Texte de l’homélie
Chers frères et sœurs, nous voici arrivés en ce beau jour de Pentecôte.
L’Esprit Saint, l’Esprit de communion du Père et du Fils nous est donné. Comme le dit Saint Bernard :
« Rien de plus doux en Dieu que son Esprit Saint ; il est la bonté même de Dieu ; il est Dieu… »
Sans cet Esprit, nous ne pouvons pas mener une vraie vie chrétienne.
Selon mon habitude, je diviserai mon propos en trois parties :
- Ce qui est le plus manifeste dans le récit de la Pentecôte tel qu’il nous est relaté dans les Actes des Apôtres, c’est que l’Esprit Saint transforme des disciples apeurés en évangélisateurs pleins de hardiesse. C’est un feu qui les prend intérieurement et les pousse à témoigner et évangéliser. Ce sera la première partie.
- Il est bon de voir que l’Esprit Saint ne se contente pas d’étendre les limites de l’Église pour qu’elle rejoigne tous les hommes. À cette action visible extérieurement s’ajoute une autre action beaucoup plus intérieure : elle sanctifie les disciples et les transforme intérieurement pour qu’ils soient habités par les sentiments même de Jésus. Ce sera ma deuxième partie.
- Pour terminer, j’aimerais voir avec vous ce qu’il nous faut faire, quelles attitudes adopter, pour être à même de recevoir cet Esprit si bienfaisant à la fois pour rejoindre tous les hommes et pour nous changer intérieurement.
L’Esprit Saint, un feu qui nous fait évangéliser
Une puissance venue d’En-Haut
Dans l’évangile, Jésus avait dit à ses apôtres :
« Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. » (Lc 24, 49)
Avant son départ à l’Ascension Jésus leur a fait cette promesse :
« Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1, 8)
De fait, dans le récit de la Pentecôte, il y a quelque chose d’assez spectaculaire :
« Un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux.
Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues. »
Comme le dit Saint Bernard :
« C’était clair pour tous qu’ils avaient été revêtus de ‘la force d’en haut’ (Lc 24,49) quand, d’un esprit si peureux, ils sont passés à une telle assurance. Ils ne fuient plus, ils ne se cachent plus par crainte ; à présent ils déploient plus d’énergie à prêcher qu’ils n’en déployaient naguère à s’enfuir. »
C’est comme si les apôtres ont reçu une sorte de potion magique qui les a dopés pour partir évangéliser le monde. L’Esprit Saint les a poussés à ouvrir les portes pour sortir, pour annoncer et témoigner de l’Évangile.
Des charismes variés
L’Esprit Saint qui intervient avec puissance accorde de nombreux charismes.
« À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter.
Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier. » (1 Co 12, 7-11)
Ces charismes ne sont pas donnés pour la personne elle-même mais pour évangéliser, pour le bien de toute l’Église.
Exercés dans l’unité
L’Esprit Saint est l’Esprit d’unité, qui ne signifie pas uniformité, mais ramène le tout à l’harmonie. L’Esprit Saint met tous ces dons en harmonie, les fait travailler de concert comme les différents membres dans un même corps humain.
« Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous » (1 Co 12, 4)
C’est l’inverse de la tour de Babel. Quand c’est nous qui voulons faire l’unité selon nos desseins humains, nous finissons par apporter l’uniformité, l’homogénéité. À la Pentecôte, l’humanité apprend l’unité dans la diversité : désormais toutes les nations qui sont sous le ciel entendent proclamer dans leurs diverses langues l’unique message : les merveilles de Dieu.
Sans l’Esprit-Saint, pas d’unité dans l’Église. C’est un peu comme l’âme qui maintient l’unité du corps. L’Esprit Saint est – selon une comparaison de saint Augustin – comme l’âme dans le corps : on ne la voit pas mais elle fait toute la différence entre un mort et un vivant. L’Esprit-Saint est principe de vie et d’unité.
L’Esprit Saint, un feu qui nous transforme intérieurement
Une action intérieure
L’Esprit Saint est une puissance de sanctification qui prend possession de la personne, en change le cœur et en fait une créature nouvelle. L’action de l’Esprit Saint s’applique directement à la personne qui le reçoit, elle s’arrête en lui, elle demeure en lui, elle engendre un nouvel état et une vie nouvelle.
Cette action de l’Esprit Saint est beaucoup plus intérieure et discrète. Elle correspond davantage à l’action de l’Esprit Saint telle que nous la présente Saint Jean dans son évangile :
« l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Il s’agit d’être habités par Dieu qui vient faire en nous sa demeure. Cela suppose de se laisser habiter par la Parole de Dieu. La mémoire dont il est question n’est pas simplement le fait de répéter ce que Jésus a dit mais plutôt de l’intégrer.
Comme le dit Saint Paul dans la deuxième lecture :
« l’Esprit Saint nous fait vivre ; il tue en nous « les agissements de l’homme pécheur ». Il fait de nous « des fils ; et c’est en lui que nous crions ‘Abba !’, c’est-à-dire : Père ! » »
Tant que nous vivons « selon la chair », nous nous conduisons vis-à-vis de Dieu en esclaves : l’esclave n’a pas confiance en son maître, il se soumet par obligation et par peur des représailles. En revanche, quand nous vivons « selon l’Esprit », nous nous conduisons en fils, c’est-à-dire dans une relation de confiance et de tendresse.
Des fruits savoureux
L’Esprit habite le cœur de l’homme et le transforme en sa propre demeure. Dans la lettre aux Galates, Saint Paul évoque des dons qui ne retiennent pas particulièrement l’attention. Il les appelle fruits du Saint Esprit. Les voici : « charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22) .
Si on lit avec attention la liste, il est évident que c’est là un ensemble de ’vertus non musclées’. A vrai dire, on aurait attendu autre chose de Paul, quelque chose qui soit davantage dans la ligne de l’apôtre robuste et infatigable tel qu’il apparaît dans ses lettres. On aurait pensé par exemple à courage, force, esprit d’initiative, créativité, endurance, persévérance.
donne une chaleur, un goût, une saveur évangélique
Le curé d’Ars a dit des choses très belles sur l’Esprit Saint. Visiblement, il parlait d’expérience :
« Sans le Saint-Esprit, tout est froid : aussi lorsqu’on sent que la ferveur se perd, il faut vite faire une neuvaine au Saint-Esprit pour demander la foi et l’amour ! »
Être sous l’emprise de l’Esprit ne signifie pas que tout péché est immédiatement éradiqué en nous mais que nous sommes dans une dynamique de libération tant que notre volonté est clairement décidée à rompre avec le péché et à suivre les commandements de Jésus. Grâce à l’Esprit nous pouvons tuer les agissements de l’homme pécheur. Il s’agit de se laisser conduire par l’Esprit de Dieu.
« Il s’agit donc de savoir qui nous conduit, dit le curé d’Ars. Si ce n’est pas le Saint-Esprit, nous avons beau faire, il n’y a pas de substance ni de saveur dans ce que nous faisons. Si c’est le Saint-Esprit, il y a une douceur moelleuse. » (Curé d’Ars)
Écoutez encore le Curé d’Ars :
« Il y en a qui trouvent la religion ennuyeuse : c’est qu’ils n’ont pas le Saint-Esprit » (ib 56)
Quelles attitudes adopter pour le recevoir ?
Nous sommes sans doute un peu comme les auditeurs de saint Pierre le jour de la Pentecôte :
« Que devons-nous faire pour recevoir l’Esprit-Saint ? » (Ac 2, 37)
La première chose est de rompre avec le péché. Il ne s’agit pas simplement des péchés assez grossiers comme une inconduite notoire. Il s’agit plus profondément de différentes attitudes qui font que nous ne sommes pas réceptifs à la grâce de Dieu.
La prière persévérante
C’est d’abord par la prière que l’on se prépare à recevoir l’Esprit Saint. C’est « tandis que l’Église était en prière », qu’« ils furent tous remplis d’Esprit Saint » (Ac 2, 2-4).
Dans les Actes des Apôtres, la venue de l’Esprit Saint est mise en relation avec la prière. Saul « était en prière » quand le Seigneur lui envoya Ananie lui rendre la vue et lui communiquer l’Esprit Saint (cf. Ac 9, 9-11). Après l’arrestation et la libération de Pierre et de Jean, la communauté était en prière : « A la fin de leur prière, le local où ils se trouvaient réunis fut ébranlé ; ils furent tous remplis du Saint Esprit » (Ac 4, 31). Quand les apôtres apprirent que la Samarie avait accueilli la Parole, ils envoyèrent Pierre et Jean ; eux « une fois arrivés prièrent pour qu’ils reçoivent l’Esprit Saint » (Ac 8, 15).
De fait Jésus avait lié le don de l’Esprit Saint à la prière : « Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11,13).
Parmi les qualités de cette prière, il y a la confiance : plus on fait confiance à Dieu, plus on reçoit l’Esprit Saint. Il y a aussi la persévérance, le fait de s’y appliquer avec assiduité et constance. On traduit par « persévérants », ou « assidus dans la prière ». On pourrait traduire « agrippés avec ténacité » à la prière.
L’humilité
Une deuxième disposition est celle de l’humilité :
« A cette heure même, Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et Il dit : Je Te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. » (Luc 10, 21)
L’humilité a un grand pouvoir pour attirer la grâce du Saint Esprit. On ne reçoit pas l’Esprit Saint pour cultiver son ego.
L’humilité est un facteur essentiel de l’unité dont nous avons un premier aperçu dans le récit des actes des Apôtres :
« Ils se trouvaient réunis tous ensemble. »
L’orgueil divise ; l’humilité rapproche. Unanime (homothymadon) signifie, à la lettre, « faite d’une seule âme ». Jésus avait dit que pour présenter devant Dieu Son offrande, il fallait être réconcilié avec son frère (cf. Mt 5, 23). Saint Paul exhorte les Chrétiens à être bien d’accord les uns avec les autres « pour rendre gloire à Dieu d’un même cœur » (la même expression que celle d’Actes 1, 14 !) et « d’une seule voix » (Rm 15, 5-6).
L’obéissance
« Dieu donne son Esprit à ceux qui lui obéissent. » (Ac 5)
Plus nous désirons faire la volonté de Dieu, plus Dieu nous donnera la grâce pour cela. Dieu accorde Son Esprit à ceux qui sont bien décidés à Lui obéir. La fidélité à une grâce attire d’autres grâces : chaque fois que nous obéissons à une inspiration divine, notre cœur se dilate et devient capable de recevoir davantage.
Si nous sommes trop attachés à notre programme, notre manière de faire, notre sagesse, nous ne laissons pas place à l’Esprit Saint. Nous avons beaucoup tendance à vouloir maîtriser et contrôler notre vie, ce qui est une erreur.
Pour laisser l’Esprit agir en nous, il faut souplesse et détachement, tenir notre cœur libre et dégagé de tout.
Lorsqu’une personne, ou une communauté, se renferme sur sa propre façon de penser et d’agir, c’est le signe qu’elle s’est éloignée de l’Esprit Saint.
Conclusion :
Et il en est toujours ainsi, en tout lieu et en tout temps. » (Benoît XVI, 23 mai 2010)
Unissons-nous à Marie, la Mère du Christ et de l’Église en invoquant avec foi une nouvelle effusion de l’Esprit Saint : Veni, Sancte Spiritus !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 2,1-11.
- Psaume 104(103),1ab.24ac.29bc-30.31.34.
- Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,8-17.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 14,15-16.23b-26 :
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.
Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous.
Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »