Homélie de la solennité de l’Epiphanie

4 janvier 2021

Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

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Texte de l’homélie :

Ce qui est étant dans ce récit de la venue des mages à la recherche du Seigneur, c’est cette très grande joie dont nous parle le texte :

« Ils se réjouirent d’une très grande joie… »

Cette joie est apparue, née en eux à la vue de l’étoile. Et ensuite : « En entrant dans la maison, ils découvrent l’Enfant avec Marie Sa mère. » Cela m’a fait penser à la place des signes dans notre vie.

Qu’est-ce qu’un signe ?

D’une certaine manière, l’étoile a été un signe puisqu’ils ont été guidés par elle. Ils étaient certainement des astrologues, des personnes qui scrutaient le Ciel. Ils ont vu une étoile nouvelle apparaître et ils l’ont suivie.
Et l’on voit bien qu’il y a souvent des signes dans le chemin qui conduit vers Dieu, il y a souvent des sortes « d’étoiles » qui nous guident vers le Seigneur…

Ces signes qui nous sont donnés nous permettent d’aller à la rencontre du Seigneur, de nous mettre en chemin. Cela a été le cas pour les rois mages mais aussi pour un certain nombre de personnes. Cela peut être des passages de la Parole de Dieu, ou bien des événements heureux ou malheureux qui poussent à se mettre en route pour aller vers le Seigneur.

Comment reconnaître que c’est un signe du Seigneur ?

Mais cette question des signes est une question complexe, car elle pose aussi celle-ci : comment ne pas voir des signes là où ça nous arrange ? Prenons un exemple : pour ne pas mettre tous nos revenus sur notre déclaration d’impôts, nous pouvons en trouver beaucoup ; mais nous ne sommes pas certains qu’ils seraient tous validés par l’inspecteur du fisc… c’est plutôt le contraire !
Il arrive souvent que des personnes voient des signes là où ce n’est pas opportun : ce n’est pas parce qu’un garçon et une fille se rencontrent dans une retraite que c’est un signe pour qu’ils se marient.

Ainsi, cela demande une juste interprétation. Le signe est à la charnière de la partie subjective et de la partie objective.
C’est intéressant que le signe provoque une émotion : « Ils se réjouirent d’une très grande joie… »
Pour se mettre en chemin, c’est important de ressentir joie, paix qui donnent l’audace d’aller vers l’avant. C’est le côté subjectif, personnel et intérieur.

Puis, il y a l’aspect plus objectif :

« En entrant dans la maison, ils découvrirent l’Enfant avec Marie Sa mère. »

Le signe articule donc le côté objectif que tout le monde peut voir et le côté intérieur que nous sommes seuls à connaître.

Mais, comment valider un signe ?

Pour nous qui sommes dans le discernement, nous savons que c’est grâce à un aîné dans la Foi, quelqu’un qui a déjà un expérience du chemin avec le Seigneur et qui nous dit que oui, là, il peut y avoir un signe. Ce n’est pas juste le fruit de votre imagination. Car cela peut-être le cas, comme une réponse à une recherche de signe comme justification et rationalisation pour agir dans un sens qui m’arrange.
On voit bien là l’importance de l’accompagnement spirituel comme aide à discernement comment le Seigneur intervient dans notre histoire. Comme Il a agi dans l’histoire du peuple d’Israël, comme il a agi dans la vie des rois mages, Il agit actuellement dans nos vies aujourd’hui.

Il y a des signes qui interviennent, et c’est à nous de les interpréter.

Pour aller plus loin, on pourrait dire que le signe est comme un sacrement. Le sacrement est une analogue, c’est à dire qu’il peut s’appliquer à plusieurs choses. On peut dire par exemple que Jésus est le seul sacrement, car Il est le signe visible qui nous renvoie au Royaume. On peut aussi le dire pour la Nature, pour les frères, ainsi que pour la vie religieuse, car elle nous montre. Le regard ne s’arrête pas sur nous car nous montrons le Royaume, nous renvoyons à une réalité qui n’est pas de ce monde qui n’est pas accessible aux cinq sens, visible par la Foi.

D’où l’importance de la Foi dans le cheminement vers le Seigneur : si l’émotion est au rendez-vous – on le voit bien dans les conversions – par les larmes dans la prière, par un sentiment de consolation, cela doit être relayé par une vraie connaissance du Seigneur, un vrai enseignement et une vraie volonté, une vraie détermination.

Des signes visibles pour distinguer l’invisible…

Ainsi, le signe nous parle d’une réalité qui est autre, et c’est pour cela qu’il est sacrement, et il est important de faire le lien dans notre vie avec des événements concrets que tout le monde peut voir, mais qui ont une autre portée pour nous. Cela nous renvoie à une autre réalité qui, elle, est invisible.

C’est bien entendu le cas pour l’Eucharistie : on voit du pain et du vin, mais pour nous, le pain et le vin consacré sont le corps et le sang du Seigneur. C’est ce lien entre les signes et les réalités extérieures qui nous permet d’avancer. Ces signes qui nous sont donnés sont des lieux d’encouragement, des lieux où l’on peut clairement avancer et demander au Seigneur les grâces dont on a besoin pour pouvoir nous rapprocher de Lui.

Nous avons besoin de ces éléments concrets pour avancer. Quand on voit les histoires saintes des uns et des autres, notamment lorsque vous êtes amenés à témoigner de votre cheminement avec le Seigneur, il est certain qu’il y a eu des moments dans votre vie où il y a eu des rencontres, des événements, des personnes qui ont été étoiles qui vous ont guidés vers le Seigneur.

Quels signes le Seigneur nous a-t-il donnés ?

Et il pourrait être intéressant de faire mémoire aujourd’hui de quelles ont été nos étoiles dans nos vies qui font que nous sommes arrivés jusqu’ici, dans cette chapelle. Ce n’est pas par hasard que nous sommes là. Chacun d’entre nous avons été appelés à venir ici, selon notre état de vie : il y a eu une étoile, un déclenchement, une grande joie qui a fait que l’on a avancé sur le chemin avec le Seigneur.

L’Épiphanie est aussi l’occasion de faire mémoire de notre cheminement spirituel et d’être attentifs à la manière dont le Seigneur agit dans notre histoire. Il faut d’abord savoir comment Il agit en nous-mêmes, à travers nos émotions – et c’est toute la spiritualité ignatienne avec la consolation et la désolation – comment Il travaille notre cœur, mais aussi les événements et les personnes, ces signes que tout le monde peut voir mais que nous interprétons.
Il faut cependant avoir cette humilité de se laisser guider dans les interprétations, demander l’éclairage d’une autre personne, et c’est toute la grâce d’être en Église. La grâce d’être en Église c’est que l’on n’est pas seul.

Précisément, on n’est pas seul face à un signe, à se demander si c’en est vraiment un… On peut être accompagné, guidé et c’est une grâce de découvrir à travers les réalités de ce monde quelque chose qui renvoie aux réalités célestes.

Quand le signe nous fait changer de route…

Dans ce passage des rois mages, il y a un autre point qui est intéressant : une fois qu’ils ont rencontré le Seigneur, il repartent par un autre chemin. gagnent leur pays par un autre chemin.

« Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. »

Et c’est souvent le cas : une fois que nous avons rencontré le Seigneur, que nous avons rencontré la Vierge-Marie, il y a une nouveauté. Et on voit souvent que c’est un signe quand il y a eu un changement dans notre vie. C’est souvent à posteriori, en regardant en arrière, que l’on voit que tel événement était un signe, que ça nous a changé, ça nous a rendu meilleur, ça nous a donné un plus grande intimité avec le Seigneur, nous faisant aller vers une vie de prière plus sérieuse.

« Mais, avertis en songe… »

Il nous faut également être attentifs aux songes ; de nos jours, certains, se convertissent au Christianisme par des songes.

C’est au changement qu’il a opéré que l’on peut repérer un vrai signe : quelque chose a bougé dans ma vie, qui fait que je ne repars pas par un autre chemin, que je ne reprends pas la route connue. Ne pas retourner vers Hérode était une bonne inspiration car, on l’a vu par la suite, ce roi n’avait de cesse de tuer ceux qui pouvaient lui faire de l’ombre, à commencer par les Saints Innocents.

Une manifestation du Seigneur qui ne reste pas sans effet

Ainsi, à propos de cette fête, à chaque fois que l’on interprète une réalité terrestre comme étant en lien avec une réalité spirituelle, c’est une épiphanie, une manifestation. Le Seigneur se manifeste. Nous croyons en un Dieu qui se manifeste dans le Christ. Il est l’Épiphanie - la manifestation - par excellence, avec cette particularité qu’Il se manifeste pour tous, c’est la mystère de ce jour. Ce qui est vraiment remarquable, c’est cette volonté du Seigneur d’être accessible, selon la sensibilité de chacun. Encore une fois, le signe se fera en fonction de chaque personne.

On m’a rapporté que lors d’une ordination sacerdotale, un grand arc-en-ciel apparut. On le sait bien, l’arc-en-ciel est le signe de l’Alliance dans la Bible. Ainsi, tout le monde qui était présent et connaissait ce signe s’est demandé : que sera-t-il de ce prêtre ? Quand à celui qui est à 3 km, il peut admirer ce bel arc-en-ciel mais n’y voit pas pour autant un signe…
Il faut alors se demander comment le Seigneur agit dans cette histoire, et dans notre histoire. Car c’est pour nous-mêmes qu’une grâce est donnée.

Soyons attentifs à ce chemin du Seigneur, à l’image de cette phrase du pape Benoît XVI :

Un journaliste lui posait la question piège : « Combien y-a-t-il de chemins pour aller vers Dieu ? » Une belle question pour les personnes qui sont en chemin…
Avec la mauvaise réputation qu’il avait au début de son pontificat, on aurait pu croire qu’il aurait répondu : « un seul, celui de l’Église catholique ! ».
Et ce fin théologien ne s’est pas laissé prendre au piège et répondit : « Il y a autant de chemins pour mener vers Dieu que de personnes… »

Cela dit bien l’importance de l’attention dans l’accompagnement : si cela parle à une personne alors que ça ne me parle pas, si cela le fait cheminer et changer de vie, le menant à la communion avec Dieu, on peut discerner que cela a été un signe pour lui.
Cette question de signe et d’étoile est importante, et le texte de ce jour nous donne de quoi méditer.

Alors, on va demander au Seigneur de faire mémoire, de rendre grâce pour cette manifestation – toute simple et modeste qu’elle soit – cette présence du Seigneur à laquelle j’ai eu accès par des événements, des personnes, des rencontres. Rendons-Lui grâce et demandons aussi qu’en faisant mémoire de ces étoiles qui se sont levées sur notre chemin, nous puissions être des témoins des épiphanies – des manifestations – de l’Amour de Dieu,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 60,1-6.
  • Psaume 72(71),1-2.7-8.10-11.12-13.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 3,2-3a.5-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 2,1-12 :

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : ‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ »
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.