Homélie du 26e dimanche du Temps Ordinaire

2 octobre 2014

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux anciens :
« Que pensez-vous de ceci ? Un homme avait deux fils.
Il vint trouver le premier et lui dit : ’Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne’. »

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Texte de l’homélie :

Parmi les pages de la Bible qui me touchent le plus sont celles qui relatent des récits de vocation. Nous nous rappelons bien sur de la vocation d’Abraham, puis de Moïse dans l’Ancien Testament, mais c’est plus sur la vocation de Jérémie que j’aimerais m’arrêter aujourd’hui, car elle illustre assez bien la parabole que Jésus confie à notre méditation.

Jérémie, choisi dès le ventre maternel – vous vous en souvenez – puis appelé à parler à un peuple qui s’est détourné du Seigneur comme tout prophète. Au début, il trouve plein d’excuses pour ne pas répondre à l’appel du Seigneur (« Je ne suis qu’un enfant ! »), puis il l’accueille finalement, et il proclame alors la parole de Dieu qui lui est dite. Cette proclamation entraîne bien des complications dans sa vie…

Ainsi, il est intéressant de dire que les appels du Seigneur qui nous sont lancés suscitent notre liberté. Oui, nous sommes heureux chaque fois que nous pouvons faire mémoire de personnes qui ont été fidèles à l’appel du Seigneur. Cette semaine, nous avons enterré un frère de notre communauté qui a servi le Seigneur 63 années durant. C’est aussi pour nous l’occasion de faire mémoire de ces « Oui » qu’il a dit, non seulement au moment de son ordination sacerdotale, mais tout au long de sa vie.
C’est beau de faire mémoire de tous celles et ceux qui ont choisi de répondre dans la fidélité à l’appel du Seigneur : lorsque l’on fête des noces d’or, lorsque l’on voit des personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ont choisi de servir dans la fidélité.
Alors que l’on fête le centenaire de la guerre de 14, je pense aussi à ces hommes qui sont fils de France non seulement par le sang reçu, mais par le sang versé. Pour certains d’entre eux, c’était aussi un appel à défendre le pays.

C’est le rôle de la vie des Saints : nous pouvons nous appuyer sur ces fils et filles de l’Église qui ont été fidèles à l’appel du Seigneur. Pourquoi ? parce que nous sentons que, dans notre appel et dans notre réponse à l’appel du Seigneur, il y a aussi une certaine fragilité. D’où l’importance de faire mémoire.

Pourquoi reprenons-nous notre « Oui » ?

Notre nature humaine est fragile et est en proie à la tentation. Dans la vie du prophète Jérémie, vers le chapitre 20-21, arrive un moment où il en a assez. Il a dit « Oui » au départ, et ensuite, il dit « Non », un peu comme dans la parabole. Mais, pourquoi en a t-il assez ?
Admettons qu’être prophète n’est pas de tout repos ! Ne l’a t-on pas enfermé dans une citerne et soumis à beaucoup d’autres humiliations ? Avant d’accepter la mission de prophète, il faut y réfléchir à deux fois !
Il dit même : « Je ne parlerai plus en Ton nom ! ». Comment peut-il se faire que l’on dise « oui », puis ensuite « non » ? Dans la parabole, ce fils dit « oui », et finalement, il n’y va pas…

Plusieurs choses entrent en compte :

  • la fragilité humaine, comme je le disait tout à l’heure
  • la conséquence des épreuves, et pour Jérémie, elles étaient incompréhensibles : « à quoi cela sert-il d’avoir été choisi si c’est si compliqué ? » ; « j’aurais préféré ne pas être choisi ! »
  • cela peut-être aussi un certain découragement, ou un sentiment d’isolement.

Chers jeunes, vous qui venez du pôle Jeunes Domini, vous vous sentez certainement minoritaires parmi vos contemporains, et vous vous dites peut-être que les autres ont l’air aussi - voire plus - heureux que vous ; au fond, pourquoi suivre l’appel du Seigneur ? Vous dites « Oui », parce que vous avez – pour certains – reçu la Confirmation, et que vous voulez cheminer dans la Foi…
Mais, parfois, le sentiment de découragement, de solitude, fait qu’ensuite, on dit « Non ».

Ainsi, nous pouvons remarquer que notre vie n’est pas faite d’un « oui linéaire », mais un « Oui » qui doit être renouvelé régulièrement pour pouvoir être fidèle à l’appel du Seigneur.

La fidélité au Seigneur est récompensée !

La fin de l’histoire de Jérémie est plutôt comme un « Happy end » ! :

« Seigneur, Tu m’as séduit, et je me suis laissé séduire.
Tu as été le plus fort… »

Ensuite, du « Non », il repasse au « Oui », au « Oui » à l’appel de Dieu.
De fait, quand nous sommes dans un moment de rébellion - comme l’a été Jérémie dans ce passage-là où il dit « Je ne veux pas parler en Ton nom » - l’heure n’est pas à l’ouverture du cœur. Et, qu’est-ce qui va faire qu’il va redire « Oui », si ce n’est une attitude de confiance ?
C’est le fait d’ouvrir les yeux, comme le dit le livre d’Ezéchiel :

« Parce qu’il a ouvert les yeux, le méchant s’est détourné de ses fautes ;
Il ne mourra pas, il vivra. »

Ainsi, j’ai rouvert mon cœur à l’appel de Dieu, à l’appel à me livrer à Lui, à compter sur Lui, car j’ai fait l’expérience qu’Il était à mes côtés dans les difficultés. Et si les épreuves peuvent nous faire prononcer des « non », elle sont là aussi pour manifester à l’intérieur ce que l’on porte à l’intérieur. C’est bien ce que l’on voit chez Jérémie : il voulait lutter contre ce qu’il portait à l’intérieur, et il avoue finalement que le Seigneur a été le plus fort, et qu’il s’est laissé séduire.
Ainsi, les épreuves nous éloignent parfois, mais elles sont là aussi pour révéler à nous-mêmes qui nous sommes. Il est bon de faire mémoire de ces appels : chacun d’entre nous, nous sommes invités par le Seigneur à répondre à un appel, et en premier lieu, celui à vivre :

Et l’on voit bien le choix de Jérémie dès le sein maternel.

Dire « Oui » au Seigneur, c’est choisir la vie

Il y a bien d’autres appels : à fonder une famille, pour la grande majorité, l’appel à être disciple du Seigneur. Mais, là aussi, on voit qu’il y a un combat intérieur, un combat spirituel. Car, lorsque Saint Paul s’adresse aux Philippiens pour leur dire comment être disciple du Seigneur, on lit :

« Estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. »

Cette phrase là pourrait en décourager plus d’un !
Oui, cet appel à être disciple du Seigneur demande aussi de prendre en compte le combat spirituel que l’on a à livrer lorsque l’on suit le Christ. Ce n’est pas facile, ce n’est pas une évidence. Même si la Foi nous donne la certitude dans la parole de Dieu, ce n’est pas une évidence au quotidien.
Ainsi, refaisons mémoire de l’appel de Dieu dans nos vies, refaisons mémoire de cet amour dont Il nous a comblés.

Si vous avez prêté attention à la prière d’ouverture, vous avez sans doutes perçu la patience du Seigneur à travers ces mots :

« Dieu qui montres Ta toute puissance lorsque Tu patientes et prends pitié. »

Contrairement à ce que nous pourrions penser, ce n’est pas dans Sa théophanie que le Seigneur montre Sa toute puissance, comme avec David, ni dans la manifestation de Son Pouvoir. Non. C’est lorsqu’Il patience et prend pitié. Au fond, cette patience et cette compassion du Seigneur envers nous nous aide aussi.
On voit bien que la réponse de ces deux fils sont en nous comme elles ont été dans l’histoire de Jérémie.

Soyons patients comme l’est le Seigneur…

Même s’il faut les dénoncer, et revenir de tout cœur au Seigneur, soyons patients face à nos infidélités. Mais, chacun d’entre nous, nous pouvons compter sur cette puissance de Dieu qui chemine à nos côtés et qui prend patience dans nos humanités qui sont lourdes et épaisses, difficiles manier.

Comme le dit Saint Paul, on voudrait faire le bien, et on fait le mal, et l’on fait le mal que l’on en veut pas, alors qu’on voudrait faire le bien. Mais, vous pouvez compter sur la patience de Dieu sur nous, comptez sur la force de Dieu qui s’exerce dans cette compassion pour nous. C’est cela qui nous aide à être fidèles. Ce ne sont pas d’abord nos forces, pas d’abord nos talents - nos capacités intellectuelles ou que sais-je ? – qui nous rendent fidèles à l’appel de Dieu. C’est d’abord Sa grâce !

Au tout début, Jérémie dit : « je ne suis qu’un enfant ! », mais que répond le Seigneur ?

« N’aie pas peur, je serai avec toi. »

Et, chacun d’entre nous, par rapport à l’appel qu’il a reçu à être disciple, que ce soit dans la vie professionnelle, familiale, matrimoniale, refaisons mémoire toujours de cette patience du Seigneur et de cette présence de Dieu qui me permet, à travers ombre et lumière, de faire mon chemin, et de ne pas nous décourager de nos infidélités, car le Seigneur Lui-même ne se décourage pas du tout.

Et, même si on le sait par ailleurs, cela nous fait du bien parce nous nous décourageons parfois nous-mêmes : « quand est-ce que je vais cesser d’être impatient ou paresseux… » ; au lieu d’être face à nous-mêmes, on voit le regard de Dieu sur nous qui patiente et prend pitié, et qui, à partir de lignes sinueuses arrive à tracer une ligne droite, un sentier droit pour nous conduire au Royaume.

Alors, frères et sœurs, demandons les uns pour les autres cette grâce et cette confiance dans cet appel de Dieu, car les dons de Dieu sont sans repentance et ne dépendent pas de notre cohérence de vie – même si nous sommes invités à un changement – mais ces dons de Dieu sont là pour nous soutenir au quotidien et être témoins de ce dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 18,25-28.
  • Psaume 25(24),4-5ab.6-7.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,1-11.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 21,28-32 :

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux anciens :
« Que pensez-vous de ceci ?
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit :
— ’Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne’.
Celui-ci répondit :
— ’Je ne veux pas. ’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Abordant le second, le père lui dit la même chose. Celui-ci répondit :
— ’Oui, Seigneur ! ’ et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? »

Ils lui répondent :
— « Le premier ».
Jésus leur dit :
— « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru.
Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole. »