Homélie de la solennité du Christ, Roi de l’Univers

1er décembre 2014

« Alors les justes lui répondront : ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? »

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Frères et sœurs, il y aura un jugement ! je ne sais pas si cette nouvelle vous remplit d’une joie qui vous transfigure…
C’est ce dont je vais essayer de vous parler : tout d’abord le jugement universel, puis, notre jugement à nous.

Il est vrai qu’à une certaine époque, les artistes s’en sont donné à cœur joie pour représenter les jugements : vous avez peut-être présent à l’esprit le jugement dernier qu’a réalisé Michel-Ange pour la Chapelle Sixtine : ce Christ imposant qui envoie certains en enfer, et fait monter les autres au Ciel. Et, dans l’encyclique qu’il a réalisée sur l’Espérance, Benoît XVI : Spe salvi voit dans le jugement voit un lieu d’Espérance. Mais, si n’est pas ce à quoi nous sommes habitués, c’est pourtant une vérité importante que nous disons dans le Credo

Il ressuscita le troisième jour, conformément aux écritures, et Il monta au ciel.
Il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et Son règne n’aura pas de fin.

Voici ce que nous célébrons aujourd’hui dans la fête du Christ-Roi.

Ainsi, la première bonne nouvelle du jugement, c’est que nous ne sommes pas plongés dans une zone de non droit. J’imagine que, dans la société civile, vous ne souhaitez pas habiter dans une zone où la police n’ose pas trop s’aventurer. Il y a des situations où l’on ne voit pas de limites pour le mal, pour la violence et la méchanceté des hommes.

Et, ce qui est vrai pour la société civile est vrai pour notre destinée éternelle. Il y a une espérance qu’il y a un jugement, une limite pour le mal. Ce n’est pas lui qui domine tout… Et cette fête du Christ Roi nous rappelle que le monde est entre Ses mains : notre avenir est dans les mains du Christ, pas plus dans les puissances de ce monde que dans les mains de ceux qui font le mal.
Il me semble que c’est la première lueur d’espérance que nous donne cette vérité du jugement. Et, d’une autre part, nous voyons qu’il y a une justice.

Il y a un jugement, il y a une justice

La soif de justice est enracinée très intimement dans le cœur de l’homme. Quand nous sentons monter en nous la violence à cause d’une chose qui nous révolte, la perspective du jugement nous assure que l’injustice et le mal n’auront pas le dernier mot. Faire le mal n’est pas équivalent à faire le bien. Ce n’est pas pareil de se comporter comme Hitler ou comme Mère Teresa, et nos actes d’aujourd’hui ont une conséquence dans l’éternité en bien comme ne mal.

Ces dernières décennies, on a été plutôt discret sur la prédication de ce que l’on appelle les fins dernières, et pourtant, c’est un élément important dans notre foi : il y a un enfer, il y a un purgatoire, et heureusement, il y a un paradis.

On pourrait préférer qu’il n’y ait pas d’enfer, mais essayons d’imaginer que c’est une preuve de l’amour de Dieu : Il ne veut pas nous forcer à L’aimer !

Ainsi, il y a deux voies à la fin de notre vie : soit on prend la route vers l’enfer, et là, espérons qu’il y a très peu de monde de ce côté là. Et de l’autre côté, il y a la route vers le Ciel. Et souvent, sur cette route, il y a une sorte de stage de purification qui s’appelle le purgatoire, plus ou moins petit selon notre vie.
C’est pourquoi le jugement est important pour nous, pour resituer les choses, et pour voir que, ultimement, nous sommes dans la main du Christ, dans la main du Dieu qui est bon. Et ce ne sont pas les forces du mal qui auront le dessus. Déjà, le prince de ce monde est déjà vaincu par la Croix du Christ, par Sa mort et sa Résurrection.
Voici pour le jugement général.

Le jugement particulier

Ainsi, on peut se satisfaire qu’il y ait un jugement pour les autres, mais qu’en est-il du jugement qui nous concerne personnellement ?
Toujours au sujet de la fresque du jugement dernier de Michel-Ange, remarquons que les personnages qui sont en enfer ont des traits bien particuliers. Par exemple, le maître de cérémonies du pape, avec lequel Michel-Ange n’était pas en accord, a été placé par l’artiste en enfer, entouré de serpents !… et parfois, on aime bien cette idée de jugement pour les autres, cela nous soulage, mais ce n’est pas dans cette perspective-là que nous professons en Jésus qui va revenir « dans la gloire pour juger les vivants et les morts »…
Oui : ce n’est pas que pour les autres, c’est aussi pour nous !

Faut-il avoir peur ?

Devons-nous nous laisser terroriser par ce jugement ? Non, car Jésus, ne veut pas nous faire vivre dans la peur. Mais cet évangile nous invite à la responsabilité, parce que nos actes d’aujourd’hui ont un poids d’éternité. Ce que nous faisons aujourd’hui n’est pas indifférent pour notre destinée éternelle. Et, dès les premières générations, les Chrétiens ont été influencés dans leur vie quotidienne, pour ordonner leur vie présente, comme un appel à leur conscience (je cite-là Benoît XVI dans son document sur l’Espérance).
Ainsi, l’idée de ce jugement est importante pour bien nous orienter dans notre vie.

Au Vatican, dans la basilique Saint Pierre, vous connaissez peut-être le tombeau du pape Alexandre VII, sur la gauche, pas très loin du baldaquin. Sur ce mausolée, on y voit la mort avec un sablier, sculpture si bien réalisée par Le Bernin. L’artiste a ainsi imaginé cette œuvre car ce pape parlait souvent de la mort. Il y a une époque où les gens parlaient plus volontiers de la mort, sans morbidité pour autant. Mais, cette perspective nous permet d’ajuster ce que nous faisons, parce que nos actes d’aujourd’hui sont importants pour l’éternité : ils ne sont pas indifférents. Il n’y a pas d’immunité ni d’impunité.

C’est de ce point de vue-là que le jugement pourrait nous faire un peu peur, car nous ne sommes pas tout blancs, bien différents de l’Immaculée conception – nous en avons tous conscience.
Ainsi, à la question : « dois-je craindre le jugement pour moi ? », la réponse est : « oui », si je persévère dans le mal, mais « non » si je tends la main à Jésus qui me tend la main pour me sauver. La première lecture et le psaume de ce jour sont là pour nous en parler : avant d’être le juge, c’est le bon berger qui veut nous donner le temps de choisir, tant que l’on est sur terre. Et Il nous tend la main :

Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau lorsqu’elles se sont perdues, j’irai les délivrer de tous les endroits où elles se sont dispersées au jour de brouillard et d’obscurité…

C’est le Seigneur Lui-même qui vient vers nous :

Celle qui est blessée, je la soignerai !

Le Seigneur nous propose Sa main pour nous sauver, nous retirer du mal. Alors, je ne dois pas avoir peur du jugement aujourd’hui, car il y a cette main tendue : il m’est donné de ne pas sombrer dans le mal.

Encore une dernière raison de ne pas avoir peur

En dernier recours, nous donne un « truc » infaillible pour être accueilli royalement dans le royaume. Dans l’Evangile de ce jour, regardons sur quel critère certains sont accueillis presque à leur insu :

J’avais faim, et vous m’avez donné à manger,
J’avais soif et vous m’avez donné à boire,
J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli…

Et cette notion est très présente dans la Bible. Par exemple, citons Saint Pierre :

Ayez une ardente charité les uns pour les autres, car la charité couvre une multitude de péchés.

Alors, pour ne pas craindre le jour du jugement, nous avons la possibilité de nous préparer des intercesseur dès maintenant, en étant attentifs à ceux qui sont dans la détresse, en exerçant toutes les œuvres de miséricorde qui nous sont présentées dans l’évangile. Et, suivons les conseils de Saint Augustin :

Tout le mal que font les méchants est enregistré, et ils ne le savent pas.
Le jour où Dieu ne se taira pas, Il se tournera vers les mauvais :
« J’avais, leur dira t-Il, placé sur terre mes petits pauvres pour vous. Moi leur chef, je trônais dans le Ciel à la droite de mon Père, mais sur la terre, mes membres avaient faim. Et si vous aviez donné à mes membres, ce que vous auriez donné serait parvenu jusqu’à la tête.
Quand j’ai placé mes petits pauvres sur la terre, je les ai institué commissionnaires pour porter vos bonnes œuvres dans mon trésor. Vous n’avez rien déposé dans leurs mains, c’est pourquoi vous ne possédez rien auprès de moi.

Par les mots de Saint Augustin, c’est ce que Jésus nous propose aujourd’hui : avoir le soucis de ceux qui sont les pauvres, de ceux qui sont dans la détresse, pour que la porte nous soit ouverte pour le Ciel.

E conclusion, pour pouvons retenir deux idées :

  • Connaissez-vous le fruit du quatrième mystère glorieux ? c’est l’Assomption de la Vierge Marie. Ainsi, nous pouvons Lui demander de nous donner le désir du Ciel et la grâce d’une bonne mort. Cela peut-être une première chose : se tourner vers Marie pour que le désir du Ciel soit la perspective de notre vie.
  • Ne pas oublier d’exercer les œuvres de miséricorde sous une forme ou sous une autre, comme Jésus nous en donne un certain nombre dans le passages d’Évangile d’aujourd’hui, Amen !

Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 34,11-12.15-17.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-26.28.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 25,31-46 :

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
— « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :
— ’Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! ’
Alors les justes lui répondront :
— ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? ’
Et le Roi leur répondra :
— ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. ’

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche :
— ’Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. ’
Alors ils répondront, eux aussi :
— ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ? ’
Il leur répondra :
— ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait. ’
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »