Homélie de la solennité de la Toussaint

4 novembre 2014

« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs, quel est le but de votre vie ? Dans toute l’énergie que vous déployez quotidiennement, quelle est la part consacrée à préparer le Ciel ?
A travers cette belle fête de la Toussaint, on pourrait développer de multiples aspects. Mais, je vais me contenter d’une seule chose : il me semble qu’en ce jour, les Saints nous font un signe aujourd’hui et semblent nous dire du haut du ciel : « N’oubliez pas le but du voyage ! ». Nous pourrions développer cela en trois parties. La première serait un peu tranchée et abrupte :

Choisir le Ciel ou l’enfer ?

Si je peux m’exprimer ainsi, ce n’est pas nous qui fixons les règles du jeu. Il ne s’agit pas de prendre peur, mais plutôt, comme lorsque l’on se prépare à partir pour une excursion en montagne, de prendre connaissance des dangers avant de partir, sachant que tout se passe bien lorsque l’on a conscience du danger.
Oui, avoir conscience du danger dans notre parcours sur la Terre aide notre ascension vers les Ciel. Car, au terme de notre vie, qu’on le veuille ou non, c’est le Ciel ou l’Enfer. Bien souvent, on « passe par la case » Purgatoire, pour une ultime préparation, et on est déjà sur la route du Ciel : l’essentiel est gagné, même s’il vaut mieux éviter d’y passer. Voilà ce que le curé d’Ars en disait :

« Dans le monde, on cache le Ciel et l’Enfer :
Le Ciel, parce que si on en connaissait la beauté, on voudrait y aller à tout prix. L’Enfer, parce que si on connaissait les tourments qu’on y endure, on ferait tout pour ne pas y aller. »

Encore une fois, n’ayons pas peur, mais rendons-nous attentifs que notre vie a vraiment un enjeu ; elle n’est pas un jeu en plusieurs manches dont une première partie perdue pourrait se rattraper par la deuxième. Chez les Chrétiens, la réincarnation n’existe pas ; au contraire, nous avons conscience que nous n’avons qu’une vie, et que nous sommes en marche vers la Résurrection.
Autrement dit : ne manquons pas notre vie !

Le Ciel, saint Paul en donne une définition lorsqu’il s’adresse au Thessaloniciens : ce n’est pas tant un lieu physique que le fait d’être en relation avec Dieu : c’est être pour toujours avec Dieu.
Voici une petite description de l’Enfer par le curé d’Ars :

« Aucun réprouvé n’aime un autre réprouvé, le frère déteste son frère, le fils son père, la mère son enfant ; et cette haine universelle se concentre sur Dieu ; voilà ce que c’est l’enfer. »
(Curé d’Ars, Pensées p. 243)

Voici bien ce qu’est l’Enfer : la haine universelle.
A l’inverse, Benoît XVI nous parle ainsi de la vie éternelle :

« La vie éternelle est « l’immersion dans l’océan de l’amour infini, (…) une immersion toujours nouvelle dans l’immensité de l’être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie.
C’est ainsi que Jésus l’exprime dans Jean : « Je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera » » (16, 22).
(Benoît XVI, Spe Salvi n°12)

Voici ce qu’est le Ciel. Mais il nous faut choisir un chemin…

Choisir le Ciel ou la terre ?

Une image qui pourrait nous parler de notre condition : d’un côté nous sommes attirés vers le Ciel et par l’amour, et en même temps, une corde nous retient en arrière. Comme un oiseau, on voudrait bien s’envoler, car quelque chose de beau nous motive, mais ce qui nous retient est plus ou moins épais. Pour certains, ce serait seulement un fil…
Et le Seigneur nous donne justement des indications pour prendre la bonne route vers le Ciel. Ces indications sont les commandements. Dans l’Évangile, au moins à deux reprises, des personnes viennent trouver Jésus en lui demandant ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle ?
Il y a d’abord le jeune-home riche, et la première réponse que Jésus lui fait est de lui demander ce qu’il y a d’écrit dans la loi à ce sujet.
Ainsi, les commandements ont toute une force éducative pour nous rendre libres vis à vis de la Terre et de ses biens, des désirs qui nous habitent et qui sont parfois un peu désordonnés.

Se tourner vers le Ciel, cela suppose d’écouter le commandements que le Seigneur nous a donnés. A la fin de la première lecture, il nous est parlé de notre vie comme de la grande épreuve, un peu comme une épreuve sportive. C’est pour gagner que le Seigneur nous donne des indications précises dans les différents commandements.

S’il nous arrive de ne pas prendre la bonne direction, le Seigneur est prêt à nous pardonner et à nous remettre sur le bon chemin.

« Ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. »

De toutes façons, nous n’arriverons au Ciel que sauvés par Jésus. Et finalement, quelle est la meilleure façon d’y arriver, si ce n’est de développer notre cœur ?

Choisir d’aimer

En vous citant le jeune-homme riche, je pensais aussi à un autre personnage qui pose aussi la question à Jésus dans l’évangile. Il s’agit d’un docteur de la Loi (Lc 10, 25-37). Au début, Jésus lui répond en parlant des commandements - le premier : « Tu aimeras Dieu », le second : « Tu aimeras ton prochain ». Puis, il lui donne la parabole du Bon Samaritain.
Voici alors une autre indication pour nous préparer au Ciel, que développe la curé d’Ars :

« Si un damné pouvait dire une seule fois : « Mon Dieu, je vous aime ! », il n’y aurait plus d’enfer pour lui… Mais hélas, cette pauvre âme a perdu le pouvoir d’aimer qu’elle avait reçu et dont elle n’a pas su se servir. Son cœur est desséché comme la grappe lorsqu’elle a passé sous le pressoir. Plus de bonheur dans cette âme, plus de paix, parce qu’il n’y a plus d’amour. » (Curé d’Ars, Pensées p. 242)

Cette âme desséchée a perdu le pouvoir d’aimer. Il me semble que c’est un des grand enjeux de notre vie. On pourrait le formuler ainsi : « Où en êtes-vous de votre capacité d’aimer ? ».
En effet, dans notre vie - nous sommes tous pareils, même si nous traversons plus ou moins d’épreuves visibles - nous avons tendance à nous refermer suivant certains événements qui nous arrivent : on peut avoir eu le sentiment de se faire avoir, ou se fermer pour ne pas souffrir… Il est difficile d’aimer sans retour. Mais dans le Ciel, il n’y a pas de place pour la rancune.
L’évangile de ce jour nous dit quelque chose de la qualité de cœur qui nous met au diapason de ce qui se vit déjà dans le Royaume : la pauvreté de cœur, la douceur, la vulnérabilité, la faim de la justice, la miséricorde, la pureté de cœur, la volonté d’œuvrer pour la paix, le fait aussi de préférer souffrir plutôt que d’abandonner le Christ…

Voilà cette question, frères et sœurs : « Où en êtes-vous de cette capacité d’aimer ». Et cette citation de Saint Jean de la Croix pourrait nous aider :

« Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour. »

Nous avons reçu un pouvoir d’aimer : qu’en faisons-nous ? Notre cœur rétrécit-il au fur et à mesure des années, ou au contraire, est-ce qu’il grandit ? c’est dans ce deuxième cas que nous avons le plus de chances de rentrer au Ciel.

En conclusion, nous sommes tous appelés à être des saints. Comme l’a répété le Concile, c’est un appel universel. Il n’y a pas d’exception : cela est vrai pour tous. En chacun de nous, il y a l’étoffe pour faire un saint, car rien n’est impossible à la grâce de Dieu, et il ne faut pas se décourager.
Comme le dit le curé d’Ars :

« Les saints n’ont pas tous bien commencé, mais ils ont tous bien fini. Si nous avons mal commencé, finissons bien ! »
(Curé d’Ars, Pensées p. 249).

En ce jour où l’on célèbre tous les Saints, nous pouvons demander à la Vierge Marie – la plus grande d’entre eux – ainsi que celles et ceux que vous affectionnez particulièrement, de vous aider à grandir dans ce désir du Ciel, pour si nous sommes parfois sur fatigués sur cette route, de rentrer à nouveau dans la course. Vous êtes faits pour être des Saints, vous êtes faits pour avoir un cœur qui se développe plutôt que de perdre ce pouvoir d’aimer. Demandons cette grâce de nous tourner résolument vers le Ciel,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Apocalypse 7,2-4.9-14.
  • Psaume 24(23),1-2.3-4ab.5-6.
  • Première lettre de saint Jean 3,1-3.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,1-12a :

Quand Jésus vit la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent.
Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :

« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice :
le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux !
C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.