(3) L’Espérance dans le Nouveau Testament

Enseignement de la halte spirituelle pour femmes (Décembre 2017 - Ourscamp)

Dans cette partie, nous allons méditer sur l’espérance dans le Nouveau Testament. Pour ce faire, nous pouvons retenir six domaines dans lesquels l’espérance est à l’œuvre, de l’attente du Messie à la Parousie…

Père Éric

La prière aurait pu être un des sujets principaux, mais nous prendrons une autre halte pour étudier le lien entre la prière et l’espérance.

Le Messie

Dans l’Ancien Testament, le mot hébreu mashiah signifie littéralement « oint » avec l’huile de l’onction. (…) Le mot est d’abord associé aux prêtres, dans les passages sacerdotaux du Pentateuque. Pendant la période royale, il désigne le roi, investi d’une consécration divine. Le terme s’applique aussi aux prophètes. Dans tous les cas, ce sont les prophètes qui se chargent de l’onction, ce qui signifie qu’il n’y a pas de messie autoproclamé dans le judaïsme.

Le comportement des rois n’a pas toujours été à la hauteur de leur dignité. Les prophètes ont sévèrement critiqué le comportement des rois qui n’agissaient pas toujours en conformité avec les exigences de l’Alliance, tant au niveau religieux que dans le domaine social. Ne pouvant compter sur le messie régnant pour assurer la destinée du peuple selon les directives de Dieu, déçus d’une succession au trône qui n’améliorait pas la situation, les prophètes ont réorienté l’espérance d’Israël vers un Roi futur qui serait envoyé par Dieu et en qui on verrait l’agir de Dieu. C’est autour de l’Exil, alors que la royauté est supprimée, que cette espérance s’exprime par l’attente d’un Messie au sens fort du terme.

Le messie devient le Roi idéal qu’Israël attend, un descendant de David sur qui reposera l’Esprit du Seigneur, qui mettra un terme à la domination extérieure et fera advenir des temps nouveaux de justice et de paix (Isaïe 11 notamment). Ce messianisme prendra parfois une dimension eschatologique.

Voici un retour sur les catéchèses que Jean-Paul II a données en février 1987 :

« Le terme “Christ” est l’équivalent grec du mot hébraïque “Messie” qui veut dire “Oint”. Israël, le peuple élu de Dieu, a vécu pendant des générations dans l’attente de l’accomplissement de la promesse du Messie ; il a été préparé à sa venue à travers toute l’histoire de l’Alliance. (…) L’attribution du nom “Christ” à Jésus de Nazareth est le témoignage que les apôtres et l’Église primitive ont reconnu qu’en lui s’étaient réalisés les desseins du Dieu de l’Alliance et les attentes d’Israël.
Le mot “Messie”, comportant l’idée d’onction, ne peut être compris qu’en lien avec l’institution religieuse de l’onction avec de l’huile, qui était en usage en Israël et qui est passée de l’ancienne Alliance dans la nouvelle. Dans l’histoire de l’ancienne Alliance, recevaient cette onction les personnes appelées par Dieu à la fonction et à la dignité de roi, ou de prêtre, ou encore de prophète.
Il y a donc un triple munus qui était conféré à ceux qui étaient destinés à guider ou à représenter le peuple de Dieu. »

Messie “roi” (11 février 1987) – Royaume de Dieu

Lors de l’annonciation, l’ange parle à Marie de la Royauté de son Fils : “Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son Père, et il régnera pour toujours sur la Maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin” (Lc 1, 32-33). Ces paroles semblent correspondre à la promesse faite au roi David (2S 7, 12-14). Cette promesse s’est accomplie en une certaine mesure dans Salomon, fils et successeur direct de David. Mais le sens plénier de la promesse allait bien au-delà des limites d’un royaume terrestre et concernait non seulement un avenir lointain mais une réalité qui allait même au-delà de l’histoire, du temps et de l’espace.

Dans l’Évangile, Jésus reçoit à plusieurs reprises le titre de Fils de David : par l’aveugle Bartimée (Mc 10, 47) ou lors de l’entrée à Jérusalem le jour des Rameaux (cf. Mt 21, 1-10). Jésus attire aussi l’attention des pharisiens sur la manière “limitée” et non pas suffisante, de comprendre le Messie sur la seule base de la tradition d’Israël, liée à l’héritage royal de David.

Le moment décisif de la clarification de cette tradition est dans l’échange de paroles entre Jésus et Pilate, que nous rapporte l’Évangile de Jean

“Mon royaume n’est pas de ce monde.” (cf. Jn 18, 33-37)

Ces paroles sans équivoque de Jésus contiennent l’affirmation nette que le caractère ou munus royal, lié à la mission du Christ-Messie envoyé par Dieu, ne peut pas être compris dans un sens politique, comme s’il s’agissait d’un pouvoir terrestre, pas même dans sa relation avec le “peuple élu”, Israël. (…)

Sur le calvaire, un dernier épisode éclaire la messianité royale de Jésus. Un des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que Jésus manifeste cette vérité d’une manière pénétrante, quand il dit :

“Jésus, souviens-toi de moi quand tu seras entré dans ton Royaume.” (Lc 23, 43)

Messie “prêtre” (18 février 1987)

La figure du Messie dessinée par l’Ancien Testament inclut le caractère royal et le caractère sacerdotal en manifestant l’unité profonde de la mission royale et sacerdotale. Cette unité trouve sa première expression, comme un prototype et une anticipation, dans Melkisédek, roi de Salem, ce mystérieux contemporain d’Abram (cf. Gn 14, 18-19). La figure de Melkisédek, roi-prêtre, est entrée dans la tradition messianique, comme l’atteste surtout le psaume 110, le psaume messianique par antonomase. En effet, dans le psaume, Dieu-Yahveh s’adresse à “mon Seigneur” (c’est-à-dire au messie) par ces mots :

“Siège à ma droite, que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. Que le Seigneur étende de Sion le sceptre de ton règne : domine au milieu de tes ennemis !” (Ps 110, 1-2)

Ces expressions, qui ne peuvent laisser aucun doute sur le caractère royal de celui à qui Yahvé s’adresse, sont suivies d’une annonce :

“Le Seigneur l’a juré et il ne s’en repentira pas : tu es prêtre à la manière de Melkisédek.” (Ps 110, 4)

Dans l’histoire d’Israël, l’histoire du sacerdoce de l’Ancienne Alliance a son commencement dans la personne d’Aaron, frère de Moïse (…). D’après le livre du Siracide (45, 16-17), l’élection sacerdotale est en fonction du culte, pour l’offrande des sacrifices d’adoration et d’expiation, et, à son tour, le culte est lié à l’enseignement sur Dieu et sur la Loi. (…) Le Christ a été proclamé par Dieu grand prêtre à la manière de Melkisédek (cf. He 5, 9-10).

La Lettre aux Hébreux affirme d’une manière nette et convaincante que Jésus-Christ a accompli par toute sa vie, et surtout par le sacrifice de la croix, ce qui était écrit dans la tradition messianique de la Révélation divine. (…)

Messie “prophète” (25 février 1987)

Jésus dit à Pilate :

“Tu le dis : je suis roi. Pour cela je suis né et pour cela je suis venu au monde : pour rendre témoignage à la vérité.” (Jn 18, 37)

Cette réponse lie la mission royale et sacerdotale du Messie à la caractéristique essentielle de la mission prophétique. Le prophète, en effet, est appelé et envoyé pour rendre témoignage à la vérité. Comme témoin de la vérité, il parle au nom de Dieu.

L’histoire des prophètes de l’Ancien Testament indique clairement que la mission de proclamer la vérité en parlant au nom de Dieu est avant tout un service, en relation soit à Dieu qui envoie, soit au peuple devant lequel le prophète se présente comme envoyé de Dieu. Il s’ensuit que le service prophétique est non seulement éminent et digne d’honneur, mais aussi qu’il est difficile et exigeant (c’est le cas par exemple de Jérémie).

Ce caractère ministériel de la mission prophétique introduit à la figure du Serviteur de Dieu qui se trouve dans Isaïe. La tradition messianique de l’Ancienne Alliance trouve dans cette figure une expression particulièrement riche et importante, si nous considérons que le Serviteur de Yahvé, chez qui transparaissent surtout les caractéristiques du prophète, unit aussi en lui-même, d’une certaine manière, la qualité de prêtre et de roi. (…)

Dans les quatre chants du Serviteur apparaît la figure du messie prophète qui vient au monde pour rendre témoignage à la vérité et qui, précisément à cause de cette vérité, est repoussé par son peuple, devenant par sa mort la cause de la justification de beaucoup. Jésus est à la fois “lumière du monde” et “signe de contradiction” selon les mots du vieillard Syméon (cf. Lc 2, 32-34).

Les chants sur le Serviteur de Yahvé trouvent une grande résonance dans le Nouveau Testament dès le début de l’activité messianique de Jésus : description du baptême dans le Jourdain (cf. Mt 3, 16-17) ; paroles de Jésus dans la synagogue de Nazareth (Lc 4, 17-19) ; ministère de guérison. La première génération des disciples du Christ est profondément convaincue que tout ce que le prophète Isaïe a annoncé dans ses chants inspirés a trouvé son accomplissement en Jésus : Jésus est le Serviteur élu de Dieu. Jésus parle de soi comme d’un serviteur, faisant clairement allusion à Isaïe 53, quand il dit :

“Le Fils de l’homme… n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.” (Mc 10, 45 ; Mt 20, 28)

C’est le même concept qu’il exprime quand il lave les pieds des apôtres (Jn 13, 3-4 ; 12-15).

Jésus, accomplissement des prophéties sur le Messie (4 mars 1987) Parmi la génération des contemporains de Jésus, eux qui l’ont suivi l’ont fait parce qu’ils étaient convaincus qu’en lui s’accomplissait la vérité sur le Messie, que c’était bien lui, le Christ, qui était le Messie. Les paroles d’André, le premier apôtre appelé par Jésus, sont pleines de signification, quand il annonce à son frère Simon :

“Nous avons trouvé le Messie !” (Jn 1, 41)

Jean, qui était en prison, fit poser à Jésus la question :

“Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?” (Mt 11, 3)

Jésus ne laisse pas Jean et ses messagers sans réponse :

“Allez, et dites à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.” (Lc 7, 22)

Par cette réponse, Jésus entend confirmer sa mission messianique en recourant en particulier aux paroles d’Isaïe (cf. Is 35, 4-5 ; 61, 1). Et Jésus conclut en rectifiant la conception que Jean-Baptiste se faisait du Messie : un juge sévère. Jésus se présente avant tout comme l’annonciateur de la “Bonne Nouvelle aux pauvres” et, par ses œuvres et ses prodiges, il va révéler la volonté salvifique de Dieu, Père miséricordieux.

Jésus évite de se présenter ouvertement comme le Messie. Dans le contexte social du temps, en effet, ce titre était extrêmement ambigu : les gens l’interprétaient communément dans un sens politique. Aussi Jésus préfère-t-il renvoyer au témoignage rendu par ses œuvres, désireux surtout de persuader et de susciter la foi.

Cependant, Jésus dit ouvertement à la Samaritaine qu’il est le Messie parce qu’elle était prête à accueillir cette vérité. Au contraire, parmi les habitants de Jérusalem, les paroles et les prodiges de Jésus suscitaient des questions sur sa messianité. Certains excluaient qu’il pût être le Messie :

“Celui-ci, nous savons d’où il est. Au contraire, quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est.” (Jn 7, 27)

Jésus, comme en un lien étroit avec la profession de foi des apôtres, “commença à leur enseigner que le Fils de l’Homme devait beaucoup souffrir et être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il serait mis à mort et qu’après trois jours il ressusciterait” (Mc 8, 31). L’évangéliste Marc remarque :

“Jésus tint ouvertement ce langage.” (Mc 8, 32)

Marc rapporte :

“Alors Pierre le prit à part et se mit à lui faire des reproches.” (Mc 8, 32)

Et Jésus lui répondit très vigoureusement :

“Arrière, Satan ! Parce que tu ne penses pas selon Dieu mais selon les hommes.” (Mc 8, 33 ; Mt 16, 23)

Les apôtres qui avaient pourtant professé leur foi dans la mission messianique de Jésus ne réussissaient pas à se libérer entièrement de leur conception trop humaine et terrestre du Messie, en admettant la perspective d’un Messie qui devait souffrir et subir la mort. Encore au moment de l’Ascension, ils lui demanderont :

“Vas-tu rétablir le Royaume d’Israël ?” (cf. Ac 1, 6)

C’est justement devant une telle attitude que Jésus réagit avec tant de décision et de sévérité. En lui, la conscience de la mission messianique correspondait aux chants d’Isaïe sur le Serviteur de Yahvé, et en particulier à ce que le prophète avait dit du Serviteur souffrant. Le mystère messianique trouvera son plein accomplissement dans la Pâque de la mort et de la résurrection de Jésus.

Dans l’évangile, on peut voir deux parties principales : la première dont le sommet est la profession de foi de Pierre où il reconnaît Jésus comme le Messie (Mc 8, 29) ; la seconde à partir du moment où Jésus annonce que la souffrance et la mort sont à l’horizon de sa vie. Ce faisant, Jésus fait bien comprendre à ses Apôtres que sa mission ne se réalisera pas selon le modèle de messie que l’on attendait dans les couches populaires.

Jésus, inauguration et accomplissement du Royaume (18 mars 1987)

Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est proche” (Mc 1, 15). C’est par ces paroles que Jésus de Nazareth commence sa prédication messianique. (…)

Face à l’expérience douloureuse des limites humaines et du péché, les prophètes annoncent une nouvelle Alliance dans laquelle le Seigneur lui-même sera le guide sauveur et royal de son peuple renouvelé (cf. Jr 31, 31-34 ; Ez 34, 7-16 ; 36, 24-28). A partir de ce moment, la figure du Messie apparaîtra en lien étroit avec l’inauguration de la pleine royauté de Dieu. (…) Ce n’est que dans l’éternité à venir que le Royaume de Dieu sera établi avec toute sa puissance (cf. Dn 7, 9-10 ; 12, 2-3).

Jésus se réfère à cette espérance de l’Ancien Testament et proclame qu’elle est accomplie. Il parle du règne de Dieu dans les paraboles : le semeur, la graine qui grandit toute seule, l’ivraie, le filet, le trésor et la perle précieuse. (…) Par la conversion, l’homme s’ouvre au don de Dieu. Les Béatitudes apparaissent comme la magna charta du Royaume des cieux qui est donné aux pauvres en esprit, … L’Église (…) prie pour que “son Règne vienne”.

À travers cette brève présentation du Messie, nous voyons que notre espérance a toujours besoin d’être purifiée.
Un cœur qui espère est aussi un cœur pauvre. Ce sont les pauvres de cœur qui attendent Dieu tel qu’il désire se révéler et non pas tel que nous le projetons dans nos désirs. Notre tentation est de limiter notre espérance à une dimension temporelle alors qu’elle revêt une dimension essentiellement spirituelle.

Pourtant Jésus se révèle comme Messie notamment par les miracles qu’il réalise auprès des malades. Ces miracles sont essentiellement des signes qui doivent nous aider à l’accueillir comme Messie (cf. réponse de Jésus aux envoyés de Jean-Baptiste :

« Arrivés près de Jésus, ils lui dirent : ’Jean le Baptiste nous a envoyés te demander : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?’ À cette heure-là, Jésus guérit beaucoup de gens de leurs maladies, de leurs infirmités et des esprits mauvais dont ils étaient affligés, et à beaucoup d’aveugles, il accorda de voir.
Puis il répondit aux envoyés : « Allez annoncer à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. » (Lc 7, 20-22)

Comment Jésus a-t-il transformé l’attente messianique ?
Si Jésus est bien pour les chrétiens le Messie annoncé par les prophètes, il a largement purifié la conception messianique de ses disciples. Ceci explique son attitude réservée, au début de sa vie publique, à l’égard des titres de Messie et de Roi que voulaient lui attribuer les foules.

Jésus inaugure un concept nouveau de Royaume, à l’opposé des royautés temporelles, lorsqu’il répond à Pilate au cours de son procès :

« Mon royaume n’est pas de ce monde. » (Jn 18, 36-37)

« Jésus, par son annonce et, avec tout ce qu’il a accompli, avait inauguré un règne non politique du Messie (…).
Mais cette séparation entre politique et foi, entre peuple de Dieu et politique, appartenant à l’essence de son message, n’était possible, en définitive, qu’à travers la croix. C’est seulement à travers la perte vraiment absolue de tout pouvoir extérieur, à travers le dépouillement radical de la croix (…) qu’apparaît la nouvelle manière par laquelle Dieu domine dans le monde. » (Benoît XVI, Jésus de Nazareth 2e partie, Éd. Du Rocher 2011)

Pour être comblée, l’espérance d’Israël doit donc renoncer à tout l’aspect matériel de son attente : Jésus demande à ses disciples d’accepter la souffrance et la mort à sa suite (Mt 16,24ss).

La mort et la résurrection de Jésus

La résurrection a d’abord été objet d’espérance de la part des apôtres mais on doit bien reconnaître que la résurrection les a déconcertés et qu’elle a largement dépassé tout ce qu’ils pouvaient imaginer.
Comment se sont-ils ouverts à cette espérance ? En se laissant conduire par les faits même s’ils n’y comprenaient pas grand chose. À la différence des grands prêtres qui ont voulu manipuler la vérité parce qu’elle n’allait pas dans leur sens :

« Tandis qu’elles étaient en chemin, quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était passé.
Ceux-ci, après s’être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.” Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. »
Les soldats prirent l’argent et suivirent les instructions. Et cette explication s’est propagée chez les Juifs jusqu’à aujourd’hui. » (Mt 28)

Selon saint Paul, la mort et la résurrection de Jésus se sont faites « conformément aux Écritures » :

« Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures. » (1 Co 15)

Cependant, la résurrection s’est présentée d’une façon surprenante pour les apôtres, Marthe (Jn 11 : elle professe sa foi en la résurrection mais quand Jésus demande d’ouvrir le tombeau, elle réagit), … Après la transfiguration, saint Marc dit bien que :

« Les disciples se demandaient entre eux ce que pouvait bien signifier ’ressusciter d’entre les morts’. » (Mc 9, 10)

Marie-Madeleine aura du mal à reconnaître Jésus et le prendra pour le jardinier. Saint Thomas aura bien du mal aussi à croire. Les disciples d’Emmaüs seront tout surpris. De même les apôtres lors de la pêche miraculeuse après la résurrection. Ce n’est pas un esprit, ce n’est pas un revenant, c’est totalement inédit ! Il est là en chair et en os, mais Il est là autrement, d’une manière stupéfiante et complètement mystérieuse pour nous.
Dans la Résurrection de Jésus, une nouvelle possibilité d’être homme a été atteinte, qui est dans le temps mais en même temps hors du temps, qui est dans l’espace mais en même temps hors de l’espace.

Ils avaient une certaine foi en la résurrection. Mais d’un autre côté, les disciples s’attendaient tellement peu à la résurrection de Jésus qu’ils en ont été au contraire les premiers surpris. Loin de la créer de toutes pièces par manière d’autosuggestion, il leur a plutôt fallu du temps pour se rendre à l’évidence. Voyez Thomas ! Non vraiment, on ne lui fera pas gober une histoire pareille.

« Si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, je ne croirai pas. » (Jn 20, 25)

Jésus avait préparé ses disciples à comprendre le sens profond de sa résurrection, il y avait même fait allusion devant eux, mais cet enseignement n’avait pas encore « pris » en eux, cristallisé. De l’aveu même des disciples, ils n’y avaient rien compris. « Ils se demandaient ce que pouvaient bien signifier ‘ressusciter d’entre les morts’ » (Mc 9, 10).

C’est donc bien l’événement qui a provoqué le déclic, l’interprétation, et non pas l’interprétation qui a créé l’événement.

« En parlant à ses chrétiens, Paul part d’un donné irréfutable qui n’est pas l’aboutissement de la réflexion de quelque sage, mais un fait, un simple fait qui est intervenu dans la vie de plusieurs personnes. Le christianisme naît d’ici. Ce n’est pas une idéologie, ce n’est pas un système philosophique, mais c’est un chemin de foi qui part d’un événement, dont les premiers disciples de Jésus ont témoigné. Paul le résume ainsi : Jésus est mort pour nos péchés, il a été enseveli et le troisième jour il est ressuscité et il est apparu à Pierre et aux Douze (cf. 1 Cor 15, 3-5).
Voilà le fait : il est mort, il est enseveli, il est ressuscité et il est apparu. » (Pape François, catéchèse du 19 avril 2017)

Si la mort physique est le signe et la conséquence de la mort spirituelle, c’est-à-dire du péché, de la rupture avec Dieu, la résurrection physique est le signe et la conséquence de la résurrection spirituelle, c’est-à-dire de la réconciliation avec Dieu, du pardon de Dieu qui nous vient par Jésus-Christ.

« La résurrection (…) a inauguré une nouvelle dimension de l’être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d’une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau. » (Benoît XVI, 15 avril 2006)

Benoît XVI, Jésus de Nazareth, deuxième tome :

« Qu’est-ce qui s’est produit alors ? Évidemment, pour les témoins qui avaient rencontré le Ressuscité, cela n’était pas facile à exprimer. Ils s’étaient trouvés face à un phénomène qui, pour eux-mêmes, était totalement nouveau, puisqu’il allait au-delà de l’horizon de leurs expériences. Pour autant que la réalité de ce qui était arrivé les ait profondément bouleversés et les ait poussés à en donner témoignage – cela toutefois était totalement inhabituel. Saint Marc nous raconte que les disciples réfléchissaient, en descendant de la montagne de la Transfiguration, préoccupés par la parole de Jésus selon laquelle le Fils de l’homme serait « ressuscité d’entre les morts ». Et ils se demandaient entre eux ce que signifiait « ressusciter d’entre les morts » (9,9s.). Et, de fait, en quoi cela consiste-t-il ? Les disciples ne le savaient pas et devaient l’apprendre seulement par la rencontre avec la réalité. (…)
La résurrection de Jésus fut l’évasion vers un genre de vie totalement nouveau, vers une vie qui n’est plus soumise à la loi de la mort et du devenir mais qui est située au-delà de cela – une vie qui a inauguré une nouvelle dimension de l’être-homme. (…) Jésus n’est pas revenu à une vie humaine normale de ce monde, comme c’était arrivé à Lazare et aux autres morts ressuscités par Jésus. Il est sorti vers une vie différente, nouvelle – vers l’immensité de Dieu et, partant de là, il s’est manifesté aux siens. (…)

L’annonce apostolique avec son enthousiasme et son audace est impensable sans un contact réel des témoins avec le phénomène totalement nouveau et inattendu qui les atteignait de l’extérieur et consistait dans la manifestation et l’annonce du Christ ressuscité. Seul un événement réel d’une qualité radicalement nouvelle était en mesure de rendre possible l’annonce apostolique, qui ne peut être expliquée par des spéculations ou des expériences intérieures mystiques. Dans son audace et sa nouveauté, cette annonce prend vie de la force impétueuse d’un événement que personne n’avait pu concevoir et qui dépassait toute imagination. »

En ressuscitant Jésus, le Père nous a donc donné non seulement une « preuve sûre » à son sujet, mais aussi une « vivante espérance » ; la résurrection n’est pas qu’un argument qui fonde la vérité du christianisme, mais aussi une force qui alimente de l’intérieur son espérance.
Le point de départ de l’espérance est un événement de la réalité. Ce n’est pas une projection de nos désirs.

La grâce qui agit dans notre faiblesse

Une conviction parcourt le nouveau Testament : le plus important n’est pas l’effort de l’homme mais la grâce de Dieu. La grâce nous donne de pouvoir faire des choses qui nous sont impossibles si nous sommes laissés à nos seules forces. Saint Paul s’appuie sur la grâce de Dieu et non sur les œuvres (1 Co 4,4 ; 15,10 ; Rm 3,27). Saint Paul place toute son assurance dans la grâce de Dieu qui se déploie précisément dans la faiblesse de l’homme (2 Co 12,9s).

« La grâce du Christ est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier : C’est la grâce sanctifiante ou déifiante, reçue dans le Baptême. Elle est en nous la source de l’œuvre de sanctification (cf. Jn 4, 14 ; 7, 38-39). » (CEC 1999)

Notre collaboration à la grâce

« Certes nous travaillons nous aussi, mais nous ne faisons que travailler avec Dieu qui travaille. Car sa miséricorde nous a devancés pour que nous soyons guéris, car elle nous suit encore pour qu’une fois guéris, nous soyons vivifiés ; elle nous devance pour que nous soyons appelés, elle nous suit pour que nous soyons glorifiés ; elle nous devance pour que nous vivions selon la piété, elle nous suit pour que nous vivions à jamais avec Dieu, car sans lui nous ne pouvons rien faire (S. Augustin, nat. Et grat. 31 : PL 44, 264). » (CEC 2001)

Avez-vous un vélo à assistance électrique ? Si j’ai bien compris, il s’agit d’un vélo muni d’un moteur. Mais la particularité, par rapport à un « cyclomoteur » (vélomoteur, mobylette ou scooter), c’est que le moteur ne se met en route que lorsque l’on pédale. C’est seulement ensuite une fois cette mise en marche réalisée qu’un moteur électrique peut entrer en action avec l’objectif de soulager l’effort. Si l’on s’arrête de pédaler, le moteur s’arrête lui aussi. Si l’on freine, le moteur s’arrête.

La grâce se déploie dans la faiblesse

Cela suppose de la part de l’homme une humilité, une pauvreté : « ma puissance se déploie dans la faiblesse ». Tant que nous voulons y arriver par nos seules forces, la grâce de Dieu nous fait défaut.

Paul tombe par terre (Ac 22, 7). Il doit faire l’expérience de la faiblesse.

« Il faut se glorifier ? (cela ne vaut rien pourtant) eh bien ! j’en viendrai aux visions et révélations du Seigneur. Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans — était-ce en son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais ; Dieu le sait — cet homme-là fut ravi jusqu’au troisième ciel. Et cet homme-là — était-ce en son corps ? Était-ce sans son corps ? Je ne sais, Dieu le sait — , je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire. Pour cet homme-là je me glorifierai ; mais pour moi, je ne me glorifierai que de mes faiblesses.
Oh ! si je voulais me glorifier, je ne serais pas insensé ; je dirais la vérité. Mais je m’abstiens, de peur qu’on ne se fasse de moi une idée supérieure à ce qu’on voit en moi ou ce qu’on m’entend dire. Et pour que l’excellence même de ces révélations ne m’enorgueillisse pas, il m’a été mis une écharde en la chair, un ange de Satan chargé de me souffleter — pour que je ne m’enorgueillisse pas !
À ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur pour qu’il s’éloigne de moi. Mais il m’a déclaré : "Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse." C’est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. C’est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ; car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

Certains ont vu dans cette écharde des tentations contre la pureté, mais cela ne paraît pas être le sens premier du texte. D’autres ont vu une maladie dont il est question dans Ga 4, 13. Mais le contexte immédiat (verset 10) nous fait penser davantage à des épreuves plus directement liées à sa mission : « les faiblesses, les outrages, les détresses, les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ».

Sur son chemin, saint Paul a rencontré de multiples obstacles.

« Ils sont ministres du Christ ? (Je vais dire une folie !) Moi, plus qu’eux. Bien plus par les travaux, bien plus par les emprisonnements, infiniment plus par les coups. Souvent j’ai été à la mort. Cinq fois j’ai reçu des Juifs les 39 coups de fouet ; trois fois j’ai été battu de verges ; une fois lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage. Il m’est arrivé de passer un jour et une nuit dans l’abîme ! Voyages sans nombre, dangers des rivières, dangers des brigands, dangers de mes compatriotes, dangers des païens, dangers de la ville, dangers du désert, dangers de la mer, dangers des faux frères ! Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité ! Et sans parler du reste, mon obsession quotidienne, le souci de toutes les Églises ! Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, qu’un feu ne me brûle ? 30 S’il faut se glorifier, c’est de mes faiblesses que je me glorifierai. » (2 Co 11 ;23-30)

Parce qu’il est faible, alors la grâce du Seigneur peut se déployer en lui. Là se trouve le cœur de l’Évangile et le cœur de la vie de ceux qui suivent Jésus.

Cette expérience de Paul, d’autres l’ont fait avant, par exemple Gédéon (Juges 6 & 7). Cette même loi se vérifie pour l’appel de David (1 S 16, 1.6.11), pour le combat avec Goliath (1 S 17, 45). On le voit encore dans l’appel des apôtres qui n’ont rien pris pendant la nuit (Lc 5, 5).
Nous pensons que le Seigneur ne veut employer que nos points forts, mais il souhaite aussi utiliser nos points faibles pour sa gloire : « Dieu a choisi… ce qui est faible pour couvrir de honte les puissants. » (1 Co 1, 27) Nos faiblesses ne sont pas le fruit du hasard. Dieu les a permises dans notre vie et manifeste sa puissance à travers nous.

La force et l’indépendance n’ont jamais impressionné le Seigneur. Il est plus intéressé par les personnes qui sont faibles et qui l’admettent.
En raison de vos limites, vous pensez peut-être : « Jamais le Seigneur ne pourra m’employer. » Mais Dieu ne se laisse pas arrêter par vos limites. Au contraire, il aime placer sa grande puissance dans des vases ordinaires. Paul dit :

« Ce trésor, nous le portons dans les vases faits d’argile que nous sommes, pour que ce soit la puissance extraordinaire de Dieu qui se manifeste, et non notre propre capacité. » (2 Corinthiens 4.7, BS)

Paul nous donne plusieurs raisons d’être contents de nos faiblesses naturelles.

1- Premièrement, elles nous amènent à dépendre de Dieu. En parlant de sa propre faiblesse, que le Seigneur avait refusé de lui enlever, Paul a expliqué :

« Je me réjouis des faiblesses… car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Corinthiens 12.10, BFC)

Quand vous vous sentez tout petit, Dieu vous rappelle que vous devez dépendre de lui. La blessure, l’expérience de notre faiblesse, est souvent le lieu de l’ouverture à la grâce. Lorsque, comme saint Paul, nous sommes confrontés à un sentiment d’impuissance, « je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne voudrais pas », alors nous sommes plus disponibles pour nous en remettre à Dieu. Dieu peut alors déployer sa puissance dans notre faiblesse. C’est la grande expérience de l’apôtre : « la puissance se déploie dans la faiblesse. » (2 Co 12, 7-10)

2- Par ailleurs, nos faiblesses nous empêchent de devenir orgueilleux. Elles nous gardent humbles. Paul a dit :

« Afin que ne sois pas enflé d’orgueil… une dure souffrance m’a été infligée dans mon corps. » (2 Corinthiens 12.7, BFC)

Le Seigneur met souvent une limite à quelqu’un de fort afin de l’empêcher de s’enorgueillir. Notre fragilité peut nous aider à sortir de notre auto-suffisance. Il est vrai que nous pouvons ressentir comme humiliant de dépendre des autres.

Gédéon avait rassemblé une armée de 32.000 hommes pour combattre les Madianites, mais le Seigneur a réduit ce nombre à 300. Les ennemis des Israélites étaient par conséquent 450 fois plus nombreux qu’eux. La bataille semblait perdue d’avance. Mais Dieu l’a permis pour qu’Israël sache que c’était la puissance de Dieu qui les sauverait, et non leur propre force.

3- Nos faiblesses encouragent aussi la communion entre les croyants. À l’inverse, notre force nous éloigne des autres et provoque notre indépendance (« Je n’ai besoin personne »). Nos limites nous montrent à quel point nous avons besoin des autres. La fragilité est une qualité qui nous rapproche les uns des autres ; nous sommes naturellement attirés vers les gens humbles. Nos points forts provoquent une sorte de compétition, alors que nos points faibles nous lient les uns aux autres.

« Le besoin de communion devient impérieux en situation de faiblesse, quand on ne peut plus agir ou coopérer avec d’autres. Quand on est en pleine réussite, on recherche plutôt l’admiration. Quand nous nous sentons faibles, nous sommes en quête de communion. (…) Quand on raconte ses prouesses et ses succès, on est admiré. Par contre, quand on partage ses limites, ses fragilités, ses torts et ses difficultés, on suscite la compassion. L’humilité attire et crée la communion. » (Jean Vanier, Toute personne est une histoire sacrée, pp 61-63)

4- Nos points faibles nous permettent d’avoir plus d’amour pour les autres, plus de compassion et de compréhension pour leurs faiblesses, et d’être plus efficaces dans le ministère.

Le déjà-là / pas-encore

Grâce à l’espérance, nous pensons qu’il est possible de vivre ce que Jésus attend de nous (la parénèse vient après le kérygme).
Dans notre vie chrétienne, il y a une certaine tension entre le déjà-là et le pas-encore. L’espérance dans le Nouveau Testament est un « déjà-là » tendu vers un « pas encore » visible, et elle consiste ainsi à « espérer contre toute espérance ».

Spe Salvi : Et c’est précisément parce que les biens eux-mêmes sont déjà présents que la présence de ce qui se réalisera crée également la certitude : ces « biens » qui doivent venir ne sont pas encore visibles dans le monde extérieur (ils « n’apparaissent » pas), mais en raison du fait que, comme réalité initiale et …

Notre vie se situe entre un « déjà là » et un « pas encore ».

« Nous avons déjà la rédemption, mais pas encore en plénitude, « car notre salut est objet d’espérance » (Rm 8,23 s.). Nous voyons ici, dans toute son évidence, la situation des croyants dans le monde, qui est une situation de tension entre un « déjà » et un « pas encore ». (Cantalamessa, La vie dans la Seigneurie du Christ)

Le déjà-là / pas-encore chez saint Paul (Cantalamessa)

En dessinant les traits qui caractérisent la vie nouvelle dans l’Esprit, saint Paul, au chapitre 8 de la lettre aux Romains, manifeste une singulière oscillation de pensée et d’expressions. Au début, cette vie nouvelle apparaît comme un fait accompli, un don reçu. Il dit !

« La loi de l’Esprit qui donne la vie t’a affranchi de la loi du péché et de la mort. » (Rm 8,2)

Mais ensuite, en poursuivant la lecture, nous trouvons cette affirmation bien différente de l’Apôtre :

« Si par l’Esprit, vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez » (Rm 8,13)

Au début la vie nous est présentée comme une réalité acquise ; ici au contraire, comme quelque chose à acquérir ; dans le premier cas les verbes étaient au passé, ici ils sont au futur (« vous vivrez »). Si, du thème : « vivre selon l’Esprit » nous passons maintenant au thème qui lui est apparenté : « revêtir l’homme nouveau », cette oscillation se fait encore plus évidente et significative. Dans un passage, l’Apôtre dit :

« Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, celui qui s’achemine vers la vraie connaissance en se renouvelant à l’image de son Créateur. » (Col 3,9-10)

Ici le passage de l’homme ancien à l’homme nouveau est quelque chose qui a déjà eu lieu, qui est derrière nous, étant donné qu’il a été réalisé, historiquement, dans la mort du Christ et, sacramentellement, au baptême ; mais si nous passons à la lettre aux Éphésiens, là, nous nous apercevons que déposer l’homme ancien et revêtir l’homme nouveau est au contraire un impératif, quelque chose qui est devant nous et qu’il faut réaliser tout au long de notre vie ; il dit en effet :

« Il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme Nouveau, créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité. » (Ep 4,22-24)

La même oscillation se répète encore à propos de la nécessité de « revêtir le Christ », ce qui est une autre manière d’exprimer la même chose. Parfois cela apparaît comme une réalité déjà accomplie dans le baptême :

« Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. » (Ga 3,27)

D’autres fois au contraire c’est un commandement, une chose encore à réaliser :

« Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ ! » (Rm 13,14)

Que signifie l’existence de cette double série d’expressions ?
La Parole de Dieu et Paul lui-même se contrediraient-ils ? Bien au contraire, c’est justement ce fait qui contient un enseignement fondamental ; il nous dit que le passage de la vie selon la chair à la vie selon l’Esprit, de l’homme ancien à l’homme nouveau est, en même temps, œuvre de Dieu et notre œuvre, œuvre déjà accomplie et œuvre encore à accomplir.

Dans notre itinéraire de réévangélisation, nous voici arrivés au point où, après avoir contemplé ce que Dieu a opéré pour nous dans le Christ, et l’avoir fait nôtre dans la foi, nous avons à lui répondre par notre vie et nos choix ; ayant reçu le don de l’Esprit, nous devons produire les « fruits de l’Esprit ». L’enseignement fondamental de la lettre aux Romains, avant même que dans les concepts énoncés, réside dans l’ordre où ils le sont, c’est-à-dire dans le plan général de la lettre. L’Apôtre ne traite pas d’abord des devoirs du chrétien (charité, humilité, service, etc.) pour traiter ensuite de la grâce — comme si celle-ci était une conséquence de ceux-là — mais au contraire, il traite d’abord de la justification et de la grâce, puis des devoirs qui en découlent, puisque « on ne parvient pas à la foi par les vertus, mais par la foi aux vertus » (saint Grégoire le Grand, In Ez. II, 7 ; PL 76, 1018).

« Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. » (Ep 2,8-10)

C’est nous qui sommes l’ouvrage de Dieu : c’est cela le principal ; la bonne œuvre c’est Dieu qui l’a faite ; les « bonnes œuvres » que nous avons à accomplir viennent après et c’est par elle qu’elles sont rendues possibles et nécessaires. On ne se sauve pas, en effet, à cause des bonnes œuvres, mais on ne se sauve pas sans les bonnes œuvres.

Le style même et le genre littéraire changent à cet endroit de la lettre : du kérygme on passe à la parénèse, ou exhortation : « Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu… »
’est ainsi que commence le chapitre 12, par lequel s’ouvre la seconde partie de la lettre aux Romains. On passe de ce que Dieu a fait « pour nous » à ce qu’il veut faire « avec nous ». Nous savons, en effet, que « celui qui nous a créés sans nous, ne nous sauve pas sans nous » (cf. saint-Augustin, Serm. 169, 13). Nous sommes ainsi aidés, comme je le disais au commencement dans l’introduction, à rétablir une des synthèses les plus vitales et les plus difficiles à maintenir : la synthèse entre l’élément mystérique et l’élément ascétique de notre vie spirituelle, entre le Christ en tant que « don » et le Christ en tant que « modèle ».

« Puisque le Moyen Age — a-t-on écrit — avait dévié de plus en plus en mettant l’accent sur le Christ en tant que modèle, Luther mit l’accent sur l’autre aspect, en affirmant qu’il est don et que ce don, il revient à la foi de l’accepter. » (S. Kierkegaard, Journal, X A 154)

En suivant l’itinéraire tracé par saint Paul dans la lettre aux Romains nous pouvons recomposer en unité catholique et œcuménique ces deux aspects de la foi. L’Apôtre nous enseigne que nous ne devons pas commencer par l’imitation, mais par la foi (et en cela nous acceptons avec gratitude le rappel de Luther), mais il nous enseigne aussi que nous ne devons pas nous arrêter à la « seule foi », mais qu’à celle-ci doit faire suite l’« imitation » (les « bonnes œuvres ») comme l’unique expression vraiment authentique de notre adhésion et de notre gratitude et comme véritable et totale expression de la foi elle-même. Saint Augustin dit :

« Si nous aimons vraiment, imitons. Nous ne pourrions, en effet, donner en retour un fruit plus exquis de notre amour que celui qui consiste dans l’imitation. » (Ser. 304, 2 ; PL 38, 1395 s.)

Le but de l’imitation n’est pas simplement de nous faire ressembler au Christ, de faire ce qu’il a fait, mais celui de nous faire « revêtir le Christ », c’est-à-dire de nous remplir de lui, de nous transformer en lui, de manière à ne former avec lui qu’« un seul esprit » (1 Co 6,17).

En allant droit à l’essentiel, un saint russe a dit :

« Le but de la vie chrétienne, c’est l’acquisition de l’Esprit Saint ! » (Saint Séraphin de Sarov, Colloque avec Motovilov)

« Les vertus chrétiennes ne sont pas une fin en elles-mêmes, elles n’ont pas non plus comme but la perfection morale de celui qui les pratique, ni son « héroïsme » dans la vertu (le concept de l’« héroïcité des vertus » est inconnu du vocabulaire chrétien jusqu’au XVIe siècle !), c’est Dieu qui est leur but. En cela elles se distinguent des vertus païennes, même lorsqu’elles portent le même nom. Dans la pratique païenne ou naturelle, les vertus ont un but négatif — l’impassibilité, ouapatheia, c’est-à-dire l’extinction des passions — et un but humain — vivre selon la raison ; dans la pratique évangélique, elles ont un but positif — l’acquisition de l’Esprit Saint — et un but divin — vivre selon le Christ. Avant de commencer à indiquer les divers domaines de l’engagement du chrétien et les différentes vertus, l’Apôtre explique lui-même quel est le « but » de tout cela : faire de sa vie « un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu » (Rm 12,1). » (Cantalamessa, La vie dans la Seigneurie du Christ)

Le Royaume de Dieu : Déjà mais pas encore

Le Royaume de Dieu adviendra à la fin des temps – « pas encore » - mais il est « déjà là ». « Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17, 21).
D’un côté, on ne peut pas utiliser l’espérance comme moyen facile de consolation (tout s’arrangera dans le Royaume…) en transgressant allègrement, par lâcheté ou intérêt, la loi de l’amour fraternel et ses exigences immédiates.
D’un autre côté, on ne peut pas limiter la visée de notre espérance à l’horizon de la terre. Nous sommes appelés à espérer bien mieux qu’un royaume terrestre. Nous sommes appelés à faire confiance en Dieu en cherchant « d’abord » le Royaume. Construisons-nous notre vie sur nous-mêmes ou sur le Royaume de Dieu ? Avons-nous confiance en l’homme ou en Dieu ? Cherchons-nous d’abord le Royaume de Dieu et ensuite seulement le reste ou cherchons-nous le reste (argent, prestige, satisfactions) et ensuite le Royaume de Dieu ?

« C’est pourquoi je vous dis : Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.
Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux. Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ? Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?” Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. (Mt 6, 25-32) :

 

Les Béatitudes

C’est un texte majeur de l’Evangile sur l’espérance.

« L’espérance chrétienne se déploie dès le début de la prédication de Jésus dans l’annonce des béatitudes. Les béatitudes élèvent notre espérance vers le Ciel comme vers la nouvelle Terre promise ; elles en tracent le chemin à travers les épreuves qui attendent les disciples de Jésus. » (CEC 1820)

Les béatitudes ne deviennent pleinement crédibles qu’après la résurrection. Les béatitudes ne sont pas une douce utopie. La résurrection du Christ leur donne un sceau de vérité.

« Les Béatitudes sont la transposition de la croix et de la résurrection dans l’existence des disciples. » (Benoît XVI, Jésus de Nazareth p. 97)

Les béatitudes ont aussi un fruit dès à présent : certaines récompenses sont au présent, d’autres au futur. Les béatitudes nous ouvrent à un bonheur dès à présent mais qui ne sera plénier que dans l’au-delà.
La perspective du Royaume change tout. Sans cette promesse, les béatitudes perdent tout leur sens. Si nous n’avons pas foi en cette promesse, il nous sera impossible de vivre les Béatitudes. Le chrétien doit prendre en compte l’invisible dans ses choix.

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » (Mt 5,1-12a)

D’après le pape François (homélie du 9 juin 2014), les béatitudes sont le plan de navigation pour aller vers le Royaume. En effet, Jésus vient de commencer à proclamer :

« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 4, 17)

Après avoir appelé ses premiers apôtres, « il proclamait l’Évangile du Royaume. » (Mt 4, 23)

Lorsque Jésus dit que le Royaume des Cieux est tout proche, il nous dit aussi que ce Royaume n’est pas seulement dans l’avenir. Il commence aussi là où Jésus est présent, là où l’on vit les béatitudes. Comme le disait Guerric d’Igny, à partir du moment où l’on vit les béatitudes, on commence à entrer en possession du Royaume, même si nous possédons ce trésor céleste dans des vases d’argile (2 Co 4,7).

Nous allons reparcourir brièvement les béatitudes en essayant de voir plus précisément le lien qu’elles ont avec l’espérance.

1. Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux – capacité à recevoir

Jésus ne magnifie pas la pauvreté en tant que telle. Comme le dit très bien Madeleine Delbrêl :

« Être pauvre ce n’est pas intéressant : tous les pauvres sont bien de cet avis. Ce qui est intéressant, c’est de posséder le Royaume des Cieux, mais seuls les pauvres le possèdent. » (Madeleine Delbrêl, La joie de croire p 41)

La pauvreté de cœur à laquelle se réfère cette béatitude va à l’encontre d’une certaine suffisance qui nous enferme en nous-mêmes. La richesse fait que nous pouvons devenir des satisfaits et ne plus rien attendre de Dieu.
L’espérance implique la capacité à recevoir le Royaume qui nous est donné. Le Royaume, on ne le prend pas ; on le reçoit comme un cadeau. L’amour, on ne le prend pas ; on le reçoit.

Le pauvre, c’est celui qui doit “demander” pour vivre. Le pauvre, c’est celui qui a besoin de Dieu, qui ne peut en faire l’économie, si j’ose dire. Heureux êtes-vous, vous pour qui Dieu n’est pas une option, un accessoire mais une nécessité vitale à chaque instant de vos journées.
Plus largement, la pauvreté nous dispose à la relation aux autres parce que nous sommes en situation de besoin. Quand on n’a besoin de rien, on se passe plus volontiers des autres. Ce n’est pas agréable d’être dans le besoin, mais cette situation de faiblesse est une chance pour la relation avec Dieu mais aussi avec les autres.

2. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés – sensibilité à la détresse des autres

Comme le dit le pape François, « le monde dit : la joie, le bonheur, les divertissements, voilà ce qu’il y a de beau dans la vie. Et il ignore, il regarde ailleurs, lorsqu’il y a des problèmes de maladie, des problèmes douloureux dans la famille. Le monde ne veut pas pleurer, il préfère ignorer les situations douloureuses, les recouvrir. Seule la personne qui voit les choses telles qu’elles sont et qui pleure dans son cœur, est heureuse et sera consolée. »

Les larmes disent notre sensibilité à la souffrance, à la détresse. À l’inverse, l’indifférence ferme la porte du Royaume (cf. Lc 16, 19-31 : riche opulent et pauvre Lazare).

Le fruit de cette béatitude est davantage au futur :

« Lorsque Dieu demeurera avec eux, et ils seront son peuple, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » » (Ap 21, 3-4)

3. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage – la patience

Jésus ne dit pas : “heureux les mous” mais “heureux les doux”. Etre doux, ce n’est pas s’écraser ; ce n’est pas un manque de caractère, d’énergie. Il faut au contraire une grande force pour réprimer une colère, une envie…

« Mieux vaut un homme patient qu’un héros, un homme maître de soi qu’un preneur de villes » (Pr 16,32)

La douceur va de pair avec la patience. Ce n’est pas une vertu à la mode dans un monde du tout tout-de-suite, un monde où l’on n’aime pas la frustration. Pourtant, la patience est fondamentale dans les relations humaines. Si l’on exige trop tout de suite, on n’obtient rien. Cela est particulièrement vrai dans l’éducation.
La patience est une composante essentielle de l’espérance.

4. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés – l’espérance ne nous démobilise pas dans nos combats terrestres pour la justice.

« Certes, nous savons bien qu’il ne sert à rien à l’homme de gagner l’univers s’il vient à se perdre lui-même, mais l’attente de la nouvelle terre, loin d’affadir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller. C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du Règne de Dieu, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu. Car ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagé sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père un Royaume éternel et universel.
Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra. » (Gaudium et Spes, III, 39.2)

C’est si facile de se taire devant l’injustice, de rester les bras croisés alors que nous sommes témoins d’injustices pas seulement au niveau international mais au sein même de nos familles, de nos communautés, de nos paroisses. Car cela implique de prendre des risques et de ne pas être forcément bien perçus. Cela suppose de ne pas préférer sa propre tranquillité.

5. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde – la miséricorde est la clé du ciel.

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. » (Lc 6, 36-38)

Saint Paul déclare :

« Revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience » (Col 3,12)

Jésus nous apprend à lui ressembler, lui qui n’est pas venu pour condamner mais pour sauver, lui qui sait être compréhensif et qui pardonne même à ses bourreaux.

Le Royaume n’est pas seulement dans l’avenir. Voulez-vous que votre vie de famille, de communauté, de paroisse ressemble plus à celle du Ciel ou au purgatoire, ou – pire encore – à l’enfer ? La manière dont nous vivons de la miséricorde fait ressembler notre lieu de vie au Ciel ou au purgatoire !

6. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu – la simplicité contraire de l’hypocrisie

Ce qui compte, c’est ce que nous sommes réellement aux yeux de Dieu, pas l’apparence que nous avons pour les hommes.

« Méfiez-vous du levain des pharisiens, c’est-à-dire de leur hypocrisie. Tout ce qui est couvert d’un voile sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Aussi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu en pleine lumière, ce que vous aurez dit à l’oreille dans le fond de la maison sera proclamé sur les toits. » (Lc 12 ; Mt 10, 26 ; 4,

22)

« Bienheureux les cœurs purs, ceux qui ont un cœur simple, pur, sans saleté, un cœur qui sait aimer avec cette pureté qui est si belle. (…) En ce qui concerne la définition de « pur », le mot grec utilisée par l’Évangéliste Matthieu estkatharos, et signifie fondamentalement propre, limpide, libre de substance contaminante. (…) C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. » (Mc 7, 15.21-22)

« Chacun de nous doit apprendre à discerner ce qui peut « polluer » son cœur, se former une conscience droite et sensible, capable de « discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2) » (Pape François, message pour les JMJ de 2015)

7. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Au Ciel, Dieu veut rapprocher tous ses enfants.

« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. »

« C’est si courant d’être artisans de guerres, ou au moins artisans de malentendus ! Quand j’entends quelque chose de celui-ci, et que je vais vers celui-là et je le lui dis et je fais même une seconde édition un peu élargie et je la répète… Le monde des commérages. Ces personnes qui font des commérages ne font pas la paix, ce sont des ennemies de la paix. Elles ne sont pas bienheureuses. » (Pape François, homélie du 9 juin 2014)

Voulons-nous être de ceux qui apaisent les tensions entre les personnes ou ceux qui les attisent, les exacerbent ?

8. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !

L’espérance nous aide à accepter certaines souffrances. Jésus nous exhorte à ne pas fuir toute souffrance, éviter tout combat. La recherche constante de la facilité induit en nous une certaine superficialité. La vie chrétienne est exigeante. Il est des jours où la fidélité au Christ, à votre époux ou à votre épouse, à vos engagements… est source de larmes.

Les souffrances du moment présent, qui ne sont cependant pas comparables à la gloire future, deviennent tolérables (cf. Rm 8, 18). Cette béatitude apparaît comme une explicitation de ce que les apôtres ont vécu après la Pentecôte.

« Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. » (Ac 5, 41)

« Bien-aimés, ne trouvez pas étrange le brasier allumé parmi vous pour vous mettre à l’épreuve ; ce qui vous arrive n’a rien d’étrange. Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera. Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous.
Que personne d’entre vous, en effet, n’ait à souffrir comme meurtrier, voleur, malfaiteur, ou comme agitateur. Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte, et qu’il rende gloire à Dieu pour ce nom-là. » (1 P 4, 12-16)

« Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés. » (Jc 1, 2)

La Parousie, la venue du Christ dans la gloire

Dans ses épîtres, saint Paul parle de la venue du Christ dans sa gloire. La Première Lettre aux Thessaloniciens (5, 23-24), fait une référence explicite à la venue finale du Christ, en utilisant précisément le terme grec de parousie (v. 23).

Saint Paul, dans la deuxième Lettre aux Thessaloniciens insiste pour que les chrétiens ne se démobilisent pas par rapport à leur responsabilité dans le monde.

« Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cette consigne : si quelqu’un ne veut pas travailler qu’il ne mange pas non plus. Or, nous apprenons que certains parmi vous vivent dans l’oisiveté, affairés sans rien faire. A ceux-la nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné. » (3, 10-12)

« En d’autres termes, l’attente de la parousie de Jésus ne dispense pas de l’engagement dans ce monde, mais au contraire crée une responsabilité devant le Juge divin à propos de nos actions dans ce monde. C’est justement ainsi que grandit notre responsabilité de travailler dans et pour ce monde. L’attente du retour implique donc une responsabilité pour ce monde. » (cf. Benoît XVI, audience du 12 novembre 2008)

Quelles sont les attitudes fondamentales du chrétien face aux choses ultimes : la mort, la fin du monde ? (cf. Benoît XVI, audience du 12 novembre 2008)

1- Certitude que Jésus est ressuscité, est avec le Père et est ainsi justement avec nous, pour toujours. Et personne n’est plus fort que le Christ, parce qu’il est avec le Père, parce qu’il est avec nous. Nous nous sentons ainsi plus sûrs, libérés de la peur.

2- Certitude que le Christ est avec moi. Et comme dans le Christ le monde à venir est déjà commencé, cela nous donne aussi la certitude de l’espérance. L’avenir n’est pas un trou noir dans lequel personne ne s’oriente. (…) Sans le Christ, l’avenir est sombre même pour le monde d’aujourd’hui, il y a une grande crainte de l’avenir.

3- Responsabilité pour le monde, pour nos frères face au Christ, et en même temps également une certitude de sa miséricorde. Nous avons nos talents, nous sommes chargés de travailler pour que ce monde s’ouvre au Christ, soit renouvelé. Mais nous sommes également certains que ce juge est bon, nous connaissons son visage, le visage du Christ ressuscité, du Christ crucifié pour nous.

4- Désirer la venue du Christ : Saint Paul en conclusion de sa première Lettre aux Corinthiens, répète et fait dire aux Corinthiens une prière née dans les premières communautés chrétiennes de la région palestinienne : Maranà, thà ! Qui signifie littéralement « Notre Seigneur, viens ! » (16, 22).

C’était la prière de la première chrétienté et le dernier livre du Nouveau Testament, l’Apocalypse, se termine lui aussi par cette prière : « Seigneur, viens ! ». Pouvons-nous nous aussi prier ainsi ? Il me semble que pour nous aujourd’hui, dans notre vie, dans notre monde, il est difficile de prier sincèrement pour que périsse ce monde, pour que vienne la nouvelle Jérusalem, pour que vienne le jugement dernier et le juge, le Christ. Je pense que si sincèrement nous n’osons pas prier ainsi pour de nombreux motifs, nous pouvons cependant également dire d’une manière juste et correcte, avec la première chrétienté : « Viens, Seigneur Jésus ! »

Bien sûr nous ne voulons pas qu’arrive la fin du monde. Mais d’autre part, nous voulons également que se termine ce monde injuste. Nous voulons également que le monde soit fondamentalement changé, que commence la civilisation de l’amour, qu’arrive un monde de justice, de paix, sans violence, sans faim. Nous voulons tout cela : et comment cela pourrait-il arriver sans la présence du Christ ? Sans la présence du Christ, un monde réellement juste et renouvelé n’arrivera jamais. Et même si c’est d’une autre manière, totalement et en profondeur, nous pouvons et nous devons dire nous aussi, avec une grande urgence dans les circonstances de notre époque : Viens, Seigneur ! Viens à ta manière, selon les manières que tu connais. Viens où règnent l’injustice et la violence. Viens dans les camps de réfugiés, au Darfour, au Nord-Kivu, dans de nombreuses parties du monde. Viens où règne la drogue. Viens également parmi ces riches qui t’ont oublié, qui vivent seulement pour eux-mêmes. Viens là où tu n’es pas connu. Viens à ta manière et renouvelle le monde d’aujourd’hui. Viens également dans nos cœurs, viens et renouvelle notre vie, viens dans notre cœur pour que nous-mêmes puissions devenir lumière de Dieu, ta présence. Prions en ce sens avec saint Paul : Maranà, thà ! « Viens, Seigneur Jésus ! ».

Et prions pour que le Christ soit réellement présent aujourd’hui dans notre monde et le renouvelle.

Relisons la catéchèse du Pape François du 23 août 2017 :

« Nous avons écouté la Parole de Dieu dans le livre de l’Apocalypse, et elle dit : « Voici, je fais l’univers nouveau » (21, 5). L’espérance chrétienne se fonde sur la foi en Dieu qui crée toujours des nouveautés dans la vie de l’homme, il crée des nouveautés dans l’histoire, il crée des nouveautés dans l’univers. Notre Dieu est le Dieu qui crée la nouveauté, parce que c’est le Dieu des surprises.
Il n’est pas chrétien de marcher le regard tourné vers le bas — comme le font les cochons : ils avancent toujours ainsi — sans lever les yeux vers l’horizon. Comme si tout notre chemin finissait ici, en l’espace de quelques mètres de parcours ; comme si dans notre vie, il n’y avait aucune destination ni aucune escale, et que nous étions contraints à errer éternellement, sans rien qui justifie nos nombreux efforts. Cela n’est pas chrétien.

Les pages finales de la Bible nous montrent l’horizon ultime du chemin du croyant : la Jérusalem du Ciel, la Jérusalem céleste. Elle est imaginée avant tout comme une demeure immense, où Dieu accueillera tous les hommes pour habiter définitivement avec eux (Ap 21, 3). Et cela est notre espérance. Et que fera Dieu, quand nous serons enfin avec Lui ? Il fera preuve d’une tendresse infinie à notre égard, comme un père qui accueille ses enfants qui ont longtemps peiné et souffert. Jean, dans l’Apocalypse, prophétise : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ! Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé […] Voici, je fais l’univers nouveau ! » (21, 3-5). Le Dieu de la nouveauté ! »