Homélie de la Fête de la Croix Glorieuse

16 septembre 2014

Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.

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Texte de l’homélie :

Aujourd’hui, nous fêtons la Croix Glorieuse. Il y a un enracinement dans la liturgie, car c’est en même temps la fête de la dédicace de la basilique de la Résurrection - la basilique du Saint Sépulcre - à Jérusalem, par la mère de Constantin, en 355.
En même temps, cela nous permet de considérer ce paradoxe évangélique : vous avez les mots « Croix » et « Glorieuse » côte à côte. Comment est-il possible que ce qui était le supplice humiliant par excellence - où le condamné exposé nu et agonisant de longues heures, châtiment réservé aux esclaves et aux révoltés - soit associé à la gloire ?

Dans l’évangile, nous sommes déjà habitués à un certain nombre de paradoxes que Jésus nous donne en annonçant le Royaume :

« Bienheureux les pauvres…
Bienheureux ceux qui pleurent… »

« Si le grain de blé ne meure, il reste seul. »

Et si cela est vrai dans la nature, Jésus en parle aussi à propos de Sa vie, de Son chemin et de Sa mission.

Il nous est difficile de comprendre aujourd’hui ce que veut dire : « fêter la Croix Glorieuse ».
Père Éric nous a déjà donné la clef tout là l’heure :

« On regarde la Croix non pas dans le fait, mais dans les fruits qu’Elle nous donne. »

Ce fruit de vie, ce fruit annoncé dans l’Évangile, fruit de Vie Éternelle…

Comment le Fils de l’homme peut-il accepter cette mort ?

Ce n’est certes pas un mystère si facile à comprendre. Et Saint Paul, même s’il est rempli par la puissance de la Résurrection de Jésus dit :

« Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, et folie pour les Grecs » (les païens)

Et dans notre quotidien, cela reste ce scandale, pour les Juifs au début, mais aussi pour une partie des premiers Chrétiens qui pensaient que le fils de Dieu ne pouvait pas ainsi souffrir ni vivre cet échec. Certains ont même pensé que quelqu’un avait pris Sa place, afin qu’Il ne vive pas cela.
On retrouve d’ailleurs cette doctrine dans le Coran, car son écriture est proche de l’ère des premiers Chrétiens. Et on reste avec ce sentiment de révolte.

Avec les Grecs, avec les peuples sans culture biblique, sans la présence de Dieu pour les accompagner, on refuse d’écouter comme les philosophes à Athènes : cette histoire, racontée par un fou, ne peut être entendue et on s’en détourne, sans prendre de le temps de l’écouter.
C’est un peu ce qu’il se passe dans notre période contemporaine, où l’on a peu a peu déconstruit ce message, car on prend la parole du Christ non pas selon son mystère, mais sous un aspect moralisant : il est devenu ainsi complètement illisible.

Et pourtant : vous saviez bien que Jésus a insisté auprès de Ses apôtres qui ne comprenaient pas, et avec Pierre qui était révolté :

« Il faut que le Fils de l’homme soit rejeté, qu’Il souffre, qu’Il meure, et le troisième jour, qu’Il ressuscite. »

Et Jésus a insisté ; cela a été difficile jusqu’au pied de la Croix où tous les Apôtres avaient fui : c’était alors impossible pour eux de rentrer dans ce mystère.
Pourtant, dans la pédagogie de Jésus qui est reprise dans la liturgie – nous sommes aujourd’hui quarante jours après une autre fête, celle de la Transfiguration. Pour aider Ses disciples à passer ces moments difficiles, pour rentrer dans cette mission avec Lui, Il a laissé apparaître la gloire, le rayonnement, l’être de Dieu qu’Il est, tout en leur parlant de Sa montée à Jérusalem, car, comme nous le montre la liturgie par ce cycle, il y a un lien entre ces deux événements – la gloire de la Transfiguration et la gloire de la Crucifixion.

Comment faut-il entendre la gloire de la Croix ?

La Croix nous est présentée de manière différente selon les évangiles :

  • Saint Jean nous décrit Jésus avec une autorité paisible, souveraine, qui pardonne, qui est attentif à Marie et à Jean au pied de la Croix.
  • Saint Marc, lui, présente Jésus dans la souffrance, dans l’incompréhension, avec un cri qui montre tout autant la vigueur de Jésus que Sa détresse….
    Et il ne nous faut pas choisir. Car il y a les deux aspects et c’est dans ces deux aspects que se développe le mystère de la Croix, cette croix qui nous est donnée.

Dans les lectures, vous avez entendu que, pour nous préparer, il est dit que le Fils de l’homme va être élevé – derrière cette élévation, en Grec et en Hébreu, il y a la gloire. Et Jésus montre ce qui est repris par le prophète Zacharie :

« Ils regarderont vers Celui qu’ils ont transpercé… »

Quand on va lire le texte en Hébreu, c’est encore plus fort, car il est dit : « vers Celui qu’Il a transpercé », autrement dit, Dieu. Ce n’est pas quelque chose qui échappe au Seigneur, mais qui est dans Son dessein divin. Jésus le voulait pour nous parler, pour nous dire quelque chose qu’il nous faut apprendre à écouter.

Et, dans la première lecture, on entend bien qu’il y a, de la part des Hébreux dans le désert, ce refus de la réalité. Le Seigneur a déjà agi pour eux, car ils ont été libérés. Mais, ils en ont assez de la manne qui est un don de Dieu, assez de cette nourriture du désert. Alors, ils se mettent à récriminer. Ils veulent autre chose.
Notons qu’il y a des serpents. Et comme ils ont mauvaise conscience d’avoir récriminé contre le Seigneur, ils pensent que les serpents sont un châtiment du Ciel. Alors, Moïse reprend une pratique - qui peut être considérée comme magique – et les aide : « ils regarderont ».

Et, après la Résurrection, dans la prédication des Apôtres, c’est cette invitation à regarder Jésus sur la Croix qui revient. C’est le pape Jean-Paul II qui donne cette très belle expression dans son encyclique sur la Miséricorde :

« La Croix est le moyen le plus profond pour la divinité de se pencher sur l’homme, sur tout l’homme. »

Dieu ne nous invite pas à un autre monde. Dieu n’est pas une illusion d’un autre monde, mais Il vient parmi nous et dans ce monde qui est le nôtre, Il vient nous sauver.
Bien sur, comme il est dit dans le texte en grec à propos d’Adam et Eve, le rêve de l’homme est de revendiquer d’être égal à Dieu, de décider du bien et du mal, de se faire Dieu. Et, en réponse, Jésus - le Verbe incarné, comme le dit l’Épitre aux Philippiens que l’on vient de lire – « n’a pas revendiqué le rang qui l’égalait à Dieu ».

Qu’en est-il des croix dans notre vie ?

Nous recevons notre existence. Nous la recevons et le Seigneur marche avec nous. Il va nous donner la force ! Il va nous donner Sa présence ! Il va nous donner la guérison pour avancer, pour passer à travers les épreuves, mais non pas d’une manière illusoire.
Il est là, et Il vient nous donner le désir de vie, Il vient nous inviter à la Vie Éternelle, Il vient nous inviter à dépasser la mort, tout ce qui est violence, domination, désir d’attirer pour soi, par soi-même, mais Il va nous apprendre à avancer dans ce monde, et Il nous propose la Vie Éternelle, de partager Sa vie.
Cette vie n’est pas – comme nous le pensons – une vie toute puissante au sens des hommes, mais qui est de cette toute puissance de l’Amour, de la guérison pour le cœur de l’homme.

Ainsi, il est bon de regarder nous-même comment nous vivons les croix, les frustrations : sont-elles simplement des pièges, des choses qui nous embêtent ; sommes-nous contre les événements lorsqu’ils ne sont pas comme nous nous avions imaginé ? ou au contraire, pouvons-nous les accueillir, et, avec la force du Seigneur, agrandir notre cœur, notre intelligence, et avancer dans ce monde en répondant à la vocation qui est la nôtre, celle d’aimer, d’accueillir les uns et les autres dans ce monde et de leur donner la paix et la joie.

Autrefois, dans toutes les maisons, dans toutes les pièces mêmes, il y avait une croix. Nous pouvons nous demander si nous savons regarder vers Jésus, est-ce que, dans les difficultés, les choses difficiles de notre vie - petites ou grandes - nous savons regarder vers Lui, non pas pour trouver une explication, mais comme le dit le pape Jean-Paul II, pour nous laisser toucher par cet amour de Dieu qui vient nous rejoindre jusque dans les moments difficiles, sans nous enlever ce qui est précieux : cette présence de noter Dieu, cette vocation à laquelle Il nous appelle,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Nombres 21,4b-9.
  • Psaume 78(77),3-4ac.34-35.36-37.38ab.39.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,6-11.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 3,13-17 :

Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.