Homélie de la fête du Baptême de Notre Seigneur

11 janvier 2021

Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Le fait de méditer sur cette fête du baptême du Seigneur est l’occasion de réfléchir sur notre propre baptême en commençant par cette grande question : "pourquoi faut-il baptiser ? »

Pourquoi faut-il baptiser un enfant ?

Nombre de nos contemporains qui ont été eux-même baptisés ne demandent pas le baptême pour leurs enfants, pour leur descendance. Et l’on entend dire : "il choisira, elle choisira quand ils seront plus grands".
Et si cette pensée semble très ouverte, très tolérante, laisse en réalité faussement livre, car comment cette liberté peut-elle s’exercer si l’on ne connaît pas les fondements de la Foi chrétienne ?
Comment connaître si je ne suis pas renseigné, et comment me renseigner si je ne m’approche pas de la communauté chrétienne, et de ceux qui ont charge d’enseigner comme les catéchistes, par exemple.

Cela fait que l’on a parfois affaire à des jeunes de très bonne volonté et qui disent ne pas pouvoir choisir faute de ne pas connaître. On leur a dit qu’ils pourraient choisir plus tard, mais ils ont le sentiment d’avoir été trompés et de se trouver seuls, sans rien. Cette impression de délaissement face à la question spirituelle est particulièrement forte au moment de fonder un couple.
Si l’on transpose ce sujet à la lecture et à l’écriture, pouvons-nous imaginer que l’on dise à un enfant qu’il apprendra quand tu sera grand ?

Oui, cette fausse liberté, cette fausse permissivité se retournent contre l’enfant un fois devenu un jeune adulte car il se sent abandonnés.

Cela peut nous arriver à tous, et nous ne savons pas toujours quoi répondre à cet argumentation qui paraît très ouverte et bienveillante qui enferme en réalité bien plus qu’elle n’ouvre…
Nous pourrions alors inviter à réfléchir à ce qui permettrait à l’enfant de choisir si ce n’est de s’enraciner dans une communauté. Aujourd’hui, on le sent bien, l’heure est plus à l’enracinement qu’à l’ouverture. Et comment s’enraciner dans une communauté si ce n’est en étant membre soi-même pour en recevoir les rites qu’elle propose, à commencer par le baptême ?

Peut-on aimer ce que l’on ne connaît pas ?

Comme on l’a vu dans l’évangile de ce jour, le baptême se fait par la Trinité : au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. La voix du Père se manifeste, le Fils et là avec l’Esprit qui repose sur Lui. Tout l’amour de la Sainte Trinité se manifeste de façon publique.
C’est donc intéressant de nous demander quelle est notre identité chrétienne à l’heure ou cette identité pose débat, pose difficulté. Si je ne sais pas qui je suis, comment puis-je accueillir l’autre qui pense autrement ? Justement, l’accueil pose la question : « Dans quelle maison suis-je établi ? où ai-je pris mes racines ? »
À l’image d’un arbre qui n’aurait pas de racines, au premier coup de vent le voici par terre !

Voici ce qui arrive à ceux qui ne transmettent pas le baptême à leurs enfants. Ce sont pourtant de bonnes personnes, ce n’est pas un jugement de valeur, mais il faut dire que cela fragilise l’enfant d’autant plus qu’il est au contact de différentes cultures, de différentes religions dans son entourage, à l’école par exemple, il ne saura pas qui il est, et il sera comme dépourvu, fragilisé, alors que si il sait quelles sont ses racines, il saura comment avancer dans la vie.

La foi fait partie entière de l’éducation

Dans le Judaïsme, il y a un dicton qui dit : « éduquer, c’est donner des racines et des ailes ».

Des racines pour savoir d’où je viens, avec toute cette mémoire enrichie par la Foi, avec la culture et l’imaginaire que cela entraîne. C’est une certaine vision du monde.
Des ailes qui m’emmènent plus loin.
Et parce que je suis enraciné, je peux aller à la rencontre des autres parce que je sais qui je suis.

Et vous prenez bien conscience qu’à ne pas savoir qui l’on est, comment peut-on accueillir celui qui n’est pas comme soi ? C’est comme une forme d’indolence, de manque de confiance en soi, voire de raidissement causé par des peurs, parce que je ne sais pas qui je suis.

À travers le baptême nous est donné cette grâce d’être membre de l’Église, cela nous est donné dans la Foi. Je ne suis pas seul, je suis membre d’une communauté, pierre vivante de l’édifice qu’est l’Église. Et cette pierre vivante apportera ses grâces et ses talents pour que la communauté grandisse.

Il est donc important de prendre conscience que l’on appartient à une communauté, et parfois c’est cela qui fait défaut. Cela me rappelle la réflexion d’un rabbin qui se demandait :

« Comment faites-vous pour transmettre, vous les Catholiques ? Nous, Juifs, avons des choses à faire, des repères pur/impur, cacher/pas cacher, des rituels à accomplir. Nous avons la mésusa que l’on touche, l’extrait de la Thora, à l’entrée de la maison, le port de la kippa pour certains… Nous sommes enracinés et avons des signes d’une appartenance.
Il y a également la question de la circoncision qui est très identitaire dans le Judaïsme.
Et vous, comment transmettez-vous ? »

C’était pour lui un mystère. Et c’est vrai que dans la Foi chrétienne, il n’y a pas de « choses à faire ». Jésus n’a pas demandé de mettre une croix sur sa poitrine, Il a dit de porter sa croix, ce qui est un petit peu différent. En effet, la Foi est une attitude intérieure qui nous vient justement du baptême.

Une éducation pour grandir en intériorité

Mais comme c’est intérieur, c’est plus compliqué à transmettre. La Foi n’intervient pas dans la domaine culinaire, dans le domaine vestimentaire non plus. On le voit bien avec les premiers chrétiens qui vivaient comme les personnes qui les entouraient, on les distinguait que par le lieu du culte.

D’où l’importance d’insister sur le baptême car il fait prendre conscience à l’enfant qu’il est habité, qu’il porte en lui-même plus que lui-même, comme le dit Saint Paul :

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple du Saint-Esprit ? »

Aussi, si cette transmission est difficile car elle n’est pas marquée par des actions à réaliser, elle possible quand je mets le cap sur l’intériorité, quand j’en fais prendre conscience dès le plus jeune âge. Et c’est tout l’intérêt de l’Éveil à la Foi et des écoles de prière : c’est si important…

« Tu es baptisé et dans ton cœur, il y a Jésus ! »

Certes, il y a un certain nombre de traditions, celle de Noël et les grandes fêtes qui peuvent marquer, prier en famille aussi. Mais faire baptiser l’enfant signifie que l’on a pris soin de sa vie spirituelle.
Et ce qui est intéressant dans l’Enseignement Catholique – que l’établissement soit bon ou mauvais – c’est que l’on prend la personne dans toutes ses dimensions, y compris la dimension spirituelle. Il n’y a pas que l’enseignement scolaire : il y a aussi la préoccupation de ce contact avec la vie éternelle. Et c’est ça ce qui est beau : on ne considère pas seulement le cerveau de la personne humaine, mais aussi son rapport avec Dieu.

Ainsi, cette insistance sur le baptême nous permet de découvrir que l’on peut prier dans le silence et être en contact avec l’hôte divin qui nous habite. Selon les mots de notre fondateur, le Père Lamy :

« Laissez-vous aller au silence et écouter l’hôte divin qui habite en vous…. »

Cette manière de transmettre paraît assez simple, mais elle compte sur la grâce. C’est vrai que cela compte d’avoir un climat favorable pour que le baptême prenne toute sa mesure. C’est alors le rôle des grands relais comme celui du scoutisme, grande école d’éducation. Les amitiés entre enfants, adolescents et jeunes adultes sont aussi sont un lieu de transmission et de contact avec la Foi.
Saint Jean en parle dans sa lettre :

« Celui qui aime est né de Dieu. »

Dans les amitiés, il y a de l’amour qui circule, il y a quelque chose de Dieu qui est donné.

Suivons alors cette invitation à prendre conscience de cette transmission de la Foi qui se fait par les sacrements, par la catéchèse aussi, d’où l’importance de catéchiser pour sensibiliser l’enfant au rituel.
J’ai eu l’occasion de préparer au mariage un couple qui avait deux enfants et une dizaine d’années de vie commune, et la mère a dit : « J’ai réalisé que ma fille ne se rendait pas compte de ce qu’était le jour Noël, que c’était un jour comme un autre, et j’en ai pleuré… »
Je l’ai alors invité à s’interroger sur son cheminement, se demandant où elle en était de sa pratique et de faire le point sur ce choix de ne pas pratiquer. On en constate facilement les effets.

De même, nous pouvons nous demander quels sont les signes concrets que l’on fait apparaître qui rappellent la Foi : la crèche dans ces temps de Noël, la croix dans la maison ou l’appartement. Nous avons besoin de signes visibles et c’est précisément le sens du sacrement : le signe visible de l’invisible. De manière analogique on pourrait dire que ces signes dans la maison sont des sacrements…

Ainsi, nous pouvons demander au Seigneur que cette question de la transmission nous habite. Et le rôle des grands-parents est très important, car dans certaines familles, ils sont la seule référence chrétienne qui marque jusqu’à l’âge adulte. On entend souvent parler d’une grand-mère qui allait à l’église chez les jeunes trentenaires.

Demandons au Seigneur qu’à travers ce baptême soit reçu comme un don, car on ne se le donne pas à soi-même. Contrairement au Judaïsme dans lequel on naît Juif, contrairement où dans l’Islam où chacun fait sa profession de Foi et appartient de ce fait à la communauté, dans l’Église, vivre du baptême c’est recevoir d’un autre car personne ne peut se baptiser soi-même. De même, personne ne peut s’ordonner soi-même prêtre, on rentre dans cette logique de don.

Alors, on va demander au Seigneur de prendre davantage conscience de ce don, d’encourager ceux qui seraient dans le doute, en particulier les parents qui transmettent à leurs enfants, et nous-mêmes aussi de vivre davantage de cette présente de Dieu, et d’être aussi des témoins d’un Dieu qui est lumière et qui nous appelle à témoigner de cette lumière éternelle,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 55,1-11.
  • Livre d’Isaïe 12,2.4bcd.5-6.
  • Première lettre de saint Jean 5,1-9.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,7-11 :

En ce temps-là, Jean le Baptiste proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe.
Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »