Homélie du 28e dimanche du temps ordinaire

15 octobre 2018

De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux :
— « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et dit :
— « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »

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Texte de l’homélie :

L’appel de Dieu, le discernement de l’appel de Dieu… Oui, Dieu nous appelle, mais, comment discerner ? Comment savoir que le Saint Esprit nous fait signe ? Car il s’agit bien de ça dans les différentes lectures qui nous sont données pour ce dimanche : si l’on veut trouver un fil conducteur qui nous amène de lecture en lecture, c’est vraiment la question du discernement. Plusieurs choses font écho à partir de ce qui nous est donné :

L’appel : une initiative du Seigneur

Premièrement, l’appel de Dieu est une initiative du Seigneur. Cela peut paraître une évidence, mais ce n’est pas le fruit de notre imagination : c’est un choix de Dieu. C’est un choix gratuit de Dieu : nous n’apportons rien au Seigneur en répondant à Son appel. C’est un choix de Dieu désintéressé par amour.
Et c’est beau de penser que le premier appel est déjà un appel de Dieu à vivre. Pour certains qui traversent des périodes difficiles et sont peut-être tentés par le désespoir, l’appel à vivre est parfois un combat.
En même temps, toute vie est appel : si nous sommes ici ce soir, c’est que nous avons été appelés d’une manière ou d’une autre. Nous avons été choisis, même si nous arrivons d’horizons différents, à la dernière minute, s’étant préparés rapidement, ou en étant rentrés voyant de la lumière… Si nous sommes ici, c’est que nous avons été choisis.

On va le dire dans la prière eucharistique, faisons attention à ces paroles :

« Tu nous as choisis pour servir en Ta présence. »

Toute vie est appel, toute vie est choix. Ce n’est pas par hasard que nous sommes là, en ce lieu, en ces temps, en cette heure et dans cette célébration. Et, dans l’appel, il y a une condition.

La condition de l’appel : savoir quitter son confort habituel

On le voit très clairement dans l’Évangile, la condition, c’est de quitter. On ne répond pas à l’appel du Seigneur sans perdre quelque chose. De fait, si l’on voit la participation à cette célébration comme un appel, nous avons bien quitté notre lieu habituel de vie, notre domicile, des amis, dévié notre chemin habituel pur venir et se rassembler en communauté et être à l’écoute du Seigneur. Il y a toujours quelque chose à quitter. C’est ce qui n’est pas facile, mais c’est la condition de la réponse à l’appel : on le voit dès le début de la Genèse :

« Quitte ton père et ta mère et attache-toi à ta femme. »

Quitter c’est aussi honorer. Le jeune-homme riche - dont on ne connaît pas le nom – dit avoir honoré son père et sa mère dès sa jeunesse. Mais parfois, le Seigneur nous déstabilise dans certains aspects de notre vie. C’est le cas de cet homme-là qui s’adresse avec confiance à Jésus pour Lui poser une bonne question :

« Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »

La question de notre vie est bien liée à la Vie Éternelle : qu’en sera t-il de nous après notre mort ? que faut-il faire pour contempler Son visage. C’est la vrai question : que faut-il faire pour entrer dans ce face à face avec Dieu ?
Le Seigneur lui rappelle ainsi un certain nombre des commandements principaux, et il dit les avoir respectés depuis sa jeunesse, et c’est déjà bien : c’est un homme attaché au Seigneur, à la Parole de Dieu. Puis, Jésus le déstabilise :

« Va, vends tout ce que tu possèdes… »

Et lui, stupéfait, éberlué, s’en va tout triste : il ne s’attendait pas à cette réponse. Et l’on voit bien que ce n’est pas tant une question d’argent que de laisser quelque chose. Et le Seigneur insiste :

« Celui qui ne perd pas sa vie dans ce monde ne trouvera pas la Vie Éternelle. »

On ne trouve le Royaume qu’en se perdant. Jésus le rappelle en d’autres occasions :

« Qui perd sa vie la sauve, et qui veut sauver sa vie la sauve. »

Celui qui veut garder sa sécurité dans ce monde perd le chemin du Royaume de Dieu.

Pierre reprend ce sujet par la suite dans un autre évangile :

« Voilà que nous avons tout quitté pour Te suivre, qu’y aura t-il pour nous ? »

Et Jésus le rappelle : vous aurez au centuple ce que vous aurez laissé sur cette terre, avec des persécutions.

Ainsi, le vrai sujet du discernement est de savoir ce que le Seigneur nous appelle à quitter aujourd’hui et dans lequel nous mettons peut-être plus de sécurité que dans la Parole de Dieu.
« Bon maître.. » : il reconnaît une sagesse dans le Christ, mais, il ne va pas jusqu’au bout de la logique de l’appel.

Or, le Seigneur nous appelle les uns et les autres à être attentifs à Sa Parole : l’idolâtrie, c’est de donner plus d’importance à une parole humaine qu’à la Parole de Dieu. Comme nous le dit l’Épitre aux Hébreux :

« La parole de Dieu est plus coupante qu’une épée à deux tranchants… »

Oui, la Parole de Dieu est vivante. Il y a des personnes qui sont tellement touchées par le Saint Esprit en écoutant cet évangile qu’elles ont répondu à un appel de façon radicale.

Et nous avons les uns et les autres beaucoup de choses à quitter :

  • quitter les a priori que nous avons les uns sur les autres,
  • quitter cette volonté de plaire, qui est une vraie plaie car cela ne nous fait pas grandir, on veut briller sous le regard de l’autre, alors que c’est le regard de Dieu qui compte,
  • quitter la volonté d’être quelqu’un aux yeux du monde, d’être reconnu…

Réfléchissons à quoi nous donnons plus d’importance qu’à la Parole de Dieu, cela nous donnera des pistes sur les idolâtries dans notre vie : qu’y a t-il de notre vie que le Seigneur veut déraciner ? Et c’est Son Amour qui nous fait renoncer…

« Jésus posa Son regard sur lui et l’aima… »

C’est parce que j’expérimente l’Amour du Seigneur, que je peux être dans cette confiance, ce lâcher prise, et que je peux m’en remettre à Lui. Sinon, sans cette expérience de l’Amour de Dieu, cela n’a aucun sens : on ne quitte pas pour quitter. Et l’on sait très bien que répondre à l’appel, c’est choisir. Parce qu’on a été choisi, on se sait précédé par un amour, et choisir, comme chacun sait, c’est renoncer.

Prendre le temps du discernement : quel est l’appel de Dieu pour moi :

Frères et sœurs, bien-aimés, le Seigneur continue de nous appeler les uns et les autres, à commencer par l’appel à la vie. Il y a aussi les appels à des états de vie – pour certains d’entre vous, c’est l’appel à la vie matrimoniale, ou l’appel à suivre Jésus, à âtre Son disciple – que l’on reçoit tout d’abord par le baptême - l’appel à Le servir dans les plus pauvres, dans la communauté, les appels sont multiples et il n’y a pas qu’une seule forme d’appel.
Quand on a une vie de prière, c’est intéressant d’être attentif à ce que l’on appelle les motions du Saint Esprit : ce sont des mouvements par lesquels Dieu nous fait désirer des choses bonnes. Car, le choix le plus difficile n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le bien et le bien. Voilà bien la difficulté : de nombreuses choses bonnes s’offrent à nous, et l’on a à choisir, car nous n’avons que 24 heures dans une journée ! A quoi va t-on répondre ? des appels de la famille, de la communauté paroissiale, de la part d’amis, et à chaque fois, c’est du bien.
D’où l’importance de se faire aider, de se faire guider dans le discernement. Cette question du discernement doit être au cœur de notre vie, car nous avons régulièrement à poser des actes de discernement dont on ne voit pas forcément les conséquences : un choix professionnel, pour une famille : un investissement dans l’achat d’une maison ou un déménagement, pour les jeunes : rentrer dans une relation amoureuse, ou bien la terminer… tout cela implique quelque chose, ce n’est pas sans effet sur notre vie.
Et grâce à l’Église, je peux être accompagné par un aîné dans la Foi, qui va m’indiquer non pas ce que je dois faire - parce que chacun est face à sa conscience et dans le contact personnel avec le Seigneur – mais me donner un retour, un regard, parfois une mise en garde d’un danger : « avez-vous pensé à ceci, avez-vous envisagé cela… », des personnes qui perçoivent les événements d’une autre manière.

Cela peut être pour une fois - pour un choix important qui engendre de grands changements dans notre vie – ou alors un accompagnement régulier. Et je trouve que les jeunes restent souvent trop seuls avec les grandes questions de la vie, alors que justement, la grâce d’être dans l’Église est d’être soutenu, de faire communauté, et de pouvoir compter sur la prière des uns et des autres, et de profiter de l’expérience que certains font : aujourd’hui, des laïcs sont formés au discernement… Nous ne sommes pas sans aucun aide.
Et le fait de rester seul peut-être une forme d’orgueil – « que vais-je apprendre de l’autre, je sais mieux que tout le monde ! » - mais c’est surtout se priver de la lumière du Seigneur.

Alors oui, la grâce de la lumière pour prendre une décision ne vient pas tant de la qualité de la personne que l’on a en face de soi et qui nous conseille que de l’attitude intérieure d’avoir demandé conseil, ce qui constitue l’une des étapes importantes du discernement.
Il faut aussi se méfier de la peur de déranger, ou d’attendre de trouver la personne extraordinaire, et autres mauvaises raisons… Non ! des personnes sont mises à nos côtés là où nous sommes, formées au discernement : prenons ce qui nous est donné !

Le commencement du discernement, c’est de prendre ce qui nous est donné et de fleurir là où l’on est planté. J’aime bien cette phrase du philosophe Pascal :

« Les circonstances et les nécessités : voilà nos maîtres spirituels… »

Si je suis dans un tel lieu, avec telles circonstances de travail et de santé, de famille, d’Église… voilà les bases de mes choix parmi les choses qui s’imposent à moi. J’aurais voulu que ce soit autrement, mais la réalité de ma vie est ainsi.
Dans le discernement, il y a une vraie humilité. C’est dans le réel, avec toute son épaisseur, sa fragilité et son imperfection, c’est dans ce quotidien que Dieu m’appelle. Telle est la logique de l’Incarnation. Ne pensons pas à si c’était un autre lieu, un autre temps, car c’est là où je suis que Dieu m’appelle.
Ainsi, on peut faire dette démarche dès maintenant, entrer dans cette adhésion au réel comme un maître spirituel, et de se faire aider, soutenir, accompagner pour lire les pas du Seigneur, les reconnaître dans les événements de vos vies.

Voilà ce que nous allons demander comme grâce les uns pour les autres : ne soyons pas trop confiants dans nos sécurités personnelles comme cet homme qui était tellement confiant dans les choses qui lui appartenaient.
Soyons dans ce questionnement régulier : « est-ce bien cela que le Seigneur veut », et c’est dans la prière qu’Il répond.
Alors, demandons à la Vierge Marie, Elle qui a eu à discerner cet appel de Dieu, Son aide et celle du Saint Esprit pour être des témoins là où nous sommes et répondre avec générosité à l’appel du Seigneur,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Lecture du Livre la Sagesse 7,7-11
  • Psaume 90(89),12-13.14-15.16-17
  • Lecture de la Lettre de Saint Paul apôtre aux Hébreux 4,12-13
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 10,17-30 :

« En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda :
— « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
Jésus lui dit :
— « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul.
Tu connais les commandements : ‘Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère.’ »
L’homme répondit :
— « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. »
Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit :
— « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »
Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples :
— « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! »
Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit :
— « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu !
Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux :
— « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et dit :
— « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus :
— « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. »
Jésus déclara :
— « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »