Homélie du 3e dimanche de Carême

25 mars 2019

“Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir.
Sinon, tu le couperas.”

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Texte de l’homélie :

L’Evangile a de quoi nous surprendre, nous qui avons une mentalité moderne et individualiste, et qui ne voyons pas les conséquences des actions des autres sur nous-mêmes.

A quoi les deux exemples que Jésus donne dans l’Evangile font-ils référence ?
Il y a tout d’abord la méchanceté de Pilate - que l’on connaît déjà pour sa cruauté – qui fait périr ces Galiléens. Puis, il y a ces malheureux qui sont écrasés par la tour de Siloé…
Jésus évoque ainsi la méchanceté et le malheur.

Halte à la superstition !

La première conclusion que l’on peut tirer de cet évangile est qu’il a une déconnexion entre nos actes personnels et la méchanceté et le malheur : ce n’est pas parce que nous sommes méchants que l’on va subir la méchanceté et le malheur. Cela nous paraît sans doutes évident, mais dans la mentalité de l’Ancien Testament, ce n’est pas du tout une évidence.
Sans doutes vous rappelez-vous de l’aveugle de naissance dans l’Evangile, et les apôtres qui demandent à Jésus si c’est lui ou ses parents qui ont péché. S’il m’arrive quelque chose, c’est que j’ai commis un péché, on voit ça aussi dans le livre de Job : dans ce conte inspiré, trois personnes qui lui sont envoyées pour lui dire que s’il lui arrive tous ces malheurs, c’est qu’il a fait quelque chose de mal…
Nous sommes parfois amenés à penser cela aussi. Et Jésus dit que non :

« Croyez-vous qu’ils étaient de moins bons Galiléens que les autres, qu’ils ont subi ce sort-là parce qu’ils étaient mauvais ? Pas du tout ! »

Il y a donc une déconnexion entre ce que l’on peu vivre comme malheur, épreuve et qui nous sommes. Pour une personne vivant au temps de Jésus, c’est une grande découverte, marquant un avant et un après.

Les conséquences de nos bonnes actions sur le monde

Il y a aussi une connexion qui apparaît dans ce passage d’Evangile : nos actes retentissent au-delà de nous-mêmes. Une âme qui s’élève élève le monde.

Une âme qui s’élève élève le monde.

Nous n’avons pas toujours conscience de cela :

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de la même manière. »

Autrement dit, si vous ne comprenez pas la leçon qui est donnée à travers ces épreuves qu’ont subi ces gens, vous serez d’une certaine manière entraînés par les conséquences de vos actes. On le voit dans une famille, dans une communauté, dans un famille : les actes de certains retentissent sur tous.
On le voit aussi dans la première lecture avec l’appel de Moïse auprès du buisson ardent. Il paissait le troupeau de son beau-père Jéthro qui était un prêtre païen, et qui voit quelque chose qui brille et qui brûle, qui attire son attention. Il choisit de faire un détour et, du buissons, il est appelé. De sa réponse à l’appel de Dieu, les conséquences sur les autres seront immenses.
Sans toujours souligner l’aspect négatif de nos actes, on peut le constater avec des actes positifs : aujourd’hui, nous faisons encore mémoire de la réponse de Moïse à l’appel de Dieu !
Quand Saint Paul parle de la Pâque, s’il n’y avait pas eu la Pâque lors de laquelle Jésus a donné Son corps et Son sang, qui est l’accomplissement de la Pâque pendant laquelle le peuple est sorti de l’esclavage pour aller à la liberté, voyez les conséquences si Moïse n’avait pas répondu à Son appel…

Tous liés les uns aux autres

Cela explique pourquoi Saint Paul dit :

« Nous sommes membres les uns des autres. »

Et dans cette mentalité moderne caractérisée par l’individualisme où chacun veut faire selon sa propre volonté, on perd cela de vue : ces Galiléens n’étaient pas de plus grands pécheurs que tous les autres et que vous, mais il leur est arrivé cela. Il est encore temps de vous convertir, tournez-vous vers le Seigneur, et un bien naîtra du fait de votre conversion.
Metanoya signifie « se tourner vers ». Si vous vous tournez vers le Seigneur, si vous accueillez la Parole de Dieu, Sa Miséricorde dans votre vie, vous obtiendrez des grâces pour d’autres, parce que nous sommes liés, membres les uns des autres.
Peut-être a-t-on du mal à en prendre conscience, mais nous savons pourtant que la communion des Saints existe : les Saints canonisés et tous ceux qui sont au Ciel sont en communion avec Dieu et nous pouvons les invoquer car nous savons qu’il y a un lien entre l’Eglise du Ciel et l’Eglise de la Terre. Nous sommes liés.

La communion des Saints

Dans les églises de campagne, on passe souvent par le cimetière pour rentrer dans l’église, et il y a même des personnes inhumées à l’intérieur des églises elles-mêmes. Cela signifie que les défunts sont en communion avec nous qui sommes vivants.
Notre Foi nous permet de voir les choses dans une unité. Et cela nous soutient de savoir que nous portons les autres dans notre combat spirituel, nous méritons la Grâce pour d’autres, ce n’est pas qu’un combat personnel et individuel comme on pourrait le comprendre dans notre société.

Quelque chose se joue au-delà de nous-même, et c’est bien d’en faire mémoire, de nous le rappeler. Ce temps qui nous est donné avec la parabole du figuier

« Maître, laisse-le encore cette année que je bêche autour pour y mettre du fumier, et l’on verra s’il donnera du fruit à l’avenir… »

L’urgence de la conversion

Cela fait aussi référence au figuier maudit dans l’évangile de Marc moment de la Passion : le figuier est desséché. C’est intéressant de faire le lien.
Le temps qui nous est donné est un temps de préparation pour accueillir la visite du Seigneur. Il y a donc une forme de condensation, d’urgence dans le temps chrétien. Nous sommes comme dans un « temps fléché ». C’est très différent de la conception asiatique qui voit le temps de manière circulaire : on revient, il y a la réincarnation.
Nous croyons à la Résurrection qui n’a rien à voir avec la réincarnation : pour nous il y a un début, il y a une fin et entre les deux, il y a une urgence ! Convertis-toi, bouge, sinon tu vas manquer la fin de la partie !

Prenons conscience de cette urgence, que nos vies engagent celle des autres, tout comme celle de Moïse a engagé la nôtre, de même avec la vie du Christ qui nous offre le Salut, celle de Paul nous montre le chemin de la conversion…

Demandons au Seigneur d’avoir un regard plus large, de voir que nos péchés engagent aussi d’autres, retentissent effectivement sur d’autres ; de même la conversion est aussi pour d’autres, pour que la communion soit au rendez-vous, là où nous sommes…
Demandons pardon au Seigneur pour notre vision trop étriquée de notre vie. Demandons-Lui un regard plus ample, tourné vers Lui, que nous ayons le courage d’être les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 3,1-8a.10.13-15.
  • Psaume 103(102),1-2.3-4.6-7.8.11.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10,1-6.10-12.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 13,1-9 :

Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient.
Jésus leur répondit :
« Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ?
Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.
Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »

Jésus disait encore cette parabole :
« Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas.
Il dit alors à son vigneron :
— “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?”
Mais le vigneron lui répondit :
— “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” »