Homélie du 20e dimanche du Temps Ordinaire

20 août 2012

« Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

voilà plusieurs dimanche de suite que nous écoutons le chapitre 6e de l’Evangile de Saint Jean, chapitre appelé « Le Pain de Vie ». J’aimerais aujourd’hui méditer sur un question plus pratique, à savoir : quelles sont les conditions d’accès à la communion ? En effet, vous savez que le Seigneur, à travers ce chapitre sixième, révèle qu’Il est le vrai Pain de Vie. Que celui qui mange Sa Chair et voit Son Sang demeure en Lui, et Lui demeure en Dieu. Mais, comme nous le rappelle Saint Paul dans la deuxième lecture et aussi dans un autre passage, il est important de prendre bien garde à votre conduite.
On ne s’approche pas de la Communion de n’importe quelle manière.

L’examen du cœur avant la Communion

Premièrement, il est important d’examiner son cœur. J’ai eu cette expérience de plusieurs années en Amérique Latine où beaucoup de personnes participaient à la messe, mais restaient dans les bancs et ne s’approchaient pas de la Sainte Communion car ils estimaient que leur cœur n’était pas prêt, que leur cœur n’était pas pur. Bien sur, notre cœur n’est jamais assez pur, jamais assez prêt. Mais, parfois aussi, il y a des questions graves, des actes graves, des péchés graves que nous avons commis et qui nous empêchent de nous approcher de la Sainte Communion. Je crois que c’est important aussi de nous rappeler que, en communiant, nous nous approchons du mystère de Dieu lui-même. Ce n’est pas parce que Dieu s’est fait proche qu’il cesse d’être transcendant.
Et cette transcendance de Dieu, cette majesté de Dieu dans la fragilité du pain et du vin consacrés, doit aussi nous alerter et d’une certaine manière nous interroger.

Est-ce que mon cœur est prêt ? Est-ce que ma manière de vivre - comme le dit l’apôtre Saint Paul - est-ce que ma conduite est en conformité avec le Corps et le Sang du Seigneur qui se donne en Communion ?

L’Apôtre Saint Paul va plus loin dans la lettre aux Corinthiens lorsqu’il dit, au chapitre 11e :

« Ainsi donc, quiconque mange le Pain ou boit la Coupe du Seigneur indignement aura à répondre du Corps et du Sang du Seigneur.
Que chacun donc s’éprouve soir-même, et qu’ainsi, il mange de ce Pain et boive de cette Coupe. Car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation s’il ne discerne le Corps. »

Communier au Corps du Christ : une question de Foi

La deuxième condition est donc la Foi : je m’approche du Seigneur en discernant le Corps, et je dis « Amen », c’est à dire : « d’accord, c’est vraiment le Corps du Christ » lorsque le prêtre vous donne la Communion. Amen veut dire « Je crois, Tu es là présent dans l’espèce du Pain et du Vin ». Ceux qui n’y croient pas n’ont pas à s’approcher de la Communion.

Comme prêtre, on est parfois désemparé lorsque quelqu’un à qui vous tendez l’Ostie consacrée vous répond « merci » au moment où on lui donne le Corps du Christ. Cette personne discerne t-elle vraiment le Corps, cette présence de Dieu ?

Sans avoir une rigidité du cœur ou une rigidité morale, je crois qu’il est important de voir que ce Dieu qui se donne à nous en communion appelle aussi de notre part une manière d’agir. Une certaine conduite et d’abord une réponse par la Foi. Donc, il faut d’abord s’interroger : est-ce que moi-même, je suis dans cette communion avec le Seigneur, et ainsi que dans cette communion avec Son Église.

C’est aussi ce que dit l’Apôtre Saint-Paul : « … celui qui mange et boit sa propre condamnation s’il ne discerne le Corps ». C’est à dire non seulement le Christ présent sous les espèces du pain et du vin, mais le Corps du Christ qu’est l’Église.
C’est pour cela qu’aux JMJ de 2005, qui ont été célébrées à Cologne – un lieu où il y a aussi beaucoup de personnes protestantes – le Pape a rappelé, avant de donner la Communion :

« S’approchent de la Communion ceux qui communient à l’Église catholique ».

Il m’est arrivé d’accompagner des couples mixtes protestant-catholique - dans la région, on sait bien que c’est assez fréquent, plus que dans d’autres régions. Je leur ai conseillé, et ils l’ont aussi compris, de ne pas communier : le protestant dans l’Église catholique, de même que le catholique dans l’Église protestante. Car communier, c’est reconnaître le Corps du Christ qu’est l’Eglise. Et je crois que c’est important de le rappeler, sans dureté ni rigidité.

Peut-être sommes-nous allés trop loin dans un certaine vision – fausse – de la Miséricorde. La vraie miséricorde, c’est la Vérité. La vraie miséricorde, c’est Jésus qui se donne et qui nous appelle à une réforme de notre manière de faire et de nous conduire, à une conversion des mœurs. Il ne s’agit bien sur pas de tomber dans le scrupule : ce serait l’excès inverse : voir le péché partout, se voir toujours indigne.

La Confession prodigue la Miséricorde du Seigneur

C’est vrai… face à Dieu, nous sommes toujours indignes ! Mais, il y a des empêchements objectifs à communier. Comme des péchés graves, ceux contre les commandements : tuer, invoquer le Nom de Dieu en vain, d’invoquer des idoles, le sixième commandement : celui de l’adultère. Je ne peux pas entrer en communion avec le Seigneur si je ne rentre pas d’abord en communion avec ses commandements. C’est une question logique. Et donc, c’est important d’avoir en parallèle cet accès à la Miséricorde de Dieu. La Miséricorde de Dieu qui se manifeste dans la Confession. Si j’estime que je ne suis pas apte à communier pour x raisons, de dois avoir recours au sacrement de la Réconciliation…

D’où l’importance aussi de former sa propre conscience. Dans ma conscience, y a t-il quelque chose de grave qui m’empêcherait de m’approcher du Seigneur ? Il y a donc cette Miséricorde de Dieu qui, avec le pardon et la pénitence.

Vous le savez, la pénitence a une double fonction : non seulement celle de réparation de l’offense commise à Dieu ou au prochain, mais aussi une guérison de ma propre blessure. C’est important de voir comment agit le sacrement de la confession, avec la pénitence qui va avec, et qui demande aussi une réforme de notre vie. Ce n’est pas magique, ce n’est pas mécanique, la confession. Elle n’est pas valable si je n’ai pas le désir de changer, on le sait bien. C’est à nous aussi d’y avoir recours quand on voit parfois dans sa propre vie des manières de faire, ou des actes graves – adultère, crime, avortement – tout ce qui peut nous empêcher de nous approcher de la communion.

Communier à l’Église en recevant l’Eucharistie

Mais il y a aussi des cas où nous sortons de la communion de l’Église. C’est à dire que, par nos propres actes, par nos critiques de l’Église, si nous sommes en désaccord avec l’Église, puisque communier au Corps, c’est communier à l’Église, il faut être logique avec soi-même, cohérent, et ne pas s’approcher de la Communion.
De même, lorsque l’on commet un péché grave contre l’Église, c’est le cas de prêtres qui auraient divulgué le secret de la confession, ipso facto, par le fait même, ils sont en dehors de la Communion de l’Église, et doivent remettre leur péché, recevoir l’absolution, demander la pénitence, de façon à réintégrer la Communion de l’Église, et réintégrer la Communion au Corps et au Sang du Christ.

On le voit bien, il y a comme une continuité entre communier au Corps et au Sang du Christ et communier à une certaine manière de vivre, communier à une certaine communauté. C’est tout un.
Aujourd’hui, en France en tous les cas et en Europe de façon générale, on a souvent perdu cette dimension là. Sous prétexte de miséricorde - mais est-ce vraiment celle-là, sans la Vérité – on se veut accueillant, on n’ose pas trop redire les questions fondamentales qui nous empêchent parfois de nous approcher de la Communion.

Le cas de la séparation avec la Parole de Dieu

Reste aussi un cas particulièrement douloureux, celui des divorcés-remariés. En effet, l’Eglise demande aux divorcés-remariés de ne pas s’approcher de la Communion, à moins qu’ils ne vivent « comme frère et sœur » à l’intérieur du couple. Ceci est demandé car communier au Corps du Christ, c’est communier à l’épouse ou à l’époux avec lequel, avec laquelle je suis uni par les liens du mariage. C’est une même communion.
Et s’il y a eu séparation avec l’homme ou la femme avec lequel, avec laquelle je me suis marié, serait comme une incohérence par rapport à cette rupture de relation, cette rupture d’amour.

Donc, quand l’Église demande aux personnes divorcées-remariées qui ne vivent pas « comme frère et sœur » de ne pas s’approcher de la Communion, ce n’est pas par dureté. C’est d’abord leur demander de respecter la Parole du Seigneur :

« Ce que Dieu à uni, que l’Homme ne le sépare pas »

C’est donc aussi respecter cette parole explicite, ce commandement de Dieu – Jésus a rarement été aussi précis au plan moral. Mais, c’est aussi faire Miséricorde que de dire la Vérité.

A ce propos, notons qu’il y a plusieurs formes de Communion : il y a la Communion sacramentelle, mais il y a aussi la Communion spirituelle. Si je ne suis pas prêt à m’approcher du Seigneur pour certaines raison, et si j’ai commis un péché grave, je crois que c’est important d’avoir cette humilité là. On peut demander la bénédiction, comme le font les enfants. Les enfants qui n’ont pas encore fait leur première communion s’approchent en croisant les bras sur leur poitrine et demandent la bénédiction au prêtre.

Et bien, pourquoi pas, j’ai vu plusieurs adultes qui, pensant que leur situation ou par leurs actes récents semblaient ne pas avoir accès à la Communion, demandaient de la même façon cette bénédiction. C’est aussi l’humilité qui donne la grâce. C’est autant l’humilité de Jésus qui se donne en communion que la réponse de notre propre humilité qui nous permet de recevoir la grâce du Seigneur.

Communier dans le recueillement

Il y a aussi une manière de communier. En dehors des conditions plus formelles, il y a une manière de s’approcher de la Sainte Communion et de communier : avec respect, avec amour… Certes, on fait la queue pour recevoir le Corps du Christ, mais ce n’est pas comme faire la queue au guichet de la Sécurité Sociale. On peut ainsi le faire dans le recueillement, on peut s’incliner, se mettre à genoux juste avant de recevoir la Communion, en signe de révérence, tendre la main, ou tendre la langue…

Comme il est important de pouvoir montrer cela par nos gestes. Notre corps et notre posture disent aussi notre manière de concevoir notre lien avec Jésus dans l’Eucharistie. Le Seigneur nous demande aussi à nous prêtres, et aussi aux servants d’autel, par notre conduite, d’aider aussi les fidèles à rentrer dans ce mystère et à se mettre face à la transcendance de Dieu.

Bien sur, c’est une exigence quand on célèbre la messe tous les jours, parce qu’il y a toujours le risque de s’habituer – peut-être certains d’entre vous participent à la messe régulièrement en semaine – d’avoir ce sens de la transcendance de Dieu. Il est important pour le ministre de se rappeler cette exigence et de demander au Seigneur qu’Il nous donne cette grâce particulière, à travers la beauté de la liturgie, de découvrir le mystère de Dieu qui se donne en nourriture et en boisson, cette Vie Éternelle qui vient à notre rencontre.

Frères et sœurs, demandons assez d’humilité pour accueillir cette parole qui n’est pas facile à dire, qui n’est pas très « politiquement correcte » aujourd’hui ou l’on brade beaucoup le sacré – la réalité du sacré n’est pas mise à sa bonne place. Mais, on le sait bien : ce n’est pas en bradant que l’on attire, c’est au contraire en tirant vers le haut que l’on attire, dans la Miséricorde et dans la Vérité, pour nous approcher d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Proverbes 9,1-6.
  • Psaume 34(33),2-3.10-11.12-13.14-15.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 5,15-20.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6,51-58 :

Après avoir nourri la foule avec cinq pains et deux poissons, Jésus disait : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »

Les Juifs discutaient entre eux : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.

Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »