Texte de l’homélie
Chers frères et sœurs, depuis la canonisation de sœur Faustine Kowalska, le 30 avril de l’An 2000, ce deuxième dimanche de Pâques est devenu le « dimanche de la miséricorde ».
En lisant l’évangile de ce jour, nous voyons combien la miséricorde de Dieu est un cadeau pour les apôtres et toute l’humanité. En effet, Jésus rejoint des apôtres qui n’ont pas spécialement le moral :
- ils ont « verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs » ;
- ils étaient certainement habités par un fort sentiment de culpabilité : ils ont tous abandonné Jésus quand c’est devenu trop difficile. Ils n’étaient pas fiers !
- leur état d’esprit était proche de celui des disciples d’Emmaüs encore sous le choc de la passion et de la mort de Jésus : « Nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël » (Lc 24, 21).
Quelle désillusion après tous ces beaux moments vécus avec Jésus ! Jésus vient les rejoindre alors qu’ils sont dans cette situation.
En cette homélie, je retiendrais trois dons que Jésus fait à ses apôtres :
- la joie de sa présence vivante alors qu’ils étaient dans la tristesse et la désillusion,
- la paix profonde de se savoir pardonnés alors qu’ils étaient rongés par la culpabilité,
- la grâce d’être envoyés pour transmettre ce pardon de Dieu alors qu’ils s’étaient enfermés par peur des juifs.
En ce dimanche, nous célébrons la miséricorde de Dieu qui ne se laisse pas arrêter par le mal. Nous aussi, nous sommes appelés à nous laisser rejoindre par la miséricorde de Dieu, à dire à Jésus : « j’ai confiance en toi ».
La joie de la présence de Jésus
Les plaies de Jésus ne sont pas supprimées mais glorifiées
Le premier « la paix soit avec vous » leur permet de surmonter leur déception de la mort de Jésus. Celui qui a souffert, qui est mort sur la Croix et qui a été enseveli est maintenant vivant :
« Le Seigneur est vraiment ressuscité. » (Lc 24, 34)
Jésus montre Ses mains et Son côté. Jésus garde Ses plaies mais elles sont glorieuses. Par la Résurrection, les plaies de Jésus ne sont pas supprimées mais glorifiées. Elles deviennent un canal de vie.
Ces plaies sont figurées sur le cierge pascal par les grains d’encens. Le cierge pascal, allumé pendant tout le temps pascal signifie la présence du Seigneur ressuscité au milieu de nous. Les cinq grains d’encens piqués au centre et à l’extrémité de chaque branche de la croix qui est figurée sur le cierge pascal indiquent les plaies glorieuses du Christ.
S’ouvrir à la joie de la Résurrection
Quel soulagement quand Jésus leur apparaît ! Il éprouvent aussitôt un sentiment de joie. Cette joie est vraiment celle qui est chantée dans le psaume :
« Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! »
Peut-être les paroles de Jésus avant Sa passion leur reviennent-elles à l’esprit :
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne.
Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous.
Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. » (Jn 14)
Cette joie est celle que Jésus avait promise avant sa passion :
« Amen, amen, je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. » (Jn 16, 20)
C’est un retournement dont Dieu a le secret.
Et la joie de la présence de Jésus, mort puis ressuscité
Ils expérimentent concrètement cette parole que Jésus leur avait dite :
« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 18, 20)
Jésus ressuscité est présent au milieu de nous. Saint Jean le répète :
« Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. » (Jn 20, 19.26)
Même si nous ne le voyons pas physiquement, nous sommes appelés à poser cet acte de foi : Jésus ressuscité est présent au milieu de nous.
Il est intéressant de remarquer que ce qui permet aux disciples de reconnaître Jésus, ce n’est pas sa physionomie. Ici ce sont ses plaies ; pour Marie-Madeleine, c’est la manière dont Il prononce son nom ; pour les disciples d’Emmaüs, c’est la fraction du pain ; pour les apôtres, lors de l’apparition au bord du lac, c’est la pêche miraculeuse.
Dans tous les cas, ils ont besoin de voir une forme de continuité entre le Jésus qu’ils ont sous les yeux et le Jésus qu’ils ont connu avant Sa mort.
C’est vrai en particulier de Thomas qui veut voir cette continuité entre le Jésus qui a souffert et Celui qui Se présente devant lui :
« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20, 25)
La paix reçue
Jésus répète à plusieurs reprises : « la paix soit avec vous ! » C’est comme un refrain qui revient après Sa résurrection. Saint Luc (24, 34) nous rapporte lui aussi cette parole de Jésus (qui se trouve sur l’icône de notre nouvel oratoire).
Ce deuxième « la paix soit avec vous ! » qu’Il adresse à ses disciples dans l’évangile de ce jour n’est pas de trop : il n’est pas si facile que cela de croire vraiment en la miséricorde !
Nous pouvons faire le rapprochement avec les frères du patriarche Joseph. Ils ont voulu se débarrasser de lui et l’ont vendu. Après de multiples péripéties, lorsqu’ils se retrouvent devant lui :
« Ils étaient bouleversés de se trouver en face de lui. »
Joseph a beau leur dire, cela ne suffit pas à les rassurer :
« Ne vous affligez pas, et ne soyez pas tourmentés de m’avoir vendu, car c’est pour vous conserver la vie que Dieu m’a envoyé ici avant vous.
Non, ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais Dieu. » (Gn 45)
Quelques chapitres plus tard, lorsque meurt leur père Jacob, ils se demandent encore :
« Si jamais Joseph nous prenait en haine, s’il allait nous rendre tout le mal que nous lui avons fait… » (Gn 50, 15)
Il n’est pas si simple de croire vraiment au pardon. Pardonner, ce n’est pas faire comme si de rien n’était. Le pardon n’est pas un oubli, une négation, un déni par rapport au mal. Le pardon est une victoire sur le mal, un dépassement.
Grâce à la miséricorde de Dieu, notre passé n’est plus un tombeau où nous sommes enfermés. Il ne s’agit pas d’effacer le passé mais, grâce au pardon, ma vie ne s’arrête pas à tel ou tel événement de mon histoire. Je peux aller de l’avant confiant en la grâce de Dieu.
Si Jésus adresse à ces disciples ce deuxième « la paix soit avec vous ! », c’est sans doute pour les aider surmonter leur culpabilité de L’avoir abandonné lors de Sa passion. Comme je l’ai déjà dit, ils n’étaient sûrement pas fiers ! Les apôtres avaient sans doute une certaine appréhension mais Jésus ne les enfonce pas dans leur culpabilité, bien au contraire.
Jésus ne se contente pas de souhaiter la paix, il la donne. Cette paix, c’est grâce aux souffrances du Serviteur qu’elle est accordée :
« Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. » (Is 53, 5)
C’est pourquoi Jésus montre Ses plaies. Il leur montre le lien entre Ses souffrances et sS vie de ressuscité.
J’aime bien l’oraison du 27e dimanche qui dit en s’adressant au bon Dieu :
L’envoi pour communiquer la miséricorde
Juste après leur avoir dit de nouveau : « La paix soit avec vous », Jésus dit à ses disciples :
« ‘De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie.’
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : ‘Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus.’ » (Jn 20)
Aux apôtres qui étaient enfermés dans la peur, Jésus donne Son Esprit Saint pour les envoyer. Pour être ces ministres de la miséricorde, Jésus souffle sur eux Son Esprit Saint.
Dans la Bible, l’Esprit est toujours donné pour une mission.
Transmettre la miséricorde dont nous avons été bénéficiaires
Avant d’être envoyés, ils avaient besoin d’être en paix. Ils devaient d’abord faire l’expérience de la miséricorde avant d’en être les ministres. C’est quelque chose qui apparaît souvent. Saint Pierre sera d’autant plus à même de proclamer la miséricorde de Dieu qu’il en a fait l’expérience suite à son reniement.
Il en va de même pour saint Paul. Il l’exprime très bien lorsqu’il s’adresse à Timothée :
« Je suis plein de gratitude envers celui qui me donne la force, le Christ Jésus notre Seigneur, car il m’a estimé digne de confiance lorsqu’il m’a chargé du ministère, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur, violent. Mais il m’a été fait miséricorde.
Voici une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi, je suis le premier des pécheurs. Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience, pour donner un exemple à ceux qui devaient croire en lui, en vue de la vie éternelle. » (1 Tm 1)
La miséricorde est un fruit de la mort et de la résurrection de Jésus
Dans la Parole de Dieu, il y a toujours un lien étroit entre la proclamation de la mort et de la résurrection et l’annonce du pardon des péchés. La résurrection est le triomphe de la miséricorde divine.
Dans l’évangile de ce jour, Jésus ressuscité, portant les marques de Sa passion, envoie Ses apôtres répandre Son pardon.
Dans l’évangile de Saint Luc aussi, lorsque Jésus apparaît dans le Cénacle, Il conclut :
« C’est bien ce qui était annoncé par l’Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d’entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. » (Lc 24, 46-48)
Le matin de la Pentecôte, la proclamation de la Résurrection de Jésus se termine en proposant le pardon des péchés :
« Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. » (Ac 2, 38)
Comme l’expriment les matines byzantines de la Résurrection, « le pardon est sorti de la tombe ».
Comme le disait le curé d’Ars en parlant du bon Dieu :
« Son plus grand plaisir est de nous pardonner » (Nodet p 132)
Pas seulement donner le pardon de Jésus mais le nôtre
Il ne s’agit pas simplement de donner le pardon de Jésus mais d’accorder aussi notre propre pardon.
Comme le rappelait Jean-Paul II :
« Le Christ nous a enseigné que l’homme non seulement reçoit et expérimente la miséricorde de Dieu, mais aussi qu’il est appelé à ‘faire miséricorde’ aux autres : ‘Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde’ (Mt 5,7). » (Dives in misericordia, n. 14)
Accueillir la grâce de Pâques, c’est accepter - comme nous le voyons sur des icônes de la Résurrection - de laisser Jésus nous prendre par la main pour nous aider à sortir du tombeau de la rancœur, de l’amertume, de la vengeance passive où l’on ferme son cœur.
C’est permettre à l’amour de Dieu de nous traverser à nouveau.
Conclusion :
Je reprendrai volontiers les paroles que Jean-Paul II a prononcées lors de la célébration du 1er dimanche de la miséricorde :
« Le message dont sœur Faustine a été la détentrice constitue la réponse adéquate et incisive que Dieu a voulu offrir aux hommes de notre temps, marqué par d’immenses tragédies. Jésus dit un jour à sœur Faustine : ‘L’humanité ne trouvera pas la paix, tant qu’elle ne s’adressera pas avec confiance à la Miséricorde divine" (Petit journal, p. 132).
La Miséricorde divine ! Voilà le don pascal que l’Église reçoit du Christ ressuscité et qu’il offre à l’humanité, à l’aube du troisième millénaire. » (Jean-Paul II, 22 avril 2001)
Demandons à Marie de nous aider à faire cette démarche de foi qui nous permet d’accueillir la présence de Jésus ressuscité, de nous laisser pénétrer et pacifier par la miséricorde de Dieu et enfin d’être les témoins du pardon qui jaillit du tombeau !
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 5,12-16.
- Psaume 118(117),2-4.22-24.25-27a.
- Livre de l’Apocalypse 1,9-11a.12-13.17-19.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20,19-31 :
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.