Homélie du 3e dimanche de Carême

8 mars 2013

« Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas. »

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Texte de l’homélie :

La parole du Christ dans l’Évangile est assez forte, puisqu’Il cite deux événements qui - certainement - défrayaient la chronique de Son temps : cette mort des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, et puis ceux qui étaient tombés sous la tour de Siloé qui s’était effondrée et qui étaient morts aussi. Et Il parle de ces événements-là et Il dit :

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez comme eux. »

Autrement dit : si vous laissez de côté la présence du Seigneur dans votre vie, alors ne vous étonnez pas ! vous récolterez vous-mêmes la rançon de vos actes. Et je trouve cela assez intéressant de voir que nous avons une responsabilité nous aussi par rapport à la Vie Éternelle. Nous croyons que les actes que nous posons ici bas, d’une manière ou d’une autre, retentissent dans l’Éternité. Cela veut dire aussi que nous avons une grande responsabilité.

Loin d’être un dieu qui condamne, Jésus montre au contraire la responsabilité de ces Galiléens qui l’écoutent, de ceux qui sont là, en face de Lui, en leur disant :
« À vous de vous convertir ; Prenez conscience de la gravité de la chose. Vous n’êtes pas meilleurs que ces gens que Pilate a assassinés ou que ces gens morts sous la tour de Siloé. Vous n’êtes pas meilleurs qu’eux, alors convertissez-vous ! ».

Mais, que veut dire « Convertissez-vous » ?

Cela veut dire : « Changez d’attitude, changez de regard ». Le mot latin veut dire : se tourner vers. Alors que l’on a l’habitude de se tourner vers nous-même en pensant à ce qui nous est le plus agréable, à ce qui nous convient, etc, ou encore de se tourner vers des idoles - l’argent, le plaisir, le pouvoir que sais-je - ce que l’on a vu tout au début du Carême avec les trois tentations, qui sont des tentations tout à fait actuelles.

Jésus nous dit : « Vous devez vous convertir. Vous devez vous tourner. » C’est que nous appelons une révolution copernicienne, en référence à Copernic, ce savant qui avait découvert que ce n’était pas le Soleil qui tournait autour de la Terre, mais la Terre qui tournait autour du Soleil. Il faut faire une révolution intérieure.

C’est à dire que ce n’est pas Dieu qui tourne autour de nous et on se servirait de Lui pour nos besoins personnels et portatifs, non. C’est nous qui nous mettons à Son écoute en nous tournant vers Lui.

Et le temps du Carême est un temps favorable pour cela, pour prendre conscience des enfermements que l’on a pu avoir, des replis sur soi-même que l’on a pu avoir - et qui ne les a pas - d’égoïsme – certes, on n’a pas tué père et mère… mais, quand on commence à regarder le détail de nos vies…

On sait que parfois, on est appelé à une logique de don de soi-même – que ce soit dans la vie de famille, dans la vie professionnelle, paroissiale – et l’on constate pourtant des résistances dans notre cœur : on résiste intérieurement : on ne veut pas. Il faut donc se convertir et laisser à Dieu la première place.

Accepter de se perdre soi-même pour mieux se trouver en Dieu

C’est aussi rentrer dans un logique de dés-appropriation : on se perd soi-même. Le Saint-Père Benoît XVI nous l’a bien montré ces jours-ci de façon très touchante : si vous avez suivi les actualités, vu les dernières vidéos, il parlait avec le cœur, sans notes… il n’est pas attaché au pouvoir : voilà un signe de dés-appropriation. Et ce n’est pas pour rien qu’il a fait cette annonce lors de l’entrée en Carême.

Et il faut toute une vie pour cela. Parce qu’on le voit bien, comme le disait mon maître des novices : quand on rentre dans la vie religieuse, on se donne « en gros », de façon massive. Et puis, on se reprend en détail. Et je pense que c’est pareil dans toute vie : matrimoniale, familiale. On désire aimer, donner le maximum, on désire quelque chose de grand pour nous, pour le couple, pour la famille. Puis l’on voit bien que l’on se reprend, comme avec des doigts crochus, en pensant que cela va nous rendre heureux. Et au fond, cela ne nous rend pas heureux car ce qui nous rend heureux, c’est le service. On est riche de ce que l’on donne.

Le paradoxe de l’urgence de la conversion et de la patience de Dieu

Et c’est très beau de voir, à l’image du paradoxe évangélique, quand Jésus dit : « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous, vous récolterez le salaire de vos actes », et en même temps la dernière parabole qui est plus encourageante. Ce paradoxe qui tient les deux : le figuier qui ne porte pas de fruits et qu’il faut couper car il épuise le sol, le vigneron qui demande au maître de le laisser s’en occuper pour qu’il ait une chance de porter du fruit. On y voit à la fois l’urgence de la conversion et aussi la patience du Seigneur avec nous.

Vous avez sans doutes remarqué combien le Seigneur est patient ? Avant d’arriver dans cette église, nous avons pu passer par des chemins spirituels très divers : des moments d’éloignement du Seigneur, voire de révolte ou d’incompréhension, de colère par rapport à Dieu. Puis, progressivement, on a fait un retour vers le Seigneur, parce que le Seigneur a été patient.,

« Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. »

Je trouve que cette parabole et ces deux récits mis bout à bout sont très beaux. Ils montrent à la fois l’urgence et la confiance pour ne pas que l’on se décourage.

Ce qui difficile lorsque l’on se confesse, c’est que l’on confesse précisément les même choses. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ce sont grosso-modo les mêmes péchés. Vous me direz que le prêtre ne vous demande pas de faire dans l’originalité. Non. De fait, on se lave toujours les mains avant de passer à table, on prend sa douche tous les jours… alors, ce que l’on comprend pour le corps, pourquoi ne le comprendrait-on pas pour l’âme ?

Et je trouve que dans le sacrement de la confession, justement, on reçoit à la fois un encouragement et une patience par rapport à nous-mêmes. Peut-être y a t-il des choses que l’on voudrait changer en nous-mêmes : des traits de caractère, des manières de parler, d’agir… et il faut être aussi patient avec soi-même. Il ne suffit pas d’appuyer sur le bouton pour que cela change.

Peut-être aussi veut-on demander au Seigneur Son aide. Et le fait d’entendre le prêtre dire : « Je te pardonne tous tes péchés » nous donne la certitude de la miséricorde du Seigneur. Ce sacrement de réconciliation est très fort. Il est justement l’appel à la conversion, car pour que l’absolution soit valide, il faut qu’il y ait un véritable repentir du cœur, un vrai désir de changer. Le confessionnal n’est pas une station de lavage. C’est vraiment un désir de changer de cœur, comme on chante : « Changez vos cœurs, croyez à la bonne nouvelle ».

Il y a donc ce désir et en même temps la patience du Seigneur qui nous est donnée dans le sacrement. C’est beau d’avoir ces deux aspects-là dans cet évangile, l’urgence et la patience.

Que ce soit alors pour notre vie un encouragement et aussi pour les autres : il y a urgence à parler du Royaume de Dieu, de la Foi, mais il y a aussi cette patience par rapport à nos contemporains qui n’y connaissent pas grand chose, qui ne sont pas contre, mais qui se désintéressent de la Foi. Le Seigneur prend patience et écoute ce vigneron :

« Laisse-le encore cette année, peut-être donnera t-il du fruit à l’avenir. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 3,1-8a.10.13-15.
  • Psaume 103(102),1-2.3-4.6-7.8.11.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10,1-6.10-12.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 13,1-9 :

Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient.
Jésus leur répondit :
— « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ?
Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.
Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »

Jésus disait encore cette parabole :
« Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron :
— “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?”
Mais le vigneron lui répondit :
— “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” »