Homélie du 20e dimanche du Temps Ordinaire

2 octobre 2012

« Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

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Texte de l’homélie :

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du Monde »

Chers frères et sœurs,

Au cours de la messe, au moment du rite de communion, juste après la prière du Notre-Père, le prêtre élève l’hostie pour le présenter au fidèles. C’est là une invitation formelle pour tous à reconnaître humblement le Christ qui s’offre à nous en Son Corps pour notre salut, pour notre libération. En effet, le Christ est le seul à pouvoir nous sauver. Le Christ, vrai dieu et vrai homme, est l’unique, absolument l’unique qui nous donne penser, par Sa mort et par Sa résurrection, à Dieu le Père.

Jean le baptiste avait rendu ce témoignage : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du Monde ». Et reprendre ces même paroles de Jean avant la Communion, c’est souligner l’importance de l’Eucharistie, tant comme acte de célébration du Christ que comme acte d’adoration du Christ. C’est tout particulièrement le sens de la fête du Corps et du Sang du Christ que nous célébrons aujourd’hui par cette Eucharistie, par la procession qui suivra cet après-midi ainsi que l’adoration. Mais, revenons un instant sur ces paroles de Jean le Baptiste.

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du Monde. »

Qu’est-ce que cet Agneau ?

Vous le savez sans doutes, la fête de la Pâque juive était l’occasion pour chacun, chaque famille d’égorger un agneau au Temple, et c’est aussi le premier jour de la fête des Pains sans levain. Ces deux rites viennent commémorer la libération du peuple Hébreu en Égypte au temps de Moïse. Il ne s’agit pas simplement de faire mémoire de cet événement, mais de le vivre de façon actuelle, aujourd’hui.
De vivre de façon actuelle l’œuvre inlassable de Dieu qui fait de nous des hommes et des femmes libres.

Chacun de ces sacrifices avaient ainsi pour but de libérer l’homme de sa condition d’esclave du péché. Les Hébreux, mais finalement aussi nous-mêmes qui sommes héritiers de ce péché. Mais, cette libération avait une efficacité réduite, si l’on peu dire : il fallait sans cesse la renouveler, et cela inlassablement.

Mais Jean va aller plus loin que cet agneau. Il nous parle de Dieu. Il n’est pas question là de l’agneau ordinaire de la Pâque, il s’agit de Celui qui était prévu depuis toute éternité dans le cœur de Dieu, pour libérer l’homme du péché et Se faire connaître ainsi : lui, Dieu. Il ne fait aucun doute que Jésus choisit d’inscrire ses derniers jours dans cette perspective là :

L’Alliance nouvelle et éternelle…

« Ceci est Mon Sang, le Sang de l’Alliance répandu pour la multitude. »

Il veut signifier ainsi qu’Il est lui-même cette victime, comme ce nouvel Isaac, victime du sacrifice d’alliance avec Dieu. Alliance de Dieu avec l’homme, dans la droite ligne de celle de Moïse au Sinaï.

Et en choisissant de célébrer un sacrifice humain – chose qui était interdite à l’époque, qui plus est dans une maison particulière, en dehors du Temple – Jésus veut donner une signification toute autre à Son sacrifice. Il réalise les paroles du prophète Osée :

« C’est la miséricorde que je veux et non pas les sacrifices.
C’est la connaissance de Dieu, et non les holocaustes. »

L’Agneau de Dieu ainsi est le signe de l’œuvre de miséricorde. Ceux qui veulent bien regarder le Crucifié reconnaîtront en Lui le visage du Dieu humble et vrai, du Dieu de tendresse et de pitié. Saint Jean va ajouter :

« L’Agneau de Dieu qui enlève le péché. »

Jésus a dit « Ceci est Mon Corps », alors qu’il avait entre les mains du pain sans levain, ce même pain que nous utilisons encore aujourd’hui pour l’eucharistie. Il veut signifier ainsi une nouvelle manière d’être homme, une nouvelle manière d’être un homme pur et libre. C’est à dire un homme qui est lié à son Dieu par une alliance.

… qui fait de nous des hommes nouveaux

Ainsi, Il nous invite, comme dit l’Épître aux Éphésiens, à « revêtir l’homme nouveau » créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté qui viennent de la Vérité. Et dans ce sens, Jésus peut bien être comparé à l’Agneau Pascal, car Il dévoile aux yeux des hommes le vrai visage de Dieu qui nous libère de toutes les fausses images et rend enfin possible l’Alliance.

Une fois cette alliance consommée sur la Croix, Jésus rend son sacrifice non sanglant sur l’autel, actuel et efficace encore aujourd’hui. Cet ultime sacrifice qui enlève le péché du Monde, et cela une fois pour toutes.

En fait, les sacrifices de l’ancienne alliance ne pouvaient pas enlever les péchés comme l’affirme la lettre aux Hébreux. Il est impossible en effet que le péché soit effacé par le sang d’un animal. Les sacrifices anciens ne concernaient que des animaux ; en revanche, Jésus, Lui l’Agneau de Dieu, a été immolé de par son sacrifice personnel. Il s’est offert en victime et a ainsi détruit le péché.

Jésus se donne en sacrifice pour le Monde entier

Jean étend la mission de Jésus pas seulement aux Hébreux et aux juifs, mais au Monde tout entier.

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du Monde. »

Jésus est en Lui-même l’incarnation de cette alliance, et il veut vivre cela volontairement, ce qui fait de Lui un homme libre :

« Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne. »

Désormais, pour participer au bonheur qui vient, nous sommes appelés à accomplir ce que Jésus nous a dit de faire en Sa mémoire. Ce bonheur qui vient, c’est l’humanité tout entière qui se retrouve rassemblée autour de Lui, pour ne faire qu’un seul corps. Pour faire Son propre corps : l’Église.

De ce sacrifice des Hébreux qui célébrait la libération d’Égypte, on arrive à la libération de toute l’Humanité. L’alliance est ainsi offerte à tous les hommes de bonne volonté.

Jean le baptiste a pour vocation de nous montrer Celui qui enlève le péché : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du Monde. ». D’où l’importance de ce geste de celui qui montre, qui démontre, qui désigne à tous les hommes Celui qui sauve l’Humanité du péché. Il lui donne par Son corps de faire enfin alliance avec Dieu, d’atteindre enfin sa vocation au bonheur.

L’urgence de l’annonce de la Bonne Nouvelle

C’est pour cela qu’il est urgent pour nous-même d’en vivre, il est urgent de l’annoncer au Monde, que le temps de l’esclavage est fini. C’est là l’unique raison pour laquelle nous célébrons cette Eucharistie. C’est totalement là le sens de notre fête d’aujourd’hui : monter le Saint Sacrement en procession. Le montrer au Monde de façon ostentatoire pour l’adorer, pour rendre visible enfin que tout homme de bonne volonté, que tout homme qui cherche d’où il vient et où il va y a enfin accès. Et cela entraîne deux attitudes de notre part :

Première attitude : célébrer l’Eucharistie

Nous désirons nous associer et célébrer le sacrifice non sanglant du Christ sur l’autel. D’un côté le prêtre, qui célèbre derrière l’autel, et vous-mêmes, qui, de part votre sacerdoce baptismal, de part votre vocation baptismale, êtes totalement associés à ce sacrifice. Nous la célébrons donc tous, ensemble.

Deuxième attitude : l’Adoration

Cette deuxième attitude est inséparable de la première. C’est ce que rappelle notre bon pape Benoît XVI, notamment dans l’homélie qu’il a prononcée pour la Fête du Corps et du Sang du Christ à Rome. Il a souligné l’importance de ne pas dissocier l’Eucharistie de l’Adoration. Certes, la célébration est au centre de l’Eucharistie, mais on ne peut pas réduire la présence de Jésus Eucharistie à la célébration de la messe. Cette présence s’étend bien plus loin. Si la célébration est au centre, cela est clair, l’Adoration est comme son milieu, comme son environnement. Que cette adoration précède la messe, qu’elle l’accompagne et qu’elle la suive

L’adoration forme la fraternité : face à un seul Père, nous sommes tous unis comme fils, tous à genoux, tous égaux. Prêtres, fidèles, tous baptisés devant notre Seigneur. L’adoration est source de toute fraternité, c’est elle qui va établir la communauté, qu’elle soit paroissiale, ou qu’elle soit religieuse. Et Benoît XVI précise que l’Eucharistie ne saurait porter tous ses fruits si elle n’est pas reçue par une communauté qui est unie par l’Adoration. Je le cite :

« Le Seigneur habite dans Sa maison, Il nous attend, Il nous invite à Sa table, puis, après que l’assemblée se soit dispersée, Il reste avec nous par sa présence discrète et silencieuse. »

Bien plus, cela dépasse le cadre de la messe et de l’Adoration, Sa présence perdure. Je le cite encore :

« On perçoit ainsi moins le sens de la présence constante de Jésus au milieu de nous et avec nous, une présence concrète, proche, au milieu de nos maisons. Comme un cœur palpitant, cœur au milieu de la ville, cœur du pays cœur du territoire, de ses différentes expressions et activités, le sacrement de la Charité du Christ doit pénétrer toute notre vie quotidienne. »

La présence du sacré au service de notre purification

Benoît XVI souligne encore que le caractère sacré, c’est à dire « mis à part », de l’Eucharistie est exigeant, et que l’observance rituelle ne suffirait jamais. Il faut la purification de notre cœur et l’engagement de toute notre vie. L’Adoration et la célébration impliquent notre conversion. Et pour terminer, il ajoute :

« Le sacré a une fonction éducative et sa disparition appauvrit inévitablement la culture, en particulier la formation des nouvelles générations. Et si par exemple, au nom d’une foi sécularisée qui n’ait plus besoin des signes sacrés, une maman ou un papa qui, au nom d’une foi désacralisée, priveraient leur enfant de tous les rituels religieux, finiraient par laisser le champ libre à tant d’ersatz présents dans la société de consommation, à d’autres rites, à d’autres signes qui pourraient devenir facilement des idoles.
L’homme redeviendrait comme esclave, l’homme perdrait toute sa liberté. »

Alors, frères et sœurs, demandons à la Vierge Marie, Notre-Dame de l’Eucharistie, Celle qui porte le Christ, demandons par son intercession d’avoir un plus grand amour du Corps et du Sang du Christ, tant dans Sa célébration que dans Son adoration. Qu’elles soient pour nous le mémorial vivant de notre libération. Qu’elles soient pour nous aussi un lieu de pénétration de notre vie quotidienne. Que l’adoration du plus saint des sacrements – car Son auteur même en est présent – soit pour nous l’occasion de le rendre plus présent dans notre quotidien.

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du Monde ! »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Proverbes 9,1-6.
  • Psaume 34(33),2-3.10-11.12-13.14-15.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 5,15-20.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6,51-58 :

Après avoir nourri la foule avec cinq pains et deux poissons, Jésus disait : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »

Les Juifs discutaient entre eux :
— « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors :
— « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.

Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.

Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »