Homélie du 17e dimanche du Temps Ordinaire

27 juillet 2021

Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient.

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, je voudrais retenir trois éléments de ce passage d’évangile pour notre itinéraire de foi.

  1. Prendre conscience de l’immensité des besoins
  2. Donner ce que l’on peut
  3. Poursuivre la route

Prendre conscience de l’immensité des besoins

Une mise à l’épreuve

Déjà dans la première lecture, il y a une disproportion entre les besoins et ce que nous avons entre les mains :

« Comment donner cela (vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac) à cent personnes ? »

Saint Jean nous dit très explicitement que Jésus met Philippe à l’épreuve :

« Il dit à Philippe : ’Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ?’ Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire. »

Cela oblige Philippe à bien percevoir combien la demande de Jésus dépasse largement ses possibilités :

« Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. »

La proposition d’André ne fait que souligner cette disproportion entre leurs moyens et la demande de Jésus :

« Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »

Pourquoi cette mise à l’épreuve ? Pourquoi ce détour par cette prise de conscience désagréable d’être complètement dépassé, d’expérimenter douloureusement cette pauvreté ? Le but du bon Dieu n’est certainement pas de nous humilier. Mais nous n’apprécierons pas son intervention si auparavant nous n’avons pas conscience du fait que la difficulté dépasse nos forces.

C’est en effet quelque chose qui revient souvent dans la Bible. Par exemple, lors de l’Exode, le départ d’Egypte est difficile. Au départ, l’épreuve du peuple Hébreux ne fait que s’accentuer. Pharaon demande la même quantité de briques sans fournir la paille. Puis il y a les dix plaies d’Egypte. Ils commencent à partir et se trouvent acculés devant la mer, poursuivis par Pharaon. C’est comme si Dieu les invitait ainsi à crier plus fort vers lui.

Pour bien réaliser que la victoire vient du Seigneur plus que de nous

Vous vous rappelez aussi de l’épisode de Gédéon dans le livre des Juges. Gédéon est appelé par Dieu à vaincre les Madianites alors qu’il fait l’expérience de sa faiblesse. Dieu veille à ce que les Israélites n’attribuent leur victoire à leurs propres forces plutôt qu’à celle de Dieu. Il fait renvoyer plus des deux tiers des troupes rassemblées par Gédéon puis il lui propose de faire un nouveau tri parmi ceux qui restent. Le peuple descend vers l’eau pour boire. Dieu demande à Gédéon de retenir ceux qui ont ’lapé l’eau en la portant à la bouche avec leur main’. Il ne reste alors plus que 300 hommes sur les 32000 qui avaient rejoint Gédéon.

Comme est grande la tentation de nous attribuer à nous-mêmes nos succès ! La difficulté majeure est une forme d’arrogance, de prétention à l’égard de Dieu. Comme le dit et le répète le prophète Isaïe :

« L’homme au regard hautain sera abaissé, Et l’orgueilleux sera humilié : L’Eternel seul sera élevé ce jour-là. » (Is 2, 11 ; cf. 2 Co 10, 5)

« Le Seigneur voit les humbles, Et il reconnaît de loin les orgueilleux. » (Ps 138, 6)

Vous connaissez certainement la blague du monsieur qui cherche une place de parking. Il a en effet un rendez-vous important et il ne trouve pas de place. Comme l’heure tourne, il commence par dire au bon Dieu : « si tu me trouves une place, j’irai à la messe tous les dimanches ».
L’heure continue à tourner, il ajoute alors : « si tu me trouves une place, j’irai aussi me confesser (ça fait longtemps que je ne l’ai pas fait) ».
L’heure du rendez-vous est imminente. Il ajoute encore : « si tu me trouves une place, je dirai mon chapelet tous les jours ».
Et soudain il voit une place. Il dit alors à Dieu : « arrête de chercher, j’en ai trouvé une par moi-même ! »

Comme il nous est difficile de nous sentir redevables à l’égard du bon Dieu ! Or c’est précisément ce qui fait que nous restons en relation avec lui plutôt que d’être dans une forme d’autonomie un peu arrogante. Nous préférons être quittes !

Pour nous situer de manière humble devant le Seigneur

Saint Pierre le dit d’une manière positive :

« Revêtez-vous d’humilité ; car Dieu résiste aux orgueilleux, Mais il fait grâce aux humbles. » (1 P 5, 5 ; cf. Jc 4, 6)

Il ne fait que reprendre une constante que l’on trouve dans le magnificat et dans l’évangile :

« Quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 18, 14)

La première étape dans notre prière de demande est donc de ne pas avoir une posture arrogante et prétentieuse à l’égard de Dieu. Mais une posture humble et confiante.

Donner ce que l’on peut

Le découragement

Faut-il alors en rester là et se lamenter devant l’ampleur des besoins ? Une première tentation est le découragement : c’est impossible ; on ne va pas y arriver ; mieux vaut retourner en arrière. C’est la tentation constante des Hébreux dans la fuite d’Egypte.

« Qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »

Le risque est de se démobiliser complètement.

Se limiter à des moyens humains

Une deuxième tentation est d’en faire à notre tête et d’en rester à des moyens humains pour surmonter le défi : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Bien sûr, il ne s’agit pas de rester les bras croisés. Mais le risque est de s’épuiser très vite avec notre bonne volonté laissée à elle-même. Il ne faut certainement pas se lancer à corps perdu dans de multiples initiatives en perdant de vue l’écoute du Seigneur.

Se fier à la parole de Jésus

L’important est de faire confiance à la parole de Jésus. Déjà dans la première lecture, le prophète Elisée invitait à se remettre en la parole du Seigneur :

« Ainsi parle le Seigneur : On mangera, et il en restera. »

Ici, le premier pas est de suivre docilement la parole de Jésus plutôt que de rester enfermé dans des raisonnements humains :

« Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.
Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. »

Vous savez que Dieu procède par multiplication. Il attend donc de nous un petit quelque chose, quelquefois insignifiant. Mais cela ne peut pas être zéro car vous savez qu’une multiplication par zéro fera toujours zéro !

Poursuivre la route

La légitime action de grâces

De fait, ça marche !

« Il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : ’C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde.’ »

Il est bien légitime d’être dans l’action de grâces pour le signe accompli. Il est toujours important de savourer les grâces qui sont accordées. Comme le dit le psaume que nous avons entendu :

« Tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit. Le Seigneur (…) est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité. »

L’incompréhension

Mais à nouveau surgit une incompréhension entre Jésus et la foule :

« Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul. »

C’est un peu la même incompréhension que lors de la transfiguration :

« Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie. » (Mt 17, 4 ; Mc 9, 5 ; Lc 9, 33)

La tentation de l’homme est de s’arrêter en cours de route. Nous aimerions que le miracle devienne la norme dans notre vie. Or le miracle est là comme une lumière pour avancer plus loin, pour approfondir notre relation avec Dieu.

En effet, notre vie est un peu comme une course à étapes. C’est un peu comme le tour de France. Pour nous, les Champs-Elysées, ce sera au moment de notre arrivée au ciel. Auparavant ce sont seulement des victoires d’étape. Même s’il est bon de célébrer ces victoires d’étapes, il ne faut pas s’arrêter en cours de route !

Continuer la route avec cette lumière

Comme saint Pierre, nous aimerions être déjà arrivés. Mais Dieu ne nous épargne pas les difficultés et les combats. Nous sommes invités à aller d’étape en étape dans notre vie.

Ce n’est pas pour rien que Jean-Paul II a ajouté les mystères lumineux au Rosaire, en particulier la Transfiguration et l’institution de l’Eucharistie. Il est important de nous laisser pénétrer par cette lumière pour continuer à avancer.

Vous savez combien la mémoire est importante pour poursuivre notre route.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre des Rois 4,42-44.
  • Psaume 145(144),10-11.15-16.17-18.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 4,1-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6,1-15 :

En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades.
Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche.
Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe :
— « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire.
Philippe lui répondit :
— « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. »
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
— « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »
Jésus dit :
— « Faites asseoir les gens. »
Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient.
Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. »
Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. »
Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.