Homélie de la solennité du Sacré-Coeur de Jésus

22 juin 2015

Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.

« C’est une grande fête, que celle du Sacré Cœur, célébrée avec faste, solennité : les bougies, les chants, en témoignent.
Une fête lumineuse car ce cœur est un brasier, ce cœur est un soleil ! »

Il n’y a pas d’enregistrement pour cette homélie, veuillez nous en excuser.

Texte de l’homélie :

Pour commencer, reprenons les mots de Sainte Marguerite-Marie :

« Ce Sacré Cœur m’était représenté comme un soleil brillant d’une éclatante lumière, dont les rayons tout ardents donnaient à plomb sur mon cœur…
Une fois que le saint sacrement était exposé, après m’être sentie retirée tout au dedans de moi-même par un recueillement extraordinaire, Jésus Christ mon doux maître, se présenta à moi, tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils, et de cette Humanité sainte, sortaient des flammes de toute part, mais surtout de son adorable poitrine qui ressemblait à une fournaise ; et s’étant ouverte, me découvrit son tout aimant et tout aimable cœur, qui était la vive source de ces flammes. »

Une fournaise, des flammes, un brasier ! Quelles images splendides : nous le chanterons dans les litanies si magnifiques et si justes :

Cela est très beau. Mais cela ne devrait-il pas nous troubler ? Car qu’est-ce que la fête du Sacré Cœur sinon une fête de l’intimité, une fête de l’intensité, une fête de la profondeur ?
Or, tout cela n’est-il pas d’abord l’objet d’un secret : l’Écriture nous l’a redit :

« Il est bon de tenir caché les secrets du roi. »

Et qu’advient-il d’un secret révélé ? Ne perd-il pas de sa force ? Un cœur qui dirait à tout vent ce qui l’habite, aurait-il notre estime, notre affection ?

Un cœur caché

Ne croyons pas que le Seigneur ne veuille plus de ce secret lorsqu’il révèle les profondeurs de son cœur. Ne nous faisons pas d’illusion : le cœur du Christ, ce n’est pas un cœur qui se livre d’emblée. Le risque ce serait qu’en entendant le récit de cette vision, en écoutant les enseignements de l’Église, nous nous disions : j’ai rejoint le Sacré-Cœur, je l’ai connu, j’en ai fait l’expérience, je suis arrivé.

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Car ce cœur, c’est un cœur caché. Un cœur éclatant dans la liturgie, mais qui ne se révèle à nous que dans l’intimité, l’obscurité de la foi, la fidélité humble du quotidien. Ce brasier éclatant, nous n’en voyons pendant bien longtemps les quelques éclairs fugaces.
Ce cœur, il est, il sera, et il doit rester un secret, il doit rester dans une forme d’enfouissement. Marguerite raconte :

« Il me fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour, et les secrets inexplicables de son cœur, qu’il m’avait toujours tenus cachés jusqu’alors. »

Ces secrets toujours tenus cachés ! À quelles conditions se révèlent-ils ? Que faut-il pour connaître ce cœur ?

Frères et sœurs, il faut se pencher sur la poitrine du Christ comme Jean, comme Marguerite-Marie l’ont fait, il faut y demeurer longtemps, entrer dans une intériorité, il faut entrer dans le sein du Père…

Un cœur qui purifie

C’est cela la vraie conversion. La conversion commence avec une vie plus droite certes. Marguerite a fait tout un chemin pour rectifier peu à peu son affectivité, surmonter ses répugnances, mais la route continuait ; le chemin de conversion se poursuit avec l’habitude d’une intériorité : fuir les bavardages, les paroles inutiles, non pas pour devenir austère, ou muet comme une carpe, mais pour prendre l’habitude d’habiter avec soi-même, l’habitude de revenir à son propre cœur et devenir peu à peu ami du silence, ami de la prière. Mais cette conversion encore ne suffit pas. Il faut aller plus loin.

La vraie conversion, c’est monter sur la montagne et y rencontrer le Dieu vivant ! C’est de découvrir le visage du Christ dans la prière. La vraie conversion naît de ce face à face. Plus encore de ce cœur à cœur !
Qu’on ne se méprenne pas : ce n’est pas un doux accord des sentiments et des affections. Non : affronter le mystère de notre Dieu, cela peut être beaucoup plus douloureux : il s’agit d’entendre l’appel silencieux de Dieu, ce silence plus puissant que tous nos bruits intérieurs. Il s’agit d’accepter d’être comme détruit par l’infinie faiblesse de ce cœur, l’infinie vulnérabilité de Dieu : c’est elle qui nous vainc, c’est elle qui va chercher en nous ce qu’il y a de plus sombre, ces duretés, ces égoïsmes, ces recherches de plaisir.

Ce cœur qui, sans un mot, sans un reproche, fait émerger tout cela, parce qu’il n’est qu’amour. Dans de tels moments, Marguerite s’écriait : « Qu’il est terrible de tomber aux mains du Dieu vivant. »

Un cœur de feu

Et là, ne pas fuir ! Et là, demeurer. Et là, se laisser purifier pas à pas. Comme cette fragilité nous met à mal bien plus qu’aucune autre force ! Comme ce silence est éloquent, comme il nous parle, comme il adresse une parole à des zones de notre être qu’aucun autre message ne peut rejoindre.
Ce cœur, c’est comme le cri d’un enfant devant lequel nous sommes tout à coup saisis : saisis de notre épaisseur, de notre brutalité, de notre impureté.

La vraie conversion commence quand nous devons nous battre avec Dieu. Nous battre non avec sa puissance, mais avec sa faiblesse. Affronter notre Dieu, mais bien moins sa justice, que sa miséricorde. La vraie conversion, c’est le combat de Jacob avec l’Ange ! Mais l’ange de Dieu, c’est celui qui par sa faiblesse, nous surprend, nous désarme, et nous blesse.

Il est plus facile de nous relancer dans l’action, de nous montrer généreux et finalement de nous fuir, et de fuir cette silencieuse réprobation : mais le Seigneur nous dit :

« Dans le calme était le salut. »

L’enjeu de tout cela ? L’enjeu, ce n’est rien d’autre que d’avoir du cœur. Pour cela il faut commencer à y être ramené par le Seigneur lui-même : notre propre cœur, ce lieu du drame, le foyer de notre être qui comme celui d’Adam a choisi le mal. Le foyer de notre être, qui aujourd’hui peut devenir le lieu de notre conversion.
L’enjeu finalement c’est notre profondeur : quelle tentation aujourd’hui d’être superficiel, de ne pas s’arrêter, de « zapper » continuellement, de continuer notre course à la surface des choses, en oubliant que de parcourir le monde en tout sens, cela nous empêche de nous arrêter, cela nous empêche de suivre ce mouvement de descente en nous-même, ou plutôt d’y consentir, cela nous empêche de rencontrer Dieu. Le seigneur nous le rappelle : « que sert à l’homme de gagner le monde s’il vient à le payer de sa vie ? »
Nous n’aurons du cœur que si nous acceptons cette profondeur ; et nous serons durs, dans la mesure où nous serons superficiels. C’est un chemin exigeant, mais un chemin de conversion authentique. Alors tout devient possible.

Car si nous descendons en nous même, et si nous nous laissons purifier, alors nous serons consumés : alors nous participerons à ce feu, et nous pourrons le répandre.

Frères et sœurs, elle est pour nous cette parole de Jean Paul II :

« Si vous revenez à votre cœur, si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde. »

Gardons-cette parole, et qu’elle nous ouvre le chemin.

Amen !


Références des lectures du jour :

(Ez 34, 11-16 ; Ps 22, 1…6 ; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7)

  • Livre d’Ézéchiel 34,11-16.
  • Psaume 23(22),1-2ab.2c-3.4.5.6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,5b-11.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 15,3-7 :

En ce temps-là, s’adressant aux pharisiens et aux scribes, Jésus disait cette parabole :
« Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?
Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !”

Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. »