Homélie de l’Épiphanie du Seigneur

9 janvier 2015

« Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »

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Texte de l’homélie :

Quel effet a dû faire l’arrivée des mages dans l’humble demeure où Marie, Joseph et Jésus ont trouvé refuge à Bethléem ?
Je n’oserais dire « ça leur a fait un effet bœuf ! » parce que même celui-ci a dû se sentir totalement dépassé avec les chameaux, l’or, l’encens, etc…
Mais à la fête de l’Épiphanie, nous risquons, devant la splendeur de cette fête liturgique, et devant la grandeur de ce mystère, de nous trouver avec ce même désappointement. Car en effet, de quoi s’agit-il ? Le Seigneur nous est apparu, le Salut est ouvert, non seulement à ceux pour qui il était prévu, mais à tous ! Nous qui sommes habitués à penser que la foi est un élément valable pour les gens de culture occidentale, quoique d’ailleurs déjà pas mal dépassée…
Or, ce Salut, est-il vraiment valable pour tous les peuples, pour le monde entier, jusqu’à celui que je côtoie chaque jour et qui paraît si loin du Seigneur ?

Nous venons en cette fête de l’Épiphanie recueillir les fruits du temps de l’Avent et de Noël que nous venons de vivre. Vous le savez bien, le temps de l’Avent c’est le temps de l’avènement, le temps de l’événement. Notre Dieu n’est pas une mémoire, ce n’est pas une idée, ce n’est pas une idée spirituelle. C’est cet événement. Dieu est entré dans notre vie, Il nous aime. Et pour le dire avec Paul dans son épître à Tite :

« La grâce, la bonté, l’amour de Dieu s’est manifestée, source de Salut pour tous les hommes. »

Dans les acteurs de l’évangile d’aujourd’hui, il y a plusieurs figures :

  • Il y a Hérode. Hérode qui est étonné, et qui est inquiet pour son pouvoir, au point de sembler s’intéresser à lui. Mais en réalité, il voit ce roi qui vient comme une menace car, effectivement, qu’y a-t-il de plus opposé entre le pouvoir tel que les hommes le conçoivent, et ce pouvoir désarmé que le Seigneur vient établir « d’un bout à l’autre du monde » comme le dit le psaume ?
    Nous pourrions nous interroger nous-même, car, et c’est le défaut du vieil Adam : nous risquons de voir Dieu comme une sorte de rival. Aussi nous risquons d’être aveugles et sourds devant les signes, et les paroles du Seigneur. Et nous pensons que Dieu est celui qui pose des limites à notre vie et ne nous permet pas de disposer de notre existence à notre gré.

Finissons-en avec cet esprit qui rôde chez chacun de nos contemporains et chez nous-même bien souvent : l’idée que laisser place à Dieu constitue une limite qui vient me brider. Dire « que ta volonté soit faite » reviendrait à me faire faire ce que je n’ai pas envie de faire ?
Il faut que nous puissions nous ouvrir avec certitude à l’amour tout-puissant de Dieu, à ce plan bienveillant, à ce mystère, et comme le dit l’épître aux Éphésiens : à ce plan bienveillant, à ce projet de Dieu pour nous qui ne nous menace pas, qui ne nous ôte rien, mais qui au contraire est l’unique possibilité pour nous ouvrir à une vie plénière et à une vraie joie.

  • Il y a ensuite les savants : les prêtres, les sages, qui sont appelés les théologiens, les experts, qui regardent l’Écriture, qui sont capables d’en citer de nombreux passages et qui oublient que cette parole est une aide précieuse pour nous conduire dans la voie de Dieu.
    En effet, ils disent bien la bonne prophétie tirée du livre de Michée : ils auraient pu citer aussi le prophète Ballam dans le livre des Nombres. Mais ils ne bougent pas. Ils n’avancent pas. Ils sont un peu comme les hommes de la Curie et de toute l’Église à qui le Saint Père rappelait dans les principes de vie spirituelle le 22 décembre dernier : ils risquent d’être atteints, et nous risquons tous d’être atteints d’Alzheimer spirituelle : c’est-à-dire qu’on sait des choses sur Dieu, mais ça ne transmet pas, c’est inefficace parce qu’on a oublié combien le Seigneur était source de Salut pour notre propre vie, pour nous mettre en route d’une manière concrète.
  • Et puis, il y a les mages. Les mages qui, comme beaucoup de savants et de gens qui cherchent, ont été capables de s’émerveiller, qui attendent de découvrir dans la Création les merveilles de Dieu, de découvrir cette intelligence qui est à la source de la Création. Ils ont continué à chercher, à lire les signes. Et ils vont se mettre en marche pour découvrir que ce roi, celui qui gouverne l’univers, vient se révéler dans la pauvreté et la petitesse. Cela même ne les arrête pas. C’est là où le Seigneur nous conduit, par son humanité, par les pauvres auxquels il s’identifie, et il nous ouvre ainsi à son Royaume.
    La grâce de Dieu, sa bonté, s’est manifestée comme source de Salut pour tous les hommes. Cette venue des mages nous découvre que tous, ceux qui sont loin de Dieu, qui se faisaient des idées sur Dieu, qui construisaient leur Dieu à leur façon, ne peuvent découvrir Jésus, comme nous le dit le catéchisme, et ne peuvent l’adorer comme fils de Dieu et sauveur du monde qu’en se tournant vers les Juifs et en recevant d’eux la promesse messianique telle qu’elle est contenue dans l’Ancien Testament.

L’Épiphanie manifeste cette plénitude de la famille de Dieu qui nous fait entrer tous dans cette grâce donnée aux patriarches, qui nous fait accéder à la dignité de fils d’Israël, qui nous fait être ce bien particulier de Dieu. Et saint Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, le reprend d’une manière très forte : par l’Esprit, nous sommes tous associés au même héritage, au même corps, à la même promesse. C’est-à-dire - comme il est dit dans le Magnificat - au-delà de Moïse, nous rattachant à la promesse faite à Abraham notre père :

« En toi seront bénies toutes les familles de la terre. »

Jésus est cette bénédiction qui vient relever les pauvres, qui vient redonner l’espérance à ceux qui sont abattus, qui vient donner cette lumière nouvelle comme on l’entend ici dans le livre d’Isaïe, pour nous mettre en marche et pour nous rappeler que si nous accueillons cet héritage de la bénédiction de Dieu nous devenons nous-même cet héritage et nous portons la paix. Nous devenons un corps, nous devenons tous les membres les uns des autres, unis à la tête, le Christ.
Ainsi avec Lui nous avançons pour répandre cette bénédiction de Dieu. Dans le livre d’Isaïe c’est la lumière qui est montrée, qui est exaltée :

« Debout Jérusalem, resplendit, elle est venue ta lumière. »

Et pourtant c’est loin d’être une joie déjà accomplie. C’est juste l’annonce qu’on peut - après cinquante ans, soixante ans d’exil - rentrer au pays. Mais la tâche va être longue et difficile.

C’est cette lumière qui est annoncée aujourd’hui dans la crèche, devant laquelle viennent se prosterner les mages. Elle nous est donnée, comme une petite lumière peut-être, mais qui est appelée à grandir. Alors laissons-nous illuminer par cette fête, par cette manifestation de l’amour de Dieu. Laissons s’en remplir notre cœur, lisons la parole, mettons-nous en marche pour reconnaître les voies du Seigneur dans notre vie et marcher avec lui.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 60,1-6.
  • Psaume 72(71),1-2.7-8.10-11.12-13.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 3,2-3a.5-6.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2,1-12 :

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent :
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent :
« À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
"Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël." »

Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant :
« Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »

Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.