire et refaire cette logique de l’amour, redéfinir dans notre cœur ce en quoi nous croyons. Vous les jeunes qui allez faire cette profession de foi, c’est cela que vous allez vivre : vous remettez des mots sur votre foi. Et en même temps que notre vie soit en accord avec notre foi.

Évitons toute forme de contre-témoignage

Et nous voyons bien parfois des contre-témoignages. Quand, dans la vie, les gestes concrets ne sont pas vraiment en accord avec ce que nous professons, c’est ce qu’on appelle un contre-témoignage. Et le pape François a des paroles très fortes sur ce sujet.

Par exemple dans ses homélies du matin : à 7h00 du matin, il célèbre à la maison sainte Marthe, (vous savez qu’il y habite et non le palais apostolique). Cette messe est accompagnée d’une prédication. Il y a parlé récemment des « potins assassins ». C’est-à-dire qu’il faut faire attention : avec la langue, je peux bien sûr professer la parole de Dieu, mais je peux aussi détruire avec la langue. Je peux aussi casser une réputation, calomnier. Lui-même de répondre :

« Attention, vous, Chrétiens, de ne pas être des chrétiens uniquement par la parole de Dieu, mais que votre parole humaine n’annonce pas la parole de Dieu, n’y soit pas en accord. »

Et ainsi de suite. Par exemple, il parlait de la corruption, il n’y a pas si longtemps : si on rentre dans la corruption - lui qui vient d’un pays, l’Argentine, où malheureusement la corruption est assez monnaie courante, et peut-être aussi en France, où elle est peut-être plus cachée, mais où elle existe aussi sans doute. On ne peut pas être Chrétien et corrompu, ce n’est pas possible. La parole doit être dite, mais attention aux gestes que nous posons : est-ce que nous sommes en « justice » avec l’autre ?

Et le pape François de raconter cette anecdote : quand il était archevêque de Buenos Aires, une dame l’accoste et un peu pour se faire mousser, lui dit :
— « Vous savez, Monseigneur, je suis très impliquée dans la paroisse, je participe à des tas de mouvements, etc…. ».
Et il lui demande :
— « Avez-vous une employée domestique à la maison ? »
— « Oui, bien sûr ! »
— « Et cette activité est-elle est déclarée ? »
— « Alors là, si vous commencez à poser ce genre de questions, vous comprenez, c’est un peu gênant… »
Et lui d’ajouter :
— « C’est bien de professer, de participer à des mouvements d’Église et de soutenir la paroisse, mais si, au niveau de la justice sociale, comme c’est le cas parce que vous avez un employé de maison, vous ne la déclarez pas, c’est un contre-témoignage. »

Donc parole et geste résument la vie de Jésus, l’Eucharistie, et le Chrétien.

Alors demandons frères et sœurs que nous-mêmes nous soyons des témoins. Oui, il faut dire, mais aussi il faut faire.

« Ce n’est pas ceux qui disent : " Seigneur, Seigneur " qui entreront dans le royaume de Dieu, mais ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »

Notons aussi qu’après ce deuxième miracle, au 7e chapitre de saint Luc, ce n’est plus Jésus qui parle, mais il est dit :

« Et cette parole se répandit dans toute la Judée et dans les pays voisins. Ceux qui ont été témoins du geste deviennent eux-mêmes parole. »

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 17,17-24.
  • Psaume 30(29),3-4.5-6ab.6cd.12.13.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 1,11-19.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 7,11-17 :

Jésus se rendait dans une ville appelée Naïm. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule.
Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on transportait un mort pour l’enterrer ; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. Une foule considérable accompagnait cette femme.
En la voyant, le Seigneur fut saisi de pitié pour elle, et lui dit : « Ne pleure pas. »
Il s’avança et toucha la civière ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. »
Alors le mort se redressa, s’assit et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère.

La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. »
Et cette parole se répandit dans toute la Judée et dans les pays voisins.