Homélie du 5e dimanche de Carême

20 mars 2018

« Si le grain de blé tombé en terre meurt, il porte beaucoup de fruit. »

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Chers frères et sœurs, chers jeunes,

je me souviens quand j’étais enfant à l’école au primaire, on ne donnait des lentilles ou des haricots, nous les mettions sur du coton, on arrosait, une petite pédoncule sortait de la lentille et petit à petit comme un petit arbrisseau commençait, puis à la fin la lentille était tout rabougrie.

C’est à peu près la seule expérience que nous avons en général de la germination, mais au moins c’était ce qu’il y avait de plus concret pour moi.

Qu’est-ce que cela veut dire qu’un grain tombe en terre meurt et pousse ?

C’est important de toujours se souvenir de la richesse des images agricoles que le Seigneur prend, lui vit dans ce monde là, et parfois pour nous ce sont des images qui nous passe un peu à côté.
Jésus se compare à ce grain de blé qui tombe en terre. Jésus va mourir puis va ressusciter. Jésus ne ressuscite pas seul.

On dit que celui qui ne meurt pas reste seul. Qu’est-ce que cela veut dire que Jésus est ressuscité, mais pas tout seul ? Cela veut dire que Jésus nous ressuscite avec lui, tout simplement et qu’il nous donne cette vie qu’il a en lui. C’est magnifique !
En fait, toute la vie de Jésus c’est de ne rien garder pour lui et de tout donner à Dieu et aux hommes. le slogan de Jésus pourrait-être : « Rien pour moi, tout pour Dieu, tout pour les autres ! »

J’aime beaucoup la phrase du curé d’Ars, ce prêtre qui vivait au XIX ème siècle, il avait beaucoup de paroissiens et plein de gens se confessaient à lui :

Mon secret est bien simple, il est de tout donner et de ne rien garder.

C’est aussi notre programme.

Mais c’est difficile de tout donner et de rien garder ! Parce que nous sommes tous un peu égoïstes. On veut bien aimer, mais un petit peu. On veut bien nous donner, mais pas jusqu’au bout. On veut bien aimer, mais on ne veut pas mourir. On a toujours une petite réserve.

Un de nos frères, frère Diego, fait des goums. Ce sont des grandes randonnées dans la montagne, on prie et on fait pénitence en jeûnant. Pour toute la semaine chacun a 1kilo de riz et une boîte de corned beef. Certains petits rusés ont toujours un petit morceau de fromage dans leur poche qui leur permettent de tenir le coup. Ils ne jouent pas complètement le jeu du goum.
Et nous, quel est notre petit morceau de fromage ? où avons-nous du mal à nous donner jusqu’au bout ?

Nous, les frères de communauté, nous faisons voeu de pauvreté, mais n’avons-nous pas par hasard une petite caisse noire qui nous permet de faire des petits achats sans que personne ne le sache ? Vous vous souvenez peut-être de la veuve dans l’Évangile, elle met une petite piécette dans le tronc du Temple, comme si elle donnait à la quête, et Jésus dit d’elle qu’elle a donné plus que tout le monde. Elle adonné tout ce qu’elle avait pour vivre. Nous, nous avons tant de mal à donner tout ce qui nous tient un peu à coeur !

Quand j’étais enfant, ma maman faisait partie d’un groupe de gymnastique, on nous demandait à Noël de donner quelque chose pour des petits enfants qui avaient été accidentés dans des grands accidents de la route et qui étaient à l’hôpital de Garches, tétraplégiques. On nous demandait de leur donner un jouet à Noël. Ma maman me disait de donner un jouet, mais celui auquel j’étais attaché, pas celui dont je n’avais pas envie. Si tu donnes ce qui te coûtes et que tu aimes, ton don fera du bien à l’autre. C’est cela donner ce qu’on a pour vivre. Cela peut se vivre chacun à notre niveau. C’est comme cela qu’on apprend à aimer.

J’allais voir un vieux frère moine à l’Abbaye de Saint Wandrille, il me disait qu’il faut éprouver dans sa chair ce qu’il en coûte d’aimer. Si aimer ne coûte jamais, il y a peut-être quelque chose qui coince.
Si on fait des dons aux associations humanitaires, philanthropiques, uniquement pour avoir l’abattement fiscal, est-ce vraiment un don ?

Si on va jusqu’au bout de son don, le bon Dieu nous vient en aide. Dans l’Évangile, Jésus nous dit qu’il nous donne tout, qu’il est ce grain de blé qui tombe en terre, à ce moment-là le père se manifeste en parlant et en lui disant qu’i est fier de lui :

Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore.

Si on ne donne pas tout, on se prive de ce regard d’amour du Père sur nous, parce que quand on aime, le père est ébloui, émerveillé, il nous le fait sentir en nous donnant la paix et la vraie joie.
C’est quelque chose qu’il faut qu’on puisse expérimenter.

Si on ne donne pas tout, on reste seul. Certaines personnes sont très contentes parce qu’elles ont pu garder leur égoïsme, mais à 60, 70 ans ne sont toujours pas mariées par ce qu’elles ne se sont pas données. Je ne condamne personne, mais chers jeunes, je ne veux pas que vous restiez seuls, il faut que vous puissiez vous donner et que vous ayez comme la consolation d’avoir porté du fruit.

Quand quelqu’un se donne, qu’il est mort à lui-même, complètement donné, c’est extraordinaire !
Il devient source de lumière pour le monde, source de vie pour le monde.
Marthe Robin, à la fin de l’adolescence, a eu une grave maladie qui l’a complètement paralysée dans son lit. mais elle aimait le bon Dieu passionnément. Elle n’a rien fait d’autre que d’aimer le bon Dieu dans on lit, et elle est devenue comme une source de lumière pour tous ceux qui venaient la voir. Tout de suite on était consolé, elle nous comprenait, elle nous parlait de nos affaires avec beaucoup de simplicité, on se sentait plus proche de Dieu et on était heureux. On avait alors envie de reprendre la vie avec enthousiasme.
Parce qu’elle était morte à elle-même, elle devenait source de vie pour le monde.

Quand nous refusons de mourir à nous-mêmes, nous empêchons que les étoiles s’allument dans le ciel et l’avenir est obscur et reste triste. Quand on se donne, on permet que les étoiles s’allument dans le ciel.

Être le grain de blé qui meurt, c’est difficile !
Jésus nous aide en nous donnant une grand force qu’il a à l’intérieur de lui : l’amour qui est aussi l’Esprit Saint.

La première lecture nous dit :

Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur

.

C’est la loi de l’Esprit Saint. Jésus a cette flamme au dedans de lui qui lui permet de brûler d’amour pour tout le monde, cette flamme il nous la donne, qu’elle brûle dans notre coeur et qu’elle consumme le mal pour nous puissions aimer comme il a aimé.

Jésus nous donne aussi de vivre une histoire.
Il nous emmène à l’école de la vie. Nous aurons des épreuves, des moments heureux, tout cela le Seigneur nous le donne pour que nous puissions apprendre à aimer.
Le peuple d’Israël, dans la première lecture, a tout reçu : il a reçu les 10 commandements, la manne, des perdrix pour se nourrir, mais il s’est détourné. Il a préféré retourner à ses idoles. Dieu en retour lui donne sa Loi et lui dit qu’il va passer par des moments difficiles, mais qui vont lui permettre de se tourner vers lui. Il va l’envoyer en exil, mais petit à petit le peuple va se rappeler que son Dieu est vraiment le Seigneur d’Israël, qu’il aime et qu’il a envie d’aimer.

Dans nos vies il y a des moments difficiles, mais c’est peut-être pour que nous nous tournions vers Dieu et que nous reconnaissions celui qui nous rend heureux, que c’est lui qui veille sur moi. Parfois ce sont des deuils, des échecs, des incompréhensions dans la famille, parfois ce sont toutes les limites que nous voyons de notre péché, mais le Seigneur nous les envoie pour que nous lui faisions confiance et que nous revenions vers lui.

Dans tout ce chemin, le bon Dieu nous a donné notre Maman du Ciel, elle nous accompagne. Elle nous réconcilie avec ce qu’il y a de difficile dans notre vie, sa tendresse ne nous abandonne jamais. Demandons lui d’avoir, comme elle, entièrement confiance en Dieu, de savoir comment il peut nous rendre heureux et nous serons alors comme ces étoiles qui brillent dans la nuit.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 31,31-34.
  • Psaume 51(50),3-4.12-13.14-15.
  • Lettre aux Hébreux 5,7-9.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 12,20-33. :

En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque.
Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus.
Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié.
Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. »
Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre.
D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »
Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous.
Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.