Homélie du 28e dimanche du temps ordinaire

15 octobre 2018

De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux :
— « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et dit :
— « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, toutes les civilisations ont recherché une certaine sérénité ou – pour le dire avec les mots de la première lecture – une certaine sagesse.
On le sait bien, en Égypte ancienne, les scribes étaient aussi les sages. Et vous connaissez peut-être cette manière dont les Grecs les appelaient, car ils n’osaient pas s’identifier eux-même comme « sages » - ils n’avaient pas cette prétention - et se définissaient comme « amis de la sagesse ». Ainsi on les nommait les philosophes.
De nos jours, on constate que les « comités de sages » ne manquent pas : ils s’octroient ce label avec beaucoup de facilité…

Mais, référons-nous à la spécificité de la sagesse pour les Juifs : est-elle celle des philosophes ?
Les Juifs, eux, commencent avec cette conscience que le premier acte de l’homme n’a pas été un acte de sagesse, mais un acte de folie. D’étendre les mains vers le fruit, de douter de Dieu et de ruiner toute son existence, voilà qui leur fait dire au contraire :

« Donne-moi la sagesse, car je ne l’ai pas ! »

Pour avancer sur le chemin de la sagesse, il faut commencer par la demander. Il faut aussi savoir faire preuve d’écoute et de docilité…

La sagesse doit être demandée

Ainsi, on voit bien que la sagesse doit faire l’objet d’une supplication ; par moi-même, je manque de prudence, je mande de discernement. Les passions m’aveuglent, l’ignorance m’accable. Et vous connaissez la prière du Roi Salomon :

« Je n’ai pas demandé la richesse ni le pouvoir, je t’ai demandé la sagesse. »

Ce jeune roi fait cette prière extraordinaire, alors qu’on aurait pu attendre tout autre demande, la victoire sur les ennemis, etc…
Et cette supplication, Dieu va y répondre. Il est très beau de voir aussi que, dans l’Ancien Testament, la sagesse est celle qui appelle. Et d’où appelle-t-elle ? Elle appelle depuis les portes de la ville. Les portes représentent le lieu de réunion de tous les chemins pour pouvoir y rentrer, le lieu où convergent toutes les populations. La sagesse s’adresse vraiment à tous.

Elle qui était le bien de tous les philosophes, de quelques ascètes peut-être, une sorte d’élite, avec le Christ, elle est offerte à tous : tous peuvent devenir sages. Qu’elle était belle l’image des premiers Chrétiens qui faisaient du Christ le premier philosophe, le premier sage, mais qui communiquait Sa sagesse à tous ceux qui en voulaient. Et il est bon aujourd’hui de revenir à cette nécessité de la sagesse.
Nous avons dans l’idée que le Chrétien est celui qui se donne, quelqu’un qui est généreux, qui est actif et qui prie. Mais, quelqu’un qui soit sage, ce n’est pas dans notre mentalité. On dépense beaucoup d’énergie, mais cette énergie est-elle orientée ? n’est-elle pas perdue et fatigante pour nous-mêmes et pour les autres ?
Nous nous agitons, mais faisons-nous vraiment l’œuvre de Dieu ?
Et si nous le faisons pas, pourquoi ?

Ainsi, il est nécessaire de faire un petit rappel pour nous aider : qui est le sage ? C’est celui qui sait contempler l’ordre, qui sait voir les choses telles qu’elles sont. Nous sommes souvent comme des analphabètes des réalités qui nous entourent. C’est comme si nous voulions faire du commerce aux Etats-Unis sans savoir l’Anglais : on aurait pas beaucoup de succès…
Nous ne sommes pas sages si nous ne savons pas lire cette réalité qui nous entoure, si nous ne savons pas lire notre propre cœur, si nous ne connaissons pas ni les autres, ni Dieu : notre action tombe à côté.

Que c’est important que d’apprendre à voir, à discerner. Bien entendu cela est un don, mais nous devons le cultiver en nous-même. Le Saint Père termine sa magnifique lettre sur la Sainteté en parlant de cette aptitude au discernement :

« Le discernement est devenu particulièrement nécessaire, car la vie actuelle multiplie les possibilités d’action, de distraction. Et le monde nous propose ces distractions comme également valables. »

Il faut faire une œuvre de discernement pour que cela puisse nous construire. C’est important que le Chrétien soit un homme qui agisse, soit un homme qui prie, mais aussi un homme qui pense. Souvent, nous mettons entre parenthèses une de ces conséquences : « je prie et j’agis. »
Mais, pense aussi. Pense à ton action, regarde le monde dans lequel tu es : ton milieu professionnel, ta famille… fais attention à la psychologie – sans tout psychologiser pour autant – mais ne vas pas trop vite sous prétexte de générosité : ton action tomberait à plat. La même chose pour l’évangélisation : un des grand charismes des Jésuites c’est de savoir discerner la réalité et de s’adapter.
Notre Saint père nous en a montré des exemples extraordinaires, et c’est cela dont nous avons besoin : ne pas trop vite agir, et prendre ce temps de réflexion.

Savoir écouter

Parce que nous pouvons supplier d’avoir cette sagesse, il faut aussi savoir écouter. Il faut se laisser reconfigurer par ce que le Seigneur nous aura dit. Une exégète traduisait la prière de Salomon par ces mots : « Donne-moi la sagesse ou donne-moi un cœur qui écoute profondément. »

Le Saint Père poursuit :

« Il se pourrait que, dans la prière, nous évitions de nous laisser interpeller par la liberté de l’Esprit qui agit comme Il veut. Le discernement trouve son origine dans la disponibilité à écouter le Seigneur, à se laisser réformer par Lui. »

Mais, quel est ce grand moyen de l’écouté ? c’est Sa parole. C’est la deuxième lecture qui nous en parle. La Parole de Dieu nous apporte beaucoup d’informations intéressantes sur Lui, sur des civilisation disparues, sur une sagesse de vie, mais, ce n’est pas de cette parole-là dont il s’agit : c’est de cette parole vivant, efficace, qui pénètre notre cœur. Et c’est beaucoup plus la parole qui nous lit que nous qui lisons la parole…

Elle discerne les intentions cachées, elle fait émerger le secret du cœur, sans quoi nous restons analphabètes devant lui, il nous est étranger. Et quoi de pire que d’être gouverné par une force extérieure à nous-même, ce cœur compliqué et malade, où va-t-il nous mener ? Grâce à Dieu, la Parole nous est donnée : c’est une lumière, c’est une purification ; c’est aussi cette très belle image que les pères de l’Église donnaient :

« Quand le Christ regarde, Son regard éclaire. »

Parfois, c’est difficile, mais il est bon que la Parole nous remette en question. Il est dangereux nous la lisions comme si elle était inoffensive, qu’elle ne risquait pas de nous déstabiliser… Cette parole peut nous venir de la Parole de Dieu, de la nature, du cri du pauvre, de la remarque que peuvent nous faire nos frères. « J’ai la parole de Dieu, et je m’en satisfais… » Non !
Dieu a mille et une façons de nous parler. Tout parle de Dieu si nous savons être attentifs. Et une fois que cette parole a fait émerger ce secret de notre cœur, il devient inoffensif : il devient dirigé vers le Seigneur. __ Saint Bernard disait très bien de ces défauts tapis dans notre cœur :

« Pour eux, paraître, c’est périr. »

Il suffit qu’ils apparaissent pour qu’ils n’aient plus de force maléfique.

Faire preuve de docilité

Cette parole est vivante. La vie chrétienne n’est pas une liste de QCM des commandements, que l’on pourrait cocher. Vous savez bien que c’était un peu de cette manière que se confessaient nos parents et nos grands parents… : « 1er commandement : 2 fois, 2e commandement : 3 fois, 3e commandement : 6 fois… ». Mais, quel en sont les fruits ? y avait-il une réelle conscience que nous sommes appelés à un « plus » ?…
On peut faire un lien avec l’Évangile de ce jour : quand le Christ interroge le jeune-homme riche par rapport aux commandements, il répond de la manière suivante :

« Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol… »

Mais, quelle est la remarque qu’on peut lui faire ? « que fais-tu des trois premiers commandements qui portent sur Dieu ? tu parles des commandements qui ont un rapport avec le prochain : c’est très bien, mais il y a un secret… »
Et en réalité, les trois premiers commandements qui parlent de Dieu peuvent être désormais résumés en un seul : « Suis-moi ! »
Voilà comment la Parole nous invite à la suite du Christ, c’est à dire, à être perpétuellement en mouvement. Je ne peux pas dire que j’ai coché le premier commandement et que je suis quitte avec le Seigneur. Non ! aujourd’hui, le Seigneur te demande ceci, mais demain, Il te demande d’aller plus loin dans cet accueil de Sa grâce qui reforme ton cœur, qui le bouleverse parfois, mais qui te donne peu à peu de n’être plus qu’un seul esprit avec Lui.

Voilà pourquoi notre vie chrétienne est passionnante : elle est une aventure, elle est un cœur à cœur avec Dieu. Et le drame du jeune-homme de l’Évangile, c’est qu’il refuse cette croissance, il refuse cette suite, que ses grands biens c’est qu’il a coché ces commandements, et qu’ils sont devenus des richesses dont il ne veut pas se séparer.
Bien sûr, il faut faire tout cela. Mais cela ne vaut guère si tu ne me suis pas.

Le jeune-homme riche aura sans doutes d’autres chances pour suivre le Christ. Mais, ne refusons pas ces croissances, ne refusons pas cette remise en question, ces conversions profondes : la grâce en nous fait tout craquer !

Le Saint Père nous dit aussi :

« Nous pouvons continuer à grandir sur tous les plans de notre vie, à offrir quelque chose de plus à Dieu, y compris lorsque nous sommes dans l’épreuve. »

Chers frères et sœurs, c’est Marie qui a suivi l’Agneau partout où Il allait. C’est Marie qui a d’abord supplié pour que cette sagesse lui soit donnée, c’est Marie qui a ensuite écouté cette sagesse, qui a médité toutes ces choses dans Son cœur, c’est Marie qui L’a suivi jusqu’au bout, jusqu’à la Croix, et jusque dans la Résurrection. Qu’Elle nous obtienne cette docilité du disciple,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Lecture du Livre la Sagesse 7,7-11
  • Psaume 90(89),12-13.14-15.16-17
  • Lecture de la Lettre de Saint Paul apôtre aux Hébreux 4,12-13
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 10,17-30 :

« En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda :
— « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
Jésus lui dit :
— « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul.
Tu connais les commandements : ‘Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère.’ »
L’homme répondit :
— « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. »
Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit :
— « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »
Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples :
— « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! »
Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit :
— « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu !
Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux :
— « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et dit :
— « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus :
— « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. »
Jésus déclara :
— « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »