Homélie du 22e dimanche du Temps Ordinaire

8 septembre 2014

« Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés, quel beau témoignage que celui du prophète Jérémie pour ce temps de rentrée !

« Seigneur, tu as voulu me séduire, et je me suis laissé séduire.
(…) il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir. »

Que c’est beau de voir quelqu’un qui est habité par un amour passionné pour Dieu !
Ce témoignage de Jérémie que l’Église a choisi en lien avec l’Évangile de ce jour nous invite à le lire sous un angle particulier : quelle place pour la souffrance et la mort dans la vie des disciples de Jésus ? Schématiquement, on peut distinguer deux phases dans la vocation de Pierre qui se met à la suite de Jésus.

La profession de Foi

La première phase culmine avec cette profession de foi qu’il vient d’adresser à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! ». Cette première phase est celle où Pierre se laisse séduire par Jésus. Jésus prononce des paroles qui le comblent au point qu’il pourra dire :

« A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6, 68)

D’autres disaient aussi :

« jamais un homme n’a parlé comme cet homme ! »

Jésus répond d’abord à une soif intime de trouver un sens à sa vie. Mais cela ne se limite pas aux paroles, Pierre a vu Jésus accomplir un certain nombre de miracles :

« Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. » (Lc 7, 22)

Jésus répond aussi à la soif de Pierre de faire du bien, d’aider les gens, de leur apporter de l’espérance, non seulement par ses paroles mais par ses actes. Ainsi, Jésus répondait bien aux traits du Messie.
Même si c’est de façon un peu confuse, d’innombrables personnes attendent aujourd’hui encore un messie. Je ne sais si vous vous rappelez le discours qu’a prononcé Nicolas Sarkozy après son élection comme président de la République mais ses mots avait bien des accents messianiques : il se proposait d’éradiquer les difficultés qui préoccupaient les français. Hélas, ce n’était qu’un homme et les difficultés n’ont pas disparu. Les messies humains nous déçoivent toujours tôt ou tard. Et c’est précisément pour cela que, à ce point de la route, Jésus défend à ses disciples de proclamer partout qu’il est le Messie. En effet, les gens risqueraient très fort de se faire une fausse idée de lui. Ils se font une idée trop humaine du Messie.

En tout cas, Jésus répond à cette attente messianique qui habite le cœur de Pierre formé par l’enseignement des prophètes d’Israël.

Le refus de la souffrance

Avec l’Évangile de ce jour, nous entrons dans la deuxième phase de la vocation de Pierre :

« Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. »

Autant Pierre avait été séduit par les paroles et les miracles de Jésus, autant il se refuse d’envisager la souffrance et la mort. Pourtant elle sont quelque chose d’incontournable pour le disciple de Jésus…
Nous pourrions imager cet itinéraire de Pierre comme une montée suivie d’une descente : jusqu’ici, avec les paroles et les miracles de Jésus, il avait l’impression de monter ; à partir du moment où Jésus parle de souffrance et de mort, il a l’impression d’une dégringolade et il s’y refuse de toutes les fibres de son être.

La souffrance et la mort de Jésus ne sont pas un bête accident de parcours. Comme Jésus le répétera après Sa Résurrection, elles font partie de son itinéraire :

« Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26)

Pour l’homme, cela demeurera toujours une mystérieuse nécessité.

« Si, pour nous sauver, le Fils de Dieu a dû souffrir et mourir crucifié, ce n’est certainement pas à cause d’un dessein cruel du Père céleste. C’est à cause de la gravité de la maladie de laquelle il devait nous guérir : un mal tellement sérieux et mortel qu’il réclamait tout son sang. » (Benoît XVI - 2008)

Par son attitude, Jésus montre clairement que le mal le plus grand n’est pas la souffrance et la mort mais bien le péché.
En acceptant de marcher librement vers la souffrance et la mort, Jésus va pour ainsi dire coloniser une région inhumaine. Aux hommes qui associent souvent une certaine culpabilité à la souffrance, Jésus montre que Dieu n’est pas absent du domaine de la souffrance et de la mort. Spontanément, l’homme tend à penser que Dieu est plutôt du côté de la réussite et du succès. C’est ce qui apparaît dans un certain nombre de passages de l’Ancien Testament où l’on interprète la prospérité matérielle et le bonheur terrestre comme une bénédiction de Dieu. Avec Jésus, la souffrance et la mort ne sont plus des zones de non-droit où l’esprit du mal règne en souverain.
Désormais, la souffrance, l’échec, la mort, peuvent être des lieux de profonde communion avec Dieu. L’amour de Dieu a droit de cité dans ces réalités.

En conclusion, reprenons les paroles du prophète Jérémie en butte à la souffrance :

« Il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir. »

Par amour de Dieu, Jérémie a consenti à s’exposer à la raillerie.
Et toi, qui es disciple de Jésus, es-tu prêt à accepter, avec le secours de la grâce, des souffrances qui découlent de ta fidélité à Jésus ?
Es-tu prêt, par amour de Jésus, à renoncer à une voie de facilité ?
Es-tu prêt, par amour de Jésus, à lutter contre les tentations ?
Es-tu prêt à te compromettre pour Jésus dans l’évangélisation ou la recherche de la justice ?

Surtout n’allez pas prendre peur en pensant que c’est impossible. A nos seules forces, sans doute. Mais justement, Jésus veut nous donner sa force. Ces difficultés ne vont pas nous rendre malheureux, bien au contraire. Pourquoi ? Parce qu’un feu nous brûlera et nous fera aller de l’avant. Ce feu intérieur nous brûlera d’autant plus que nous nous lancerons avec confiance à la suite de Jésus, en nous attachant à Jésus qui a livré sa vie pour nous.

Pierre nous est un bon modèle. Il n’a pas toujours été parfait. Mais il ne s’est pas découragé.
Demandons-lui son intercession pour nous mettre résolument à la suite de Jésus !

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 20,7-9.
  • Psaume 63(62),2.3-4.5-6.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 12,1-2.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 16,21-27 :

Pierre avait dit à Jésus :
— « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. »
À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.

Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches :
— « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre :
— « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples :
— « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.
Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ?
Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ?

Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite.