Homélie du 4e dimanche du Temps Ordinaire

1er février 2011

« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. »

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« Où est-il ton Dieu ? »

20 heures… Heure de la grand-messe, la France se réunit devant le journal télévisé. Heure où la France s’abrutit devant une liturgie immonde, un chapelet d’obscénités, de violences, de choses aussi anodines que scandaleuses, des choses aussi merveilleuses que des étoiles, des stars de passage …
20 heures, le moment ou finalement, tout le monde va être ému du dernier soldat français mort en Afghanistan, de ces pauvres animaux maltraités dans une ferme du fin fond de l’Oise.
Et puis, à la fin de la liturgie, qui ne dure qu’une demie heure -c’est tout de même assez court, et c’est dans un fauteuil souvent confortable - la grande question que chacun se pose, le grand psaume qui sort du cœur de chacun : où est-il ton Dieu ?
La grande prière faite à l’Église de la part de toute la France : Où est-il ton Dieu ? Que fait-Il ?? Pourquoi a-t-il permis cela ? et sur un air de reproche, et peut-être sur un air de prière.

À cela, la réponse de l’Église est très pauvre. À la question « Pourquoi toute cette souffrance ? », la réponse est « Je ne sais pas. »
L’Église ne peut pas répondre à la question du mal. L’Église ne peut pas accuser Dieu de ne pas avoir été là. Une réponse serait peut-être le récit de la Genèse qui nous parle de la façon dont le mal a pu arriver dans le monde, dans le cœur de l’homme capable d’aussi belles choses.
Il n’y a pas de solution miracle, l’Église n’est pas une grande caisse à outils qui permettrait de peindre en rose un monde qui n’est pas que lumière.

La seule réponse de l’Église, c’est qu’on ne sait pas pourquoi il y a le mal, mais on sait comment s’en sortir. On ne sait pas pourquoi nous souffrons, mais l’Église dit : ayons l’humilité d’accepter la réalité du monde, la souffrance, et même le mal que tu es capable de faire, que d’autres sont capables de faire.

Et cette réponse de l’Église n’a qu’un seul visage : c’est le Christ. On ne sait pas pourquoi on souffre, mais on sait quel remède prendre, un seul : le Christ.

Les larmes de la veuve coulent sur les joues de Dieu.
Dieu est sensible, et bien plus que sensible. Il va nous donner son propre Fils pour consoler la veuve.
Et peut-être qu’un jour, si j’ai suffisamment grandi, quelque soit mon âge, je pourrai dire un jour « les larmes de la veuve coulent sur mes propres joues. »…

À ces questions, Jésus va tenter de répondre.
Jésus est entouré de la foule. Il monte sur la montagne, il s’assied, il ouvre la bouche. Il va donc se passer quelque chose d’important…

Jésus n’est pas venu apporter une solution à nos questions. Il est venu les purifier.

D’autres fois, Jésus nous a donné des réponses claires : « vends tout ce que tu as et suis-moi. »
Mais aujourd’hui, Jésus nous donne des clés un peu plus difficiles à comprendre : les Béatitudes… Ce ne sont pas des choses à faire, des solutions à nos problèmes. C’est « Qui es-tu ? ». Quels sont vraiment tes problèmes.

La question est là : quelle est ma place. Si je cherche Dieu, si je veux savoir comment Il agit dans ma vie, je dois savoir d’abord qui je suis. Et les Béatitudes ne sont pas des choses à faire. Dieu nous propose de regarder notre vie avec réalisme et de l’accueillir.

La Béatitude c’est se savoir comblé des bénédictions de Dieu. Bénir : dire du bien, donner du bien.
C’est cette assurance ferme que Dieu vient à mon secours.

Je ne sais pas pourquoi je souffre, je suis révolté, je suis scandalisé. Mais j’ai ma ferme assurance que Dieu vient à mon aide.

Si je connais un médecin parce que nous sommes amis, ce n’est pas la même chose que d’avoir connu un médecin parce qu’il nous a soigné. L’amitié est alors toute autre, elle est pleine de gratitude ; elle a vraiment pu grandir.

La béatitude, c’est la joie de celui qui souffre, peut-être, mais qui a l’assurance d’être sauvé par Dieu.

Sur la question de la justice :
Lorsqu’on souffre, on a souvent l’impression d’être victime d’injustice. Alors là, on attaque, on mord, on dénonce, on condamne !! Et parfois Dieu fait partie des premiers rangs…

La justice, ce n’est pas Dieu avec sa grande balance et son épée, qui châtie et tranche tout ce qui dépasse. La justice de Dieu n’est pas là pour condamner, elle est là pour bénir, parce qu’elle est orientée vers une seule chose : notre bien, et elle est faite pour une seule chose : ma misère, parce que Dieu est miséricordieux.

Dieu hait la suffisance des superbes, Dieu a horreur des orgueilleux dans leur principe d’autonomie. Il aime qui s’appuie sur Lui, Dieu est bon.

La bonté doit se partager. Dieu cherche à nous faire partager sa bonté. Dieu, quand il est empêché d’être bon dans une créature, c’est un péché, et Dieu se retire discrètement, Il respecte notre liberté.
Et là, peut-être, nous pouvons nous sentir très seuls, tel un fils abandonné.

La sagesse de Dieu est folie pour les hommes.
Ne doutons pas de la bonté de Dieu à notre égard. Cessons de l’accuser de tous nos déboires. C’est d’ailleurs ce que nous propose le prophète Sophonie. La vengeance de Dieu est uniquement contre le mal, contre tout ce qui abime ses enfants. Dieu est jaloux, Il est un père violent quand ses enfants souffrent. Dieu prend le parti des petits. Il nous dit « relevez-vous, redressez la tête, car moi, votre Dieu, je suis avec vous. »

Quand nous lisons les béatitudes, évitons l’écueil d’idéaliser les pauvres pour condamner les riches, pour les opposer. Il ne s’agit pas là de deux catégories de personnes, bien sûr. Mais plutôt d’une division en nous-même, ces deux attitudes que nous avons bien souvent.

À nous de demeurer dans une attitude d’humilité face à la souffrance. Acceptons la réalité, la souffrance, d’avoir mal, d’être insatisfait, déçu de nos actes, de nos projets, et réjouissons-nous de savoir que nous ne sommes pas seuls.
Et c’est peut-être là où nous souffrons le plus qu’il nous faut accepter de dépendre de Dieu.

Attardons-nous cette semaine sur chacune de ces Béatitude, découvrons derrière chacune les vertus chrétiennes qu’elles nous demandent d’avoir dans ce monde.
Et si vraiment, nous voulons nous unir à nos contemporains pour célébrer aussi ce 20 heures, et bien, regardons-le avec foi. Et si cela dure 30 minutes, peut-être pouvons nous prendre aussi 30 minutes de prière, pour transfigurer ces événements, pour les offrir au Seigneur comme le font les contemplatifs du monde.
Demandons au Seigneur d’être capable de regarder la veuve pleurer, de ne pas chercher forcément à la consoler. Soyons suffisamment proche de cette veuve qui pleure pour que ses larmes coulent sur nos propres joues, et ainsi elle ne sera plus seule, ainsi je ne serai plus seul, et ainsi cette veuve ne sera plus un scandale,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Sophonie 2,3.3,12-13.
  • Psaume 146(145),7.8.9ab.10b.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,26-31.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,1-12a :

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !