Homélie de la solennité de la Pentecôte

1er juin 2020

« Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

En méditant sur la Pentecôte, j’ai fait une découverte. Ce n’est certes pas la première Pentecôte – ni pour vous ni pour moi – et l’on pourrait se dire que, au bout de x Pentecôte, on a comme fait le tour du mystère, ou du moins, on voit de quoi il s’agit. Ainsi, j’ai découvert que le Saint-Esprit a à voir avec le langage.

L’Esprit doué de parole

Dans la première lecture, vous avez du entendre qu’il s’agit de langage, de personnes qui comprennent d’autres personnes qui ne sont pas de la même culture, ni de la même langue maternelle, mais, ils les comprennent comme dans leur langue maternelle. Et c’est étonnant de voir le venue du Saint Esprit sous cet aspect du langage, sans compter que ce sont des langues de feu qui sont au dessus de chacun. On aurait pu penser à autre chose, comme à une nuée majestueuse qui s’élève… On aurait pu penser à des signes dans le ciel, à une tempête qui rentre dans une maison… Mais il n’est pas question de quelque chose qui soit manifeste à la manière d’une théophanie : une présence de Dieu… Non, c’est par le langage que l’Esprit Saint vient à notre rencontre, et c’est quelque chose qui nous amène à nous interroger : pourquoi cette pédagogie ? pourquoi le Seigneur – dans Sa sagesse - a-t-il choisi cette méthode ?
C’est parce que le langage est quelque chose de plus intime à nous-même que nous-même. La manière dont nous formulons les choses, la manière dont nous nous exprimons, c’est une fenêtre sur le monde : cela dit quelque chose de nous à tel point que l’on parlera du langage verbal, mais aussi du langage non verbal. Donc, il est normal que le Saint Esprit puisse se révéler à nous sous forme de langues, de langage et de parole, car cela rejoint notre intimité.
Alors que les autres phénomènes extraordinaires que j’ai évoqués restent extérieurs à nous-mêmes, tandis que l’Esprit est plus intime à nous-même que nous-même…

Ce rapport entre le langage, la parole et l’Esprit-Saint, on le retrouve à d’autres endroits dans l’Évangile. J’ai fait des recherches et ai trouvé ces paroles de Jésus :

« Quand on vous livrera, ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz. Ce que vous aurez à dire vous sera donné à l’heure même, car ce n’est pas vous qui parlerez mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. »

Et à un autre moment, dans un autre passage, Jésus dit :

« L’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout ; il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »

Puis, après la Pentecôte, on voit qu’il y a comme une libération de la Parole. C’est le grand discours de Pierre, il prend la parole, et se présente avec les onze :

« Il éleva la voix et leur dit en ces termes :
« Hommes juifs et vous tous qui séjournez à Jérusalem, sachez ceci, prêtez l’oreille à mes paroles : ces gens ne sont pas ivres, mais ils sont mus par le Saint Esprit. »

L’Esprit s’adresse à nous par ses motions

Il y a un lien substantiel entre Esprit et Parole. On le voit à plusieurs niveau, car comme Jésus le dit :

« L’Esprit-Saint parlera en vous. »

C’est ce que l’on appelle les motions du Saint Esprit : l’Esprit-Saint parle à notre esprit, et Il nous suggère des paroles et des actes. Ainsi, à travers ces suggestions, si nous sommes attentifs à nous-même, connectés à nous-même, des choses nous viennent du Seigneur. On le voit ensuite quand on prend l’habitude de discerner, car il y a cette étape à réaliser par rapport à une parole, à notre manière de parler. Mais cela suppose que le soit attentifs à notre intériorité car l’Esprit parle à notre esprit, avec la manière dont nous nous exprimons, avec la manière que nous avons de comprendre.
Lui seul est capable de nous rejoindre comme nous pouvons être rejoints. C’est pour cela qu’on l’appelle l’Esprit consolateur.

En ces temps peut-être plus particulièrement que dans d’autres, vous avez tous été confronté à des gens qui sont dans la tristesse, dans la peine et dans la maladie. Et vous savez comme il est difficile de rejoindre la personne qui souffre… on peut avoir quelques mots de réconfort, mais on sent bien souvent que cela ne suffit pas face à quelqu’un en larmes : ça tombe un peu à plat, on ne sait pas quoi dire. Et l’Esprit-Saint est consolateur car il rejoint notre manière de comprendre et notre besoin d’être consolé, de même que notre langage exprime ce que nous sommes de façon unique.
Alors oui, il est nécessaire d’être attentifs à discerner l’Esprit du Seigneur qui fait monter dans notre cœur des paroles, des attitudes : ce sont des paroles de connaissance.
Pour prendre un exemple, rappelons-nous du pape François quand il a été élu. On lui a dit qu’on allait le conduire dans ses appartements, c’est à dire dans cet immense bâtisse de laquelle il nous parle - le Palais Pontifical – de laquelle il bénit les fidèles. C’est là que les papes logent habituellement. Et à l’intérieur de lui-même, il a entendu un grand "Non !". On peut supposer que ce n’est pas juste un caprice.

« Non je n’irai pas ! La maison de retraite dans laquelle nous sommes, où les cardinaux ont été réunis pour le concile, c’est là où je veux vivre.
Préparez-moi un deux pièces : c’est mon seul besoin. Et pour recevoir les chefs d’état, pour mon travail, j’irai au Palais Apostolique. Mais je ne veux pas résider là bas. »

En effet, comme jésuite, il a été formé par cette pédagogie qui lui permet de discerner les motions du Saint Esprit en lui-même. Et, frères et sœurs, je suis certain que c’est vrai pour chacun d’entre vous : l’Esprit parle à notre esprit. Nous avons chacun des motions intérieures qui nous mettent en mouvement, soit pour nous mettre en garde – « N’y vas pas car c’est une tentation » - à la manière d’un warning, soit pour nous appeler à aller de l’avant. Voilà un bel exemple de motion du Saint-Esprit.
Si nous voulons vivre du Saint-Esprit, apprenons donc à être attentifs à ces signaux intérieurs à ce qu’ils suggèrent en nous de désirs, des initiatives, à ce qu’ils peuvent faire naître en nous. Cela suppose aussi un travail de discernement pour savoir si c’est le fruit de notre imagination ou l’esprit du Seigneur qui est à l’œuvre. D’où l’importance de l’accompagnement qui permet de savoir si c’est le Seigneur qui parle à mon cœur et me suggère quelque chose.

Par Son Esprit-Saint, le Seigneur nous travaille de l’intérieur mais il libère aussi la parole. On le voit avec Pierre qui s’adresse à l’assemblée alors qu’il est un homme tout simple, sans instruction. C’est la même chose pour les onze apôtres : ils ne sont pas formés, ils ont vécu des moments très difficiles, sont passés par la trahison de Judas : on ne peut pas dire qu’ils sont très fiers d’eux. Mais ils font cette expérience : l’Esprit libère la parole. Il génère une parole à l’intérieur, puis Il la libère.
On le voit dans les actes des Apôtres : l’Esprit Saint ouvre les cœurs et fait jaillir une parole.

« Il vous fera vous souvenir de ce que je vous ai dit. »

L’Esprit-Saint, c’est le dieu de la mémoire. Ainsi, si vous souffrez d’amnésie, priez le Saint Esprit !

Laissons-nous guider par l’Esprit

C’est intéressant pour nous aujourd’hui, car nous demandons à l’Esprit-Saint qu’il libère une parole. Même si, pour l’occasion, nous sommes « bâillonnés », il n’en demeure pas moins que nous nous auto-inhibons en tant que disciples de Jésus. Cela veut dire que nous n’osons pas dire une parole de vérité, une parole qui nous vient du Seigneur. Nous n’avons pas cette audace de Pierre, des Apôtres et des disciples mus par le Saint-Esprit, cette parole qui va jaillir, s’extérioriser, se donner et se transmettre avec force.

Ainsi, on pourrait demander au Seigneur dans nos familles d’être un peu plus audacieux. Et c’est le rôle du Saint-Esprit : c’est l’Esprit d’audace qui nous aide à libérer cette parole en nous, de cesser de la « confiner », de ne pas oser dire que nous sommes catholiques de peur que ça ne tombe pas bien… non ! L’Esprit-Saint est là pour nous donner du courage !
S’il est important de discerner ces paroles intérieures, soyons attentifs à ce qui pourrait freiner la parole extérieure et l’annonce de l’Évangile.

Ainsi, il est intéressant que nous soyons attentif à l’action du Saint Esprit qui nous rejoint au plus intime, qui nous parle – non pas comme se parlent les humains entre eux – en faisant naître en nous des désirs, des projets, des attentions particulières, et que dans ces projets, ces désirs et ces attentions, nous reconnaissions la trace de Jésus. Nous pouvons mettre en lien avec les paroles de Jésus.

Frères et sœurs, je voulais vous faire partager cette découverte du lien entre le langage et l’Esprit, cette manière si étonnante de présenter les choses. Cela aurait pu être sous d’autres formes, mais c’est comme cela que la pédagogie divine eut se révéler à nous.
Puissions-nous être des hommes et des femmes de parole intérieure d’abord, parce que nous sommes habités – le Chrétien est celui qui porte en lui-même plus que lui-même. Oui, nous sommes habités de l’intérieur : nous portons en nous-même la présence du Saint-Esprit, comme nous le dit Saint Paul :

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temps du Saint-Esprit ? »

Ne sommes-nous pas la seule religion à l’affirmer ? C’est la conséquence de l’Incarnation : nous portons en nous-mêmes la présence du divin, du sacré et de la transcendance. Et c’est parce que nous laissons cette place à la transcendance qui nous habite de l’intérieur (et non pas comme un bien extérieur à atteindre, comme le proposent d’autres religions, philosophies ou sagesses), que nous nous laissons envahir par elle que nous pouvons être des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 2,1-11.
  • Psaume 104(103),1ab.24ac.29bc-30.31.34.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,3b-7.12-13.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20,19-23 :

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »